Les semaines passent.
Je n'entends rien des gendarmes.
Ils me fichent la paix.
J'espère que c'est pour toujours.
Le grand changement, c'est que Zoé ne va plus à l'école.
Elle découvre, un peu tard selon moi, les joies d'une liberté totale.
Elle se lève quand elle veut.
Elle passe son temps à appeler ses copines et à regarder la télévision.
L'autonomie est partagée avec ses amies qui viennent la voir dès qu'elles le peuvent.
Mon domicile s'est transformé en nid d'adolescentes où tout est possible.
Pour moi, la routine ne change pas.
Je bosse…
De retour au bercail, je nourris Zoé.
Je range après elle.
L'image du nid n'est pas mauvaise.
Toutes ces petites bouches qui piaillent en réclamant leurs vers de terre.
Zoé a des ailes mais elle ne peut pas encore voler.
Il lui manque un élément essentiel pour circuler.
Une cliente affiche, à l'arrière de sa Mini, un panneau à vendre.
Je suis intéressé.
Le montant me fait hésiter.
Je l'achète tout de même.
Cette voiture est parfaite pour Zoé.
Après le travail, je la ramène à la maison pour lui faire la surprise.
Il est dix-neuf heures trente.
En général, un soir de semaine, je suis tranquille.
Les copines sont toutes parties.
Ce soir-là, je déchante…
La Ninja 650 est stationnée devant la maison. Je laisse tomber ma surprise, pour le moment.
Je ferme la porte du garage silencieusement.
Je me transforme en souris.
Je grimpe à l'étage sans faire de bruit.
Posté le plus proche possible, j'écoute Zoé se faire baiser par le motard.
J'apprends qu'il s'appelle Gabriel.
Qu'il aime surtout bouffer du cul.
Son langage amoureux se limite à:
— Putain, que t'es bonne…
On devine facilement ce que ce type regarde pendant ses loisirs.
Je connais bien ce genre d'individu.
Il y en a même quelques spécimens dans la grande famille Belgeard.
Ils viennent parfois à l'Autoplus, chercher du travail.
Ils pensent que parce qu'ils bricolent leur moto sur le parking de leur HLM, ils peuvent venir travailler chez moi.
Je reste poli mais je réponds que l'effectif est au complet.
Même si j'ai besoin de mains…
Ce genre de petit voyou vous pourrie une équipe en un rien de temps.
Mon père savait les gérer, à coup de baffes et de pieds au cul.
Moi, je n'ai pas cette lourdeur de main alors je dois utiliser d'autres techniques.
D'en avoir un sous mon toit, n'est pas pour me réjouir…
J'ai appris, avec le temps, que c'était difficile de s'en débarrasser de ces mecs.
Sur le bord du périphérique, il y a un restaurant où ils aiment se regrouper.
Des rangées et des rangées de grosses cylindrées.
Lieu de tous les trafics de notre belle cité.
Gabriel doit y avoir ses quartiers.
Aline n'avait pas peur de les fréquenter.
Après le léchage du cul de ma fille, Gabriel attaque en levrette.
Il me tourne le dos.
J'ai loisir d'admirer sa gymnastique pornographique.
Zoé y met du sien.
Elle vocalise et c'est mieux que rien.
Je n'ai qu'une seule crainte…
Si elle tombe enceinte, mes plans seront gâchés.
Comme je commence à bander d'instinct, je retourne en catimini vers le garage.
La nuit est tombée.
Armé d'une aiguille fine, je perfore le tuyau d'arrivée d'essence de la Kawasaki, dans un endroit qui fera un maximum de dégât.
Je sais que ce n'est pas bien, mais je ne peux pas m'en empêcher.
Ensuite, j'attends dans mon trou que la petite frappe daigne partir.
Ce n'est pas trop long.
J'entends le bruit caractéristique du deux cylindres qui s'éloigne.
Ensuite, je ressors de ma planque comme si je venais d'arriver du travail.
Je prends ma douche.
Je me prépare comme d'habitude.
Je remonte du sous-sol, en usant de pas lourds.
Zoé est dans le salon devant la télé.
J'entame une conversation routinière.
Elle est de bonne humeur.
Elle veut me préparer à manger.
C'est plutôt sympa…
Je la laisse faire.
Moi, j'attaque le ménage.
Je suis évidemment très curieux de l'état de la chambre à coucher mais je me contente, pour le moment, du rez-de-chaussée.
— T'as du linge, ma chérie?
— Oui, regarde dans mon panier…
Je monte à l'étage.
Je me plonge dans le capharnaüm de la pièce.
Le panier de linge déborde.
Je vais m'en occuper mais, avant cela, je veux m'imbiber de l'environnement.
Les tâches de sperme sur le drap.
La capote bien pleine.
J'ouvre le tiroir secret d'Aline.
Zoé a découvert la collection de ses jouets sexuels.
Tout le nécessaire pour atteindre l'orgasme féminin.
Si elle était d'excellente humeur, Aline m'appelait pour que je vienne lécher ses jouets pour les nettoyer.
Oui, même le plug-anal...
L'art de l'humiliation allait très loin chez elle.
Je ne veux pas en faire une liste exhaustive car il y avait toujours de nouvelles idées.
Par exemple, Aline m'avait acheté des slips colorés de petits garçons, imprimés avec des dessins de voitures ou de fusées.
Ils étaient vraiment très serrés à la taille mais parfait pour mon petit sexe.
Je devais les porter dans la maison pendant que Zoé était partie en classe de neige.
Pour l'amuser, je devais aussi porter son string sur la tête.
Depuis l'avènement des smartphones, elle n'arrêtait pas de me photographier.
— Pour montrer aux copines, comme elle disait, en rigolant.
Le lave-linge tourne.
Je n'ai gardé qu'une seule petite culotte de Zoé, pour tout à l'heure.
J'ai honte de moi.
Je sais, c'est nul.
Mais, dans mon esprit, Zoé n'est plus vraiment là.
C'est Aline que j'entends chantonner un tube à la radio.
C'est Aline qui est revenue dans ma vie.
Lorsque je me masturbe dans sa petite culotte, c'est la même expérience qu'autrefois.
La même odeur…
La même saveur.
Je reviens à la cuisine pour le dîner.
Zoé est aussi douée que sa mère.
Elle a réussi à brûler les raviolis en boîte.
Je suis indulgent.
C'est le geste qui compte.
Elle me les présente dans une grande assiette.
Je les avale volontiers.
Zoé préfère un yaourt aux fruits et une barre chocolatée.
— Merci, ma chérie, je lui dis, entre deux bouchées. C'est super bon… Je me régale.
— T'es trop gentil… Je sais que c'est un peu cramé.
— T'en fais pas… Tiens, j'ai parlé à une cliente aujourd'hui et ça m'a fait réfléchir… Alors, j'ai une surprise pour toi.
— Encore? Mais, t'arrête pas!
— Que veux-tu, c'est dans ma nature d'être gentil… Tu ne vas pas te plaindre?
— Non.
— Bien.
— Alors, c'est quoi cette surprise?
— Viens voir dans le garage…
On laisse le dîner en plan.
Nous passons par la porte d'entrée.
Pour faire de l'effet, j'actionne la télécommande.
La grande porte du garage s'ouvre lentement.
La Mini rouge étincelante.
— Tiens, elle est à toi…
J'ai la clé dans la main.
Zoé ne sait plus quoi dire.
La joie transforme son visage.
Il me rappelle le mien, le jour où mon père m'a offert la Mustang.
— C'est génial… Elle est pour moi?
— Oui.
— Mais, je n'ai pas mon permis de conduire.
— Ce soir, c'est un peu tard pour faire un tour… Et puis, je dois encore faire quelques bricoles sur le moteur… Et m'occuper de la carte grise… Je vais la prendre demain matin mais, demain soir, je peux te donner une leçon… Ensuite, elle sera complètement à toi.
— Oui, mais pour le permis… Si les flics m'arrêtent.
— Prends les papiers de maman… Je les ai récupéré, après l'accident… La carte d'identité… Le permis de conduire… Comme ça, t'est parée.
— Tu trouves que je lui ressemble?
— Avec ta nouvelle coiffure, tu fais vraiment illusion…
Zoé me regarde avec suspicion.
Je change vite le sujet, en ajoutant:
— Ce que je vois surtout c'est ton indépendance… Avec une voiture, t'es pas coincée dans ce quartier pourri… Tu peux circuler. En dix minutes, t'es chez Murielle…
Zoé me fixe encore.
Devine-t-elle mon plan complètement fou?
Est-elle prête à y participer?
Pour moi, c'est déjà trop tard.
Je suis damné.
Alors, pourquoi m'arrêter?
Zoé apprend vite à conduire.
En trois soirées, elle maîtrise la Mini à boîte de vitesses automatique.
Je lui donne quelques conseils simples.
Le mieux est de rouler autant qu'elle peut.
Tous les jours, une heure ou deux.
Samedi.
Afin d'apprécier ses progrès, je lui propose de me montrer comment elle se débrouille.
J'ai réservé dans le meilleur restaurant de la région.
Il est à une quinzaine de kilomètres de chez nous.
Nous serons obligés de traverser le centre-ville.
Et puis, ce sera la première fois, depuis l'accident, que je sors avec ma femme.
Ma femme…
J'insiste pour que Aline s'habille pour sortir.
Elle porte une robe brillante, en strass doré, qui lui arrive au ras des fesses.
Des collants noirs à effet résille.
Des bottines de cuir, ouvertes comme des sandales, à talons dorés.
Aline est coiffée.
Maquillée.
Elle est sublime.
Pour l'occasion, je porte mon meilleur costume sombre.
Chemise blanche.
Souliers noirs, bien cirés.
Nous quittons la maison vers vingt heures trente.
Je tiens la portière de la Mini ouverte.
Aline s'installe derrière le volant.
Je viens à ses côtés.
Je programme le navigateur pour le restaurant.
Sans dire un mot sur sa conduite, je laisse ma femme me voiturer.
Nous traversons la ville de nuit.
Circulation fluide.
Pas de problèmes.
Ensuite, Aline conduit avec un peu plus de nervosité.
Quelques freinages brusques mais rien d'inquiétant.
Nous arrivons au restaurant, sans problèmes.
Aline n'est jamais venue avec moi dans cet établissement.
Pourtant, elle m'en a souvent parlé.
Combien de queues a-t-elle sucées pendant ces soirées?
J'apprécie la qualité des véhicules stationnés.
Jaguar.
Mercedes.
BMW.
Ce n'est pas un endroit pour monsieur tout le monde.
Nous passons la lourde porte.
Un maître d'hôtel attend derrière son pupitre.
— Bonsoir, monsieur… Madame.
Il juge la beauté de ma femme.
Un moment de flottement…
Il est troublé.
— Bonsoir… Nous avons une réservation.
— À quel nom?
— Belgeard… Monsieur et madame Belgeard.
— En effet…
Le maître d'hôtel s'empare de deux grands menus de la pile sur sa gauche.
— Je vous prie de bien vouloir me suivre.
Nous suivons l'homme.
Le moment anticipé débute.
La traversée du restaurant en compagnie de ma femme, Aline.
Tous les clients, les hommes en particulier, ne peuvent pas s'empêcher de lever les yeux.
Les conversations s'arrêtent.
Un vrai régal…
Notre table est vers le fond.
La lumière est légèrement tamisée.
Ma femme, dans tout l'éclat de sa jeunesse, est magnifique.
Plus belle que jamais.
Dire qu'elle est toute à moi.
Que je vais vivre, toute ma vie, à ses côtés…
Le maître d'hôtel nous donne les menus avant de retourner à son poste.
Le sommelier apparaît. Il nous propose un apéritif.
Je commande:
— Deux Whisky-Coca, s'il vous plaît.
L'homme lève un sourcil devant le manque de sophistication de notre commande.
— Tout de suite…
Aline repose la grande carte.
— Tu oublies que je conduis.
— Tu vas manger… Et puis, l'ébriété fait partie de la vie… On ne prendra pas de vin.
Le sommelier nous apporte notre commande, accompagnée d'amuse-bouches fins.
Aline ne sait pas trop quoi commander.
Je propose le menu.
Le serveur prend notre commande.
Aline lance un regard circulaire inquiet.
Elle aspire un peu de son cocktail en usant de la paille fine en plastique.
Sa jeunesse.
Son maintien.
Sa robe dorée.
Elle dénote.
Pour moi, c'est un rayon de soleil dans un monde gris et sombre.
Je pose une main sur la sienne.
— Je t'aime, tu sais…
— Oui… Moi aussi je t'aime, papa.
— Non, non… Appelle-moi, maintenant, par mon prénom… Papa, c'est ce que disent les petites filles… Aujourd'hui, tu es une adulte… Tu m'appelles, Arnaud.
Aline est troublée. Elle se penche vers moi pour m'informer, d'une petite voix enfantine:
— Je vais faire pipi.
Je soupire de son manque de coopération.
— Je crois que c'est près de l'entrée, je lui dis.
Ma femme se lève.
Elle offre à l'assemblée le spectacle de la voir, de nouveau, traverser l'espace sophistiqué.
Lorsque Aline n'est plus visible, je regarde autour de moi.
Dans une alcôve, à quelques mètres de nous, un couple dîne silencieusement.
La femme me tourne le dos.
J'ai le visage de l'homme, en face de moi.
Il me regarde.
Non, il me fixe…
Je suis gêné par son regard insistant.
Puis, souriant du coin des lèvres, il lève son verre à ma santé.
Je réponds d'un vague hochement de la tête.
Je baisse les yeux.
Le visage de l'homme m'est vaguement familier mais, dans la semi-obscurité du restaurant, je ne vois pas encore.
Aline revient au même instant.
Elle en a profité pour appliquer une couche fraîche de rouge à lèvres.
Sa jeunesse est enivrante.
Elle est facilement deux fois plus jeune que n'importe quelle autre femme présente.
On nous apporte l'entrée.
Je sens l'effet du whisky.
Je commence à me détendre.
Je n’apprécie pas vraiment cette cuisine sophistiquée.
Pour moi, bien manger, c'est tout ce que je trouve au centre commercial.
Fast-food.
Buffets chinois à volonté.
Pizzas.
Aline mange du bout des lèvres.
Au moment du plat principal, elle se penche vers moi pour me demander:
— Pourquoi est-ce qu'on est ici?
— J'ai toujours rêvé de t'y emmener.
Je pose une main sur la sienne, couverte de bagues dorées.
— Tu sais, moi… Le Courtepaille, ça me suffit… J'ai pas hyper faim… Et puis…
— Et puis, quoi?
— Je… J'avais rendez-vous avec Murielle.
— Murielle?
— Oui.
Je serre des dents.
Murielle ou Gabriel?
L'enfoiré qui va plonger sa queue géante dans sa petite chatte.
J'entends ses soupirs quand il lui bouffe le cul…
Putain, que t'es bonne.
— T'as raison… Ce n'est pas la peine de rester.
Le garçon passe à notre hauteur.
— Pardon, monsieur… Je voudrais l'addition, s'il vous plaît.
— Vous partez déjà? Mais, vous n'avez pas terminé…
— Madame ne se sent pas bien.
— Ah, bon?
— Ça devait être l'entrée… Je crois que les coquilles Saint-Jacques sont contaminées.
— Ben, euh… Un moment, s'il vous plaît.
Le garçon disparaît.
Je regarde Aline qui s'impatiente sur son siège.
Elle tambourine des doigts.
Elle brûle de sortir son portable.
Le maître d'hôtel, en personne, vient apporter notre addition.
— Tout va bien? Vous vous êtes plaints.
— Non, tout va bien… C'est impeccable. Un vrai régal.
— Je suis néanmoins obligé de compter le menu en entier.
Sans ouvrir le petit porte-document en cuir, je lui tends ma carte bancaire, en précisant:
— Pas de problème.
Les clients nous regardent.
Un peu gênée, Aline avale de l'eau.
Elle n'a bu que deux gorgées de son Whisky-Coca.
Je m'empare de son verre.
Je l'avale d'un trait.
Le maître d'hôtel revient après un moment.
— Monsieur, il y a un problème avec votre carte… Elle a été rejetée. En avez-vous une autre?
— Euh, non.
— Des espèces, peut-être?
Je regarde l'intérieur de mon portefeuille.
Vingt euros, à tout casser.
— Non, je suis désolé.
— C'est très embêtant… Peut-être devriez vous me suivre, s'il vous plaît.
— Entendu.
Aline me regarde de ses grands yeux affolés.
— Tu n'as pas d'argent?
À ce stade, nous sommes devenus le spectacle de tout l'établissement.
— Je crois que j'ai atteint le plafond de mon découvert… Je suis fauché, ma chérie.
— Mais…
Nous nous levons sous les regards offensés des tables voisines.
C'est fou ce que les gens comprennent vite.
Certains me raillent mentalement.
Le pauvre blaireau qu'a voulu épater la caissière du supermarché et qu'a pas les moyens.
Nous arrivons devant le pupitre de l'entrée.
Cette fois-ci, le chemin est barré.
C'est l'homme de tout à l'heure…
L'homme de la table voisine.
Il parle le premier:
— Pardon, monsieur… Je me suis permis d'écouter. Je pense qu'il y a juste un malentendu. Permettez-moi d'éclaircir la situation…
— Pardon?
— Je règle l'addition. Vous me rembourserez quand vous pourrez.
Aline et le maître d'hôtel nous regardent discuter, sans comprendre.
— Je suis…
— Ce n'est rien… N'y pensez pas.
L'homme tend une carte bancaire au maître d'hôtel qui l'introduit dans le terminal de paiement.
Je suis sidéré par son geste.
L'homme précise:
— Je sais que c'est une erreur… Avec ces banques sur internet, c'est souvent du n'importe quoi… Nous réglerons ça, une autre fois.
— À qui ai-je l'honneur?
Il pianote son code sur l'appareil tout en jetant un regard vers Aline.
— N'utilisons pas de noms… Ici.
— Mais… Comment vais-je faire pour vous apporter l'argent?
— Connaissez-vous l'établissement le Lutin des Bois?
— Euh… Oui… De réputation.
— Je suis le gérant.