Jean avance sans but.
Après un moment, sa lampe commence à faiblir.
L'intensité du faisceau baisse.
Il l'agite mais le rayon est de plus en plus intermittent.
D'un coup, elle cesse complètement de fonctionner.
Jean se retrouve dans le noir complet.
― Putain… Merde! C'est pas vrai… Manquait plus que ça…
Jean reste immobile.
Paniqué, il élève la voix pour dire:
― Allô… Au secours… Ma lampe est morte… Y'a quelqu'un? Y'a quelqu'un pour m'aider?
Jean attend une réponse mais ne perçoit que le silence.
Ses yeux s'adaptent lentement à l'obscurité.
Il tourne sur lui-même lentement.
Il distingue une lueur pâle.
Avec les plus grandes précautions, il avance en tâtonnant.
Il arrive à une ouverture dans une paroi d'où émane la clarté.
Il s'y faufile.
Jean découvre une petite grotte, très décorée.
Pas de monstres cette fois-ci, mais des idéogrammes et des symboles anciens.
Aussi des chiffres romains.
La source de lumière mystérieuse projette sur le décor des reflets dorés.
Admiratif du lieu particulier, Jean entend le son caractéristique d'une fontaine d'eau.
Il approche de la source de lumière qui est aussi l'origine du son.
La fontaine est très petite.
L'eau qui s'écoule de la paroi ruisselle dans un bassin taillé dans la pierre.
La cuvette est entièrement recouverte d'or.
Le mystérieux rayon de lumière qui l'illumine tombe du plafond élevé.
Sur le rebord, des crânes en or servent de calices.
Jean en compte cinq.
Il en prend un.
Il le remplit.
Il boit un peu d'eau.
Il se rince le visage.
Il médite un moment.
Il tient le crâne doré à bout de bras.
Il fixe les orbites sombres.
― C'était comment, putain… Ah, oui… All which it inherit, shall dissolve…
And, like this insubstantial pageant faded… Leave not a rack behind… We are such stuff
As dreams are made on… and our little life is rounded with a sleep.
Jean repose délicatement le crâne à sa place.
Pris d'un élan de bonheur, il revoit mentalement son éducation anglaise.
L'université d'Oxford.
Jean a vingt ans.
Dans un couloir, le groupe de théâtre étudiant tient un stand de recrutement.
Une jolie étudiante blonde du nom d'Arielle distribue des prospectus.
Elle s'approche de lui pour lui dire:
― Ça t'intéresse, Jean? Nous montons La Tempête… Il y a encore des rôles à pourvoir.
― Je suis français… Avec l'accent…
― La plupart des personnages sont italiens… Et tu serais très bien…
Les yeux d'Arielle brillent de séduction.
― Et toi, tu joues dans la pièce? demande-t-il, en s'y plongeant.
― Je suis l'esprit magique, servante du mage Prospero.
Jean grimace en retrouvant la grotte.
L'émotion du passé.
Il ferme les yeux.
Il se laisse emporter.
La deuxième scène de son voyage mental le ramène dans une petite chambre d'étudiants.
Jean et Arielle sont nus, sous le drap blanc d'un lit étroit.
Enlacés, ils se font face.
― Mon grand rêve… C'est de devenir acteur, avoue Jean.
― Non… C'est pas un rêve, insiste Arielle. Tu le seras… T'as le talent… Tu seras avec moi… Tous les deux, ensemble.
Jean est très enthousiaste d'entendre pareils encouragements.
― Absolument, s'encourage-t-il. Et, le plus important… C'est que tu ne me quittes jamais!
Folle d'amour, Arielle l'embrasse de toute son âme.
Jean ouvre les yeux.
De retour de son voyage dans le temps, il soupire lourdement.
― Putain… Quelle galère…
Il se tourne de droite et de gauche à la recherche d'une sortie.
Il voit un passage.
Il s'en approche.
Un nouveau goulet.
Il s'y enfonce.
Plus il avance, mieux il voit.
En effet, la prochaine grotte semble bien illuminée.
Il s'y introduit.
Ce nouveau lieu est éclairé par des torches de feu.
Les peintures murales représentent des scènes obscènes.
Des femmes nues.
Des phallus.
Des vulves.
Au centre de l'espace, Stefano, torse nu, fait griller la viande sur un feu ouvert.
La fumée s'élève par une cheminée naturelle.
Présents sont le couple de jeunes américains et Miranda.
Jean avance timidement vers le groupe.
― Vous arrivez juste au bon moment, déclare la jeune guide en le voyant approcher.
Jean est un peu interloqué par tout ça.
― Où… Où est ma femme, Marine? Vous l'avez vue?
― Elle ne voulait pas rester, affirme Miranda. Je l'ai raccompagnée au bus.
― Je… Je dois la retrouver… C'est par où la sortie.
Miranda le retient par le bras.
Ses yeux pétillent de séduction.
― Rien d'urgent… Restez au moins pour le dîner. Le soleil est couché… Nous pouvons nous régaler.
Miranda lui offre une bouteille similaire à celle offerte par Harry.
― Buvez… Ça va vous remonter.
Jean avale une bonne gorgée de rhum sucré.
Il tousse.
― J'ai… J'ai trouvé la source, dit-il. Pas facile, parce que ma putain de lampe a lâché…
― Vraiment? Vous avez trouvé la fontaine? Vous avez de la chance… On raconte sur l'île que la source de vie ne se laisse trouver, que par ceux qui sont les plus méritants… C'est un peu une superstition mais les gens d'ici racontent que Calibanie a une âme… C'est elle qui choisit ses champions… Je crois que, si vous le vouliez, vous pourriez vivre ici pour toujours.
― Vous croyez?
― Moi… Ça ne me déplairait pas…
La jeune femme est très proche de lui.
Jean perçoit son souffle chaud.
Les yeux brillants de la femme l'hypnotisent.
Ils lui rappellent le regard flamboyant d'Arielle.
Stefano brise l'instant.
Il approche du couple avec une assiette en or chargée de grillades.
― Goûtez-moi ça…
Il avance les tranches de viande en lamelles sous leurs nez.
― Le petit garçon de ce matin, précise-t-il. Tout frais… Un peu saignant… Goûtez-moi cette peau caramélisée… Une vraie merveille!
Stefano fait le geste culturel de baiser le bout de ses doigts de sa bouche.
Jean prend un morceau.
Affamé, il l'avale sans hésiter.
Miranda en prend un également.
Stefano se joint à eux.
Ils mangent tous trois, en savourant.
― C'est rudement bon, commente Jean, enthousiaste.
― Venez vous reposer après vos épreuves, l'invite Miranda.
Jean approche du feu où la viande rôtit.
Il transpire.
Il s'essuie le front de sa paume.
Il voit dans un coin le couple de jeunes américains.
Ils sont allongés sur un grand lit de toiles tendues.
Sans pudeur, Polly ôte son haut pour exposer une poitrine magnifique.
Tim la couvre de baisers tandis qu'elle l'aide à défaire son pantalon.
Jean est à peine choqué lorsque Miranda déboutonne sa chemisette.
Elle aussi, expose sa poitrine de déesse.
Spontanément, ils s'embrassent sans retenue.
Elle le tire vers l'espace où le jeune couple s'ébat.
Tim est nu.
Il pénètre sa compagne.
Polly laisse échapper des gémissements de plaisir.
Du coin de l'œil, Jean voit Stefano en train de terminer de se déshabiller.
Jean s'écroule sur la couche.
Il boit du rhum tandis que la jeune guide ôte ses derniers habits.
Nue, elle est magnifique.
Elle se couche sur lui.
Jean la couvre de baisers.
Entre deux caresses, ils boivent du rhum goulûment.
Stefano apporte de la viande.
Ils la partagent.
La dégustation est sauvage.
Cannibale.
Décadente.
Obscène.
Cet espace sous terre se transforme en temple où la morale n'existe plus.
Les tableaux de luxure se mélangent.
Jean s'occupe à présent de la viande.
Stefano baise Polly.
Miranda suce Tim.
Plus tard, les positions s'inversent.
Miranda s'occupe de la broche.
Stefano encule Tim.
Jean baise Polly.
― C'est dommage que ta femme ne soit pas restée, lui souffle-t-elle entre deux va et vient.
Jean a déjà oublié Marine.
L'ivresse le rend indifférent.
Cynique.
― Je ne crois pas qu'elle aurait apprécié… C'est pas sa scène…
― C'est dommage… Je l'aimais bien… J'aurais aimé la bouffer.
― Qu'entends-tu par là?
― Lécher sa chatte… Et son anus, probablement. Le cul, c'est le morceau que je préfère…
― Moi aussi!
Avide, Jean la retourne brutalement.
Polly laisse échapper un petit cri tandis que Jean plonge sa langue dans le trou de son cul.
Polly se laisse lécher.
Elle écarte les globes pour lui faciliter le passage.
― Je sais qui est ton père, commente Jean entre deux lapements.
― Je sais, répond Polly. Bienvenue dans la famille...
Jean ne comprend pas vraiment sa remarque.
Trop intéressé par le séant de Polly, il crache sur l'anus.
Il se redresse.
Il se met en bonne position pour l'enculer.
― Allez-y, maître, gémit la jeune femme. Je suis à toi. Encule-moi!
Jean n'hésite pas.
Plus tard, Jean, de plus en plus ivre, lèche la chatte de Polly à califourchon au-dessus de lui.
Elle, suce Tim qui les surplombe.
La queue du jeune américain est énorme.
Digne d'une star du porno.
Jean n'aurait jamais imaginé…
Un tambour couvre les sons de plaisir.
Jean se tourne vers le spectacle.
Stefano donne le rythme avec un conga.
Miranda danse nue devant le feu.
Une danse tribale, extrêmement obscène.
La voyant faire, Tim quitte sa compagne.
Il s'amuse à imiter Miranda.
Polly abandonne aussitôt Jean.
Elle aussi veut danser.
Jean se redresse.
Il titube vers les danseurs.
Nu, il prend le rythme.
Les yeux fermés, il entre en transe.
*
Jean se réveille en sursaut dans la chambre du bungalow.
Il ne sait pas comment il est arrivé là.
La lumière est éblouissante.
Il bouge un peu.
Il a une gueule de bois d'enfer.
Il titube jusqu'à la salle de bain pour se soulager.
Il pisse debout au-dessus de la cuvette.
Il pisse sur le rebord.
Il secoue sa bite.
Il remarque que les affaires de toilette de Marine ne sont plus là.
Toujours nu, il titube vers la commode de la chambre.
Les tiroirs où étaient rangés les habits de sa femme sont vides.
Il revient vers le lit.
Il attrape le drap et s'en emballe à la manière d'une toge romaine.
― Mathéo, gueule-t-il, à travers le bungalow. Mathéo… Mathéo…
Dans le salon, Jean appuie plusieurs fois sur le bouton d'appel du majordome.
― Mathéo… Où est-ce que tu es, espèce de petit enculé?
Il continue d'appeler jusqu'à ce que le majordome apparaisse enfin devant lui.
― Mathéo… Où est ma femme, bordel de merde?
― Je suis désolé, monsieur… Elle est partie… Elle a pris l'hydravion, hier soir.
― Elle est partie? Qu'est-ce qu'elle vous a dit?
― Rien… Elle m'a demandé de faire sa malle.
― Elle était comment? Dans quel état?
― Je ne sais pas, monsieur…
― Elle était en colère?
― Non… Normale… Rien de particulier mais bien décidée à partir.
― Putain, Marine! gueule Jean à tout vent. Qu'est-ce que t'as fait là?
Jean s'écroule dans le canapé.
― J'ai besoin de l'appeler… J'ai besoin de lui parler.
― Hélas, monsieur, il n'y a pas de téléphone dans le bungalow.
― Doit bien y avoir un téléphone quelque part… En cas d'urgence… Au moins, une radio à ondes courtes…
― Je ne sais pas, monsieur.
― Ah, putain… J'ai un de ces putains de mal de tête…
― Reposez-vous, monsieur… Voulez-vous que je vous coule un bain? Un massage, peut-être?
― Non, ce n'est pas nécessaire… Je vais juste prendre une aspirine.
― Entendu… Je vous l'amène.
Jean est subitement méfiant.
― Non, pas la peine… Je vais juste m'allonger et ça va passer.
― Très bien, monsieur.
― C'est bon… Vous pouvez disposer.
Jean le chasse d'un geste désobligeant.
Mathéo s'incline obséquieusement avant de quitter le salon.
Une fois le majordome parti, Jean titube jusqu'au placard.
Il s'habille, à même la peau, de vêtements très légers.
Pantalon de lin et chemisette colorée.
Il se dirige vers la plage en se frottant le crâne.
Il lève les yeux vers l'horizon.
Le soleil est éblouissant mais le ciel est d'encre.
Jean avance en maugréant:
― Putain… Putain… Qu'est ce que j'ai fait? Quel con! Qu'est-ce que j'ai fait? Je suis désolé, mon amour… Mais, tu dois comprendre… J'étais à bout… J'avais plus ma tête à moi, avec ce putain de rhum… M'a fait faire n'importe quoi… Marine… Reviens… Reviens, ma chérie. Je t'en supplie…
Jean tombe à genoux.
Il se prosterne jusqu'à ce que sa tête touche le sable fin.
― Pitié… Donne-moi une chance. Donne-moi une nouvelle chance…