Je rentre chez moi après une dure journée de travail.
Je pense au gendarme.
Je rationalise.
Je pense qu'il est venu me voir parce qu'il n'a pas grand chose d'autre.
Il est frustré dans son enquête.
Il veut me mettre la pression.
Voir mon visage, face à ses accusations.
Je me rassure, encore une fois…
Il ne peut rien prouver.
Un peu d'électronique retrouvé dans l'amalgame d'un feu.
N'importe qui aurait pu le laisser là.
Peut-être même une erreur de leur labo.
Je ne dois pas me laisser distraire.
Aline est morte.
C'est la seule vérité.
Les circonstances n'ont pas d'importance.
Rien ne peut la faire revenir.
Sauf…
Je gare ma vieille Clio dans le garage.
J'entame mon rituel de toujours.
Douche.
Rasage.
Habits frais.
Lorsque je suis présentable.
Je monte l'escalier.
J'entre dans le salon.
Zoé est en compagnie de Murielle.
Deux jeunes femmes de dix-sept ans qui écoutent de la musique sur YouTube.
Devant elles, sur la table basse, les emballages vides de leurs grignotages d'après école.
Elles pianotent sur leurs écrans.
Je devine qu'elles y maltraitent leurs petites camarades.
Toutes celles qui ne sont pas aussi belles…
Elles se moquent.
Elles font circuler des ragots.
Elles inventent des mensonges.
Cet univers mystérieux ne cesse de les faire pouffer de rire.
Elles s'échangent des images comiques.
Des mèmes, comme elles disent, dans leur jargon.
— Bonsoir…
Elles me regardent entrer comme si j'étais un génie qui venait d'apparaître spontanément de sa lampe merveilleuse.
Elles ne bougent pas d'un centimètre.
— 'soir…
— 'soir, monsieur Belgeard.
— Murielle, en tant que meilleure amie de Zoé… Ce serait bien si tu m'appelais Arnaud, à partir de maintenant…
Les filles échangent un regard complice puis elles pouffent de rire.
Un rien les fait rigoler.
— Alors, c'est d'accord… Bon, je vais vous préparer un bon petit dîner.
À ce mot, Zoé lève le nez.
— Merci, papa… T'es un chou.
— En attendant, je peux vous amener une boisson… De l'eau avec un peu de citron ou préférez-vous autre chose ?
— Il n'y a plus de Coca, m'informe Zoé.
— J'irais faire des courses, après le dîner… Ils sont ouverts jusqu'à minuit au Leclerc.
Pendant qu'elles poursuivent leurs attaques cruelles contre des inconnues, je déblaie les emballages vides.
J'en profite pour, discrètement, examiner leurs tenues.
Elles ont plus ou moins le même look.
Leggings.
Tennis blanches sans lacets.
Débardeur, épaules nues pour Murielle…
Crop-top, pour Zoé.
Elles portent de véritables collections de bracelets, tant aux poignets qu'aux chevilles.
J'amène les boissons avant d'attaquer le dîner.
Je prépare un peu de saumon sur un lit d'épinard.
Je sais qu'elles n'aiment pas les grosses portions.
Par contre, j'ouvre la bouteille de vin blanc qui traînait dans le réfrigérateur.
Je mets la table dans le coin repas.
Je baisse l'éclairage dans la véranda.
Lorsqu'elles arrivent, affamées, elles sont un peu surprises de mon effort.
Moi, je me suis fait une pizza surgelée.
Elles s'installent devant leurs assiettes.
Je leur sers du vin.
— Merci, papa… C'est vraiment super.
— C'est normal, ma chérie… Surtout si tu as de la compagnie… Tu viens, chez nous, autant que tu veux, Murielle… Et puis, n'hésitez pas à inviter vos amies…
Elles mangent un moment en silence tout en étudiant leurs écrans de téléphone, par intermittence.
Murielle apprécie le vin blanc.
Elle a un joli visage, un peu rond.
Un léger diastème entre ses dents de devant.
Je ne connais pas ses parents.
D'ailleurs, je ne suis encore jamais allé à l'école de ma fille.
Parce que j'étais trop occupé par l'Autoplus.
Parce qu'Aline ne le souhaitait pas.
C'est une lacune que je vais pouvoir combler.
— Dis voir, papa…
Zoé interrompt mes pensées.
— Oui?
— J'ai envie de faire une fête, samedi prochain…
— Où? Ici?
— Oui… Ce serait chouette.
La demande me surprend.
La réponse me vient, presque automatiquement.
— C'est une super idée… Cela fait des années que tu n'en as pas eu.
— C'est maman qui voulait pas…
— Et franchement… Je ne sais pas pourquoi.
— T'es d'accord, alors?
— Oui… Mais, je travaille le samedi alors il faudra tout organiser, toute seule.
— Murielle va m'aider… Pas vrai, Murielle?
— Euh, oui…
— T'as besoin d'argent?
— Ben, oui…
— Pour les boissons et le buffet, deux cent euros, c'est assez?
Zoé hésite avant de me demander:
— T'es d'accord si y'a de l'alcool?
Je laisse planer un peu le suspense, avant d'ajouter:
— Une fête sans alcool, c'est pas une fête… Comme je vais faire les courses au Leclerc… Qu'est-ce que vous voulez?
Les deux filles échangent un regard étonné.
— Euh…
— Je vais prendre une sélection… Whisky, gin et vodka… Disons, cinq bouteilles de chaque… Comme ça, ça nous fera un petit stock… Pour les prochaines fois.
Spontanément, Zoé bondit de sa chaise et vient poser un petit bisou sur ma joue.
— T'es le meilleur, papa!
— Merci, Arnaud, ajoute Murielle, plus hésitante.
— Ça fait plaisir d'être apprécié par deux si jolies jeunes filles… Alors, trinquons à ça.
Nous entrechoquons nos verres.
Je trempe les lèvres dans le mien.
Murielle descend le sien, cul sec.
Après le dîner, les filles montent à l'étage dans la nouvelle chambre de Zoé.
J'apprécie leur spontanéité.
L'énergie de la jeunesse…
Rien n'est plus merveilleux au monde que d'avoir une jeune fille, pleine d'élan, sous son toit.
Je range la cuisine.
Je range le salon.
Je fais un peu de linge.
Le panier, que je récupère à l'étage, déborde.
Je descends au sous-sol.
Je trie les couleurs et le blanc.
Très vite, j'ai une petite pile avec les culottes de Zoé.
J'ai envie d'y mettre le nez mais j'hésite, pour le moment…
Je les jette dans le tambour.
Je démarre le programme court.
Je grimpe dans ma Clio pour aller faire les courses.
En déambulant dans les allées de l'hypermarché à pousser mon Caddie, je repense à l'adjudant Passais.
Est-ce que je devrais en parler à un avocat?
Je ne connais personne dans ces métiers.
Peut-être qu'un des parents d'élèves…
En même temps, je ne veux pas que Zoé l'apprenne.
Ce serait terrible…
Comment dire à une jeune fille que sa mère a, peut-être, été assassinée par son père?
Tout en rêvassant, je me retrouve dans le rayon des cosmétiques.
Je n'ai besoin de rien pour moi mais juste quelques bricoles que Zoé a mis sur la liste commune, épinglée dans la cuisine.
Des protections féminines…
Un shampooing.
Là, je tombe sur le présentoir des teintures pour cheveux.
Je ne connais pas toutes ces marques.
Je regarde la teinte des mannequins photographiés sur les emballages.
De mémoire, je prends celle qui se rapproche le plus.
Je jette deux paquets avec le reste de mes achats.
De retour à la maison, je range les aliments.
J'ai acheté trois caisses d'alcool à prix modérés.
Sur la table de la cuisine, je place en évidence deux cent euros en espèces, sous un presse papier.
J'ajoute les articles pour Zoé et les deux paquets de teinture.
Zoé les trouvera, demain matin.
Je ne sais pas si Murielle est déjà partie…
Peu importe, je retourne au sous-sol pour terminer mon linge et aller me coucher.
Le samedi, je travaille jusqu'à dix-neuf heures, comme d'habitude.
Lorsque j'arrive à la maison, je remonte par le garage.
Je jette un coup d'œil discret aux préparatifs.
Zoé et Murielle ont fait un bon boulot.
Elles ont bougé les meubles.
Organisé une table pour le buffet.
Il y a même un équipement de sonorisation, probablement prêté par un copain qui se voit un avenir de DJ.
Je ne veux pas les déranger.
Je retourne au sous-sol.
Je prends ma douche comme d'habitude.
J'enfile un survêtement.
Je me suis acheté un sandwich et une bouteille d'eau.
Je rentre dans ma chaufferie.
Je tire la porte de fer.
J'enclenche le verrou.
Personne ne peut plus entrer.
Je suis tranquille…
Je m'installe sur mon lit de camp.
Je mange mon sandwich.
Très vite, j'entends des bruits de moteurs, à l'extérieur.
Des bruits sourds de musique amplifiée.
Les lycéens commencent à arriver.
Les belles années…
Il faut en profiter parce que, après, c'est toujours compliqué.
Moi, je suis passé directement dans le monde du travail.
Pas d'année sabbatique, pour faire un voyage à l'étranger.
Pas question d'aller traîner dans une fac de glandeurs.
Mon père a trop besoin de moi dans l'atelier.
Dans nos métiers, le personnel c'est la clé.
Trouver quelqu'un de confiance, c'est pas si facile.
Le bon côté, c'est que je suis très vite salarié.
Je gagne ma vie.
Je quitte le logement familial à ma majorité.
À vingt-et-un ans, je suis un homme indépendant.
Hélas, c'est déjà trop tard pour être un homme normal.
Qu'est-ce qui m'a rendu comme ça?
Où se trouve la source de mon incapacité?
Un petit sexe, c'est une chose, mais ce n'est pas la seule…
Dans notre pays de crâneurs, je ne suis certainement pas le seul.
Ils doivent bien se débrouiller, les autres.
Et, dans le pire des cas, ils peuvent toujours passer le vendredi soir au Lutin des Bois.
Parce que franchement, sur la vidéo du Bukkake, pas mal de bites jouent dans ma catégorie.
Nous n'avons pas un pays de grosses queues…
Non, dans mon cas, ce n'est pas que ça…
Il y a autre chose en moi.
Un passé.
Au-dessus de ma tête, la sonorité augmente.
La fête a démarré.
J'entends des cris.
Des rires qui traversent le béton de la cave.
C'est une sensation curieuse d'être enfermé seul, comme dans une tombe, entouré de la joie et des rires d'une masse humaine invisible.
Ça fait réfléchir…
Marie-Ève.
L'école primaire.
En CM1.
La récréation, c'est toujours la même chose.
La maîtresse nous surveille d'un coin de l'œil, en compagnie de ses collègues des autres classes.
Moi, je dois normalement jouer avec les autres garçons.
Au foot…
À courir.
À faire tout ce que les garçons font…
Ils ne m'intéressent pas.
Depuis toujours, je suis fasciné par les petites filles.
Elles me captivent.
Elles m'enchantent.
Elles m'éblouissent.
Rien au monde n'est plus attirant que leurs jeux.
Leurs bavardages…
Leurs secrets.
C'est un monde qui n'a rien à voir avec ce que je connais.
Chez nous, mon père est une brute.
Ma mère est soumise dans son rôle d'épouse au foyer.
Il n'y a pas de douceur.
Il n'y a pas de délicatesse.
Alors, pendant la récréation, je découvre ce qu'est la beauté.
Un groupe de petites filles m'a accepté.
J'ai ma place.
Je m'assois sur un parapet et, sans dire un mot, je les regarde jouer.
Leurs histoires inventées.
Leurs fausses dînettes.
Leurs photos de chanteurs à la mode.
Il s'agit d'une avalanche d'informations toutes plus fascinantes les unes que les autres.
Elles me tolèrent parce que je suis moins brute que les autres.
Je n'ai pas envie de les bousculer.
De leur courir après…
De leur tirer les couettes.
Je n'ai même pas envie de les toucher.
Juste de les regarder.
De les admirer.
De les aimer.
Marie-Ève.
À mes yeux, c'est la plus belle.
C'est aussi la chef.
Parce qu'à neuf ans, les hiérarchies sont déjà établies.
La force physique, chez les garçons.
La beauté classique, chez les filles.
Les faibles et les moches ne servent que de souffre-douleurs.
Chez les humains, il y a toujours un chef qui doit commander.
Marie-Ève est la meneuse qui dicte les jeux.
Qui donne le ton…
Si Marie-Ève ne m'avait pas apprécié, je n'aurais pas eu le droit de rester dans le groupe.
Elle m'aurait chassé.
Mais, elle m'aime bien.
Elle aime que je la regarde.
Que je l'admire.
Elle sent que c'est important pour sa propre autorité.
C'est elle aussi qui définit les limites de mes activités.
Par exemple, si leur jeu demande un assistant, je dois obéir aux consignes.
Ou bien, je dois surveiller leurs affaires.
Ou, mieux encore, surveiller la porte des cabinets.
Si vous pensez que les enfants ne sont pas sexuels entre eux, vous vous trompez.
C'est un code, qui n'a rien à voir avec celui de la puberté et encore moins avec celui du monde adulte.
En fin d'année scolaire, une grande sortie est organisée.
Une visite du musée de la ville et un pique-nique dans le parc du vieux château.
Des mamans nous escortent.
La maman de Marie-Ève est venue.
Elle est grande.
Fine.
Blonde.
Des yeux bleus.
Ma mère a toujours été France profonde.
Ronde.
Peu élégante.
Souvent dans des tabliers imprimés.
La femme banale d'un mari grossier, issu de la classe ouvrière.
Lorsqu'ils ont eu un peu d'argent, il était trop tard pour remédier aux années de médiocrité.
Même leur maison dans le Sud est modeste et manque de beauté.
Par contre, la mère de Marie-Ève, c'est la plus belle femme du monde…
Probablement que vous la jugez vulgaire, avec ses bottes noires brillantes à talon, ses collants noirs, sa jupe violette trop courte et son col roulé orange, hyper moulant.
Mais pour moi, c'est ça la beauté!
La mère idéale…
L'espace du parc invite à des jeux plus ouverts.
Fini le béton de notre cour de récréation.
Ici, on peut courir loin.
Le jeu le plus évident est une partie de cache-cache.
Évidemment, je suis avec mon groupe de petites filles.
Marie-Ève me désigne comme le chercheur obligé.
À moi de compter jusqu'à vingt et de les trouver.
Pas si facile…
Il y a des bosquets.
Des futaies.
Et, je ne suis pas très doué pour courir.
Enfin, je fais de mon mieux…
Au bout de deux parties, j'ai démontré toute ma nullité.
Alors, Marie-Ève trouve un nouveau jeu.
L'inverse, en quelque sorte…
Moi, je vais me cacher et les quatre fillettes vont me chercher.
Mais, il y a un truc.
Celle qui me trouve la première, pourra faire de moi tout ce qu'elle veut.
C'est parti…
Fatigué, mais pas épuisé, je me cache dans un espace que j'ai repéré pendant mes recherches précédentes.
Au milieu d'un groupe de trois buissons épais, il y a un espace.
La planque parfaite.
Je m'y cache et je laisse le sort jouer.
Je suis bien dissimulé.
Je suis heureux de cette petite victoire.
Deux d'entre elles sont passées à deux pas de moi, sans me voir ou sans oser s'y enfoncer.
Puis, tout de même, un bord de fourré s'agite.
Je suis trouvé.
C'est Marie-Ève.
— Touché…
— T'as gagné, je lui dis.
— Oui… Alors je peux te faire ce que je veux…
Nous ne sommes que tous les deux.
La petite fille n'hésite pas.
— Baisse ton pantalon.
Je suis figé sur place.
— Baisse ton pantalon, j'ai dit.
Pour me discipliner, elle ramasse une branche fine.
Menacé, je laisse tomber mon pantalon sur mes chaussures.
Je ne porte que mon slip.
Marie-Ève affiche maintenant le regard dur de celle qui commande.
— Baisse ton slip…
— Non!
— Tu n'as pas le droit de me parler… J'ai dit, baisse ton slip.
La branche cingle l'air devant moi.
J'ai peur.
Mes petites jambes tremblent.
Je sais que je pourrais partir en courant, mais c'est Marie-Ève.
C'est elle…
Mon amour…
Alors, je baisse mon slip.
Je sens l'air frais entre mes petites jambes.
Marie-Ève s'approche.
Elle s'accroupit pour être à hauteur de mon sexe d'enfant.
Elle observe.
— Il est tout petit…
Je suis tétanisé par l'expérience.
Usant du bout de sa baguette, elle le fait bouger. Je sens l'émotion me prendre.
— On dirait un ver de terre…
Du coup, elle se redresse et crie à haute voix:
— Il est ici ! Il est ici ! J'ai gagné.
Je remonte mon slip et mon pantalon aussi vite que possible tandis que Marie-Ève me pousse hors de ma cachette.
Le groupe est réuni.
— Tu dois le punir, dit Nathalie.
— C'est déjà fait.
— Qu'est-ce que t'as fait?
Et là, Marie-Ève chuchote à l'oreille de sa meilleure amie.
Qui, du coup, parle ensuite à l'oreille suivante…
Je suis au centre, humilié par tous ces rires de petites filles.
Quelle honte!
Je me mets à pleurer ce qui les fait rire de plus belle.
Heureusement, les appels des mamans nous rappellent à l'ordre.
C'est le goûter…
Elles partent toutes en courant.
Elles me laissent en plan.
Penaud, je retourne vers le groupe.
J'ai essuyé mes larmes mais je présente une triste mine.
— Tu vas bien?
Je lève les yeux.
C'est la maman de Marie-Ève.
— T'es tombé? Tu t'es fait mal?
— Oui…
—C'est rien… Allez, viens. Comment tu t'appelles?
— Arnaud…
— Ah oui, t'es le fils du mécanicien… Je connais bien ton papa, tu sais.
Elle me prend par la main.
Nous arrivons dans le groupe.
Tous avalent des tartines de confiture rouge et des boissons sucrées.
L'incident est oublié.
Marie-Ève est comme avant.
Joueuse.
Gaie.
Sautillante.
Le lendemain à l'école, c'est comme avant.
Sauf que, maintenant, Marie-Ève me tient par la main à la sortie de l'école.
Je suis son toutou.
Elle sait qu'elle m'a brisé.
À partir de ce moment, je suis sa propriété.
Je fais tout pour elle.
J'épluche sa clémentine.
Je déballe sa portion de Vache-qui-rit.
Je porte son cartable de l'entrée de son immeuble jusque dans la salle de classe.
Sur le chemin pour rentrer, elle me prend par la main.
Elle me dit:
— S'il y a un chien méchant qui m'attaque, tu vas te faire mordre à ma place… Si des plus grands nous embêtent, tu vas te laisser taper…
Parfois, lorsqu'elle se sent plus coquine, elle me dit:
— Aujourd'hui, tu vas boire mon pipi.
Elle me tend sa gourde en plastique qui n'est pleine que de jus de pomme.
Puis enfin, derrière le garage à vélos, elle soulève sa robe d'écolière pour me montrer sa petite culotte blanche.
J'ai le droit à cinq secondes, avant qu'elle ne la cache.
— Arrête de regarder, petit dégoûtant!
Le bonheur ne dure qu'une année et demie.
Marie-Ève déménage à la fin de l'année scolaire suivante.
Je ne l'ai jamais revue.
Je ne sais pas ce qu'elle est devenue.
Tout ce que je sais, c'est que j'ai pleuré de ne plus l'avoir dans ma vie.