Le rideau s'écarte.
J'avance le premier.
Pour moi, c'est comme tomber dans un trou de lumières et de sons, sans savoir ce qui m'attend de l'autre côté.
Au début, je suis ébloui.
Aveuglé.
J'avance, en tirant derrière moi, le fruit de tous les péchés.
Ma propre fille, bientôt immolée.
Mes yeux s'ajustent.
En effet, la foule est dense.
Quelle foule!
Que des hommes.
Des hommes, partout.
Ils sont tous nus.
De la tête aux pieds.
Pas de masques, ici.
Ils évoluent à visage découvert.
Des rangées de bides.
Des rangées de bites.
Qui nous encouragent.
Qui me conspuent.
Des cris.
Des huées.
Des applaudissements.
Heureusement, une jeune femme aux seins nues, vêtue de simples collants noirs, me tend la main.
Une belle femme, avec de très beaux seins.
Elle est tatouée, sur le bras gauche, d'un serpent particulièrement impressionnant.
Elle me sourit. Je reconnais la compagne de Bernard du restaurant.
Elle me guide à travers la masse des hommes agités.
Des mains avancent.
Je suis l'affreux.
Quelques-uns me crachent dessus.
D'autres me claquent les fesses.
Mais, c'est surtout Zoé qu'ils veulent toucher.
Fidèle à son personnage, elle serre son nounours, suce son pouce, et se tortille comme une petite fille pour éviter le contact des mains lubriques.
Je commence à bander.
Au même instant, je sens la douleur que provoque la cage de chasteté sur mon sexe enfermé.
— Ne pas bander… Ne pas bander…
J'essaie de me le répéter en boucle.
Plus efficace à me calmer, je regarde les visages terrifiants des hommes excités.
Combien de mes clients?
De mes collègues?
De mes voisins?
De mes anciens copains?
Des mecs de notre famille de dégénérés?
Nous faisons deux fois le tour de l'espace réduit.
Je ne sais pas combien d'hommes sont présents.
Des dizaines et des dizaines.
Plus que sur mon DVD.
Finalement, la jeune femme nous guide vers l'endroit de l'offrande.
Il s'agit d'un fauteuil particulier.
Il est à deux places.
À deux niveaux.
Les hommes laissent un espace.
Tous veulent voir.
La foule est serrée.
L'hôtesse me positionne.
Je suis sur le haut du siège.
C'est à Zoé maintenant de s'installer.
Elle est allongée sur le dos, comme moi, mais sa tête arrive à hauteur de mon entrejambe, juste en dessous de ma cage de chasteté.
La femme continue de la positionner.
Il y a un espace pour mettre les pieds à la manière d'une chaise de gynécologue si bien qu'elle a, en permanence, les jambes écartées.
Voilà…
Nous sommes installés.
Le Bukkake peut commencer.
À ma grande surprise, Bernard s'est dévêtu.
Comme au Bukkake avec la mariée, il a l'honneur d'être le premier.
Probablement, une tradition de la maison.
Tous les spectateurs honorent ce privilège.
Les petites chansons enfantines continuent de jouer à la sono.
Bernard approche.
Il masturbe un peu sa queue pour bander.
Avec les années, son corps s'est couvert de tatouages.
Il est très en forme.
Muscles.
Abdominaux ciselés.
Il s'approche de Zoé qui n'a plus son nounours.
Elle retire le pouce de sa bouche.
Elle se tourne vers le sexe de l'homme.
Je vois tout.
Je suis tellement bien placé.
Ma queue est prête à éclater!
J'arrive à peine à respirer.
Une douleur horrible qui enserre ma bite et qui remonte dans tout mon corps.
Je commence à pleurer de douleur.
Zoé ouvre sa bouche pour la première fellation de la nuit.
Les hommes explosent de joie.
Et moi, je regarde…
Je m'en fiche du public.
Je m'en fiche de souffrir.
Je veux voir Zoé qui pompe la queue de l'homme.
Même pas une minute après, il éjacule partout sur son visage.
C'est parti!
Après, c'est la ruée.
Les hommes survoltés approchent.
Les bites s'organisent si bien que Zoé n'arrête pas de travailler.
Tout est permis.
Ils la touchent de partout.
La poitrine.
Le ventre.
Ils frottent sa culotte en plastique.
Ses cuisses.
Ses pieds.
Les bites sont partout.
Dans sa main droite.
Dans sa main gauche.
Dans sa bouche.
Le sperme commence à fuser.
Ils éjaculent de préférence dans sa bouche ouverte.
Ou à côté.
Cela n'a pas d'importance.
Le sperme coule à flot.
Et moi, je suis le mateur absolu.
Les yeux pleins de larmes devant la cruauté de la mise en scène signée Bernard Mesnillard.
Pas la peine de tout décrire.
Vous avez une bonne idée.
Plus de cent hommes passent les uns après les autres pour éjaculer dans la bouche…
Sur le visage…
Sur le corps de Zoé.
Je n'ai qu'une seule activité.
Si du sperme tombe dans ses yeux, je dois juste l'essuyer avec les lingettes humides que m'a laissé l'assistante.
Sinon, je dois regarder, tout en encaissant les quolibets.
Après l'éjaculation, les hommes cherchent à me cracher au visage.
Heureusement, je suis bien haut placé.
Peu y parviennent.
Autant d'hommes à satisfaire, ça prend pas mal de temps.
Pas mal de temps à Zoé pour avaler ou cracher sa bouillie spermatique.
J'admire son endurance de championne.
Pour aider, l'assistante de Bernard n'est pas loin.
Elle est couchée sur un fauteuil voisin.
En plus de sucer des queues, elle se laisse pénétrer la chatte.
Je suppose que c'est pour alléger l'offre ou pour ceux qui en redemandent.
Beaucoup préfèrent attendre…
Ils veulent Zoé.
Ils veulent sa petite bouche innocente.
Le sexe c'est dans la tête…
L'éjaculation, c'est déjà la fin.
Le plaisir, c'est d'anticiper.
Le spectacle continue jusqu'à ce que le stock de sperme soit épuisé.
Les types, heureux d'avoir juté sur une mineure, retournent au bar pour boire un coup.
Et, pour en rigoler.
Le rideau se referme.
L'assistante de Bernard aide Zoé.
Je reste seul sur le grand fauteuil, couvert de sperme à dégueuler.
Mes jambes en ruissellent.
J'attends avec mes jambes ouvertes, ma cage de chasteté bien exposée.
Bernard approche.
Habillé de son costume sombre, il a l'attitude d'un homme blasé.
— Alors, ça t'a plu? C’est ce que tu voulais?
Une heure plus tard, défait du bâillon, libéré de la cage de chasteté, après une douche tout habillé, après avoir enlevé mon costume de scène, je suis dans ma loge.
Je termine de m'habiller.
Ma tête est pleine de folie.
Pleine de visages.
Ah oui, j'ai oublié de le dire.
Ils sont tous venus les Belgeards.
Des oncles.
Des cousins.
Des vieux potes.
Gabriel et sa bande, bien entendu.
Le père de Murielle.
Des bons clients.
Des fournisseurs.
Ils sont venus vivre un rêve.
Une illusion.
Une orgie des fantasmes.
En civil, je quitte la pièce à la recherche de Zoé.
Je la trouve au comptoir du bar, quasiment déserté.
Elle parle avec Bernard.
Est-elle choquée?
Traumatisée?
Blessée?
Non.
Elle rigole avec lui.
Comme si tout ça, ce n'était qu'une bonne blague.
Un théâtre de guignol.
— V'là, le papa chéri, me lance Bernard, pour me narguer. Tu bois un coup?
— C'est pas de refus.
La grosse femme en rouge sert une rangée de shots de vodka, bien glacés.
Elle ajoute en me caressant la joue:
— Tiens, mon mignon… C'est le meilleur médicament pour guérir ton petit kiki.
Je m'en fiche de leurs petits rires narquois.
On trinque.
On avale d'un trait.
— V'là ton enveloppe, me dit Bernard. Mille euros, en espèces… C'est bien mérité.
Mille euros…
Du coup, ça ne me semble pas beaucoup.
Je la glisse dans la poche intérieure de ma veste.
Je n'ose pas parler à Zoé.
J'ose à peine la regarder.
— C'était une super soirée, ajoute Bernard. On a eu que des compliments… Alors, ils m'ont déjà demandé… Si vous voulez revenir tous les deux pour un Bukkake ou pour autre chose… C'est quand vous voulez…
— C'est noté… Merci… On va voir.
Zoé baille fortement.
— On va rentrer, j'ajoute, moi aussi fatigué.
— Si t'as envie d'une maman pour te donner la tétée ou te donner la fessée, tu sais où me trouver, me lance la femme en rouge, pleine de sous-entendus.
Je ne réponds pas.
Bernard me tend la main.
Je la serre amicalement.
Tenant Zoé par l'épaule, il nous raccompagne jusqu'à la porte d'entrée.
Le videur de tout à l'heure est assis sur une chaise de paille.
Il nous lance un petit salut poli.
Bernard fait la bise à Zoé qui part devant.
— Au fait, j'interpelle Bernard. Pendant le Bukkake, j'ai vu un gars qui filmait…
— Oui, je filme… C'est vendu à une boite en Allemagne pour un prix fixe, ça aide à la rentabilité.
— On peut les voir?
— Oui, le site s'appelle bukkake777… Mais, ça prend entre trois et six mois avant qu'il soit disponible…
— Et Aline? Y'a d'autres films?
— Ils ont des archives… Faut voir sur le site, parce que ça tourne assez régulièrement.
— OK… Merci, Bernard. C'était une expérience.
Je lui serre la main une nouvelle fois, avant de filer.
Nous roulons dans la nuit à bord de la Mini.
Zoé n'arrête pas de bailler.
J'ai envie de dire quelque chose mais je ne sais pas quoi.
Alors, je vais avec l'essentiel.
— Tu sais, Zoé… Les gendarmes ont trouvé le coupable.
Le sujet la réveille immédiatement.
— C'est qui?
— Je vais te le dire… Mais avant, je veux te raconter une histoire incroyable avec ta maman… L'histoire de sa famille.
Nous y passons la nuit.
Je lui raconte tout ce que je sais dans les moindres détails.
Sans me censurer.
Sans cacher la vérité.
Disons le franchement…
La vérité, Zoé l'a bien méritée.
Après, je sens que le cercle est brisé.
Pas la malédiction.
C'en était pas une.
Un voile est levé.
À l'instant où le rideau au Lutin des Bois s'est écarté, Aline a repris ses ailes.
Elle s'est envolée.
Elle est partie en paix, là où elle devait aller.
Au paradis…
En enfer…
Peu importe, tant que c'est un endroit où il y a un Bukkake tous les vendredis.
— Je vous fais le plein? me demande-t-elle, en soufflant la mèche blonde qui lui tombe devant le nez.
— Oui, s'il vous plaît.