Clara gare sa Clio dans une rue de la commune de Ifs.
Pour l'occasion, elle a enfilé sa plus belle robe.
Malgré le temps, elle laisse son manteau ouvert.
Sa petite fierté est qu'elle ne porte pas de maquillage.
Elle se dirige vers le chantier boueux.
Afin que les invités ne se salissent pas les pieds, une moquette verte couvre les passages.
Clara cherche Yves du regard.
Le chantier est loin d'être terminé.
Pour le moment s'élèvent des carrés de béton dont seulement quelques-uns ont les fenêtres posées.
Encore une année avant que les premiers acheteurs puissent emménager.
Clara avance vers la tente bordée de grands panneaux publicitaires qui présentent Les Châteaux d'Ifs, une réalisation Stimco.
Un ruban bleu a été tendu entre deux engins de chantier.
Yves est entouré de collègues.
Lorsqu'il voit Clara, il interrompt sa discussion.
Il vient à sa rencontre.
— Bonjour, ma chérie. Tu vas bien?
Ils se font la bise.
— Ça va, répond Clara. Où est-ce que tu veux que je me mette?
— On attend encore quelques personnes avant de commencer. Ça ne va pas être long…
— Bien. T'as prévu des rafraîchissements? J'ai un peu soif…
— Non… Sinon tous les pique-assiettes du quartier nous tombent dessus comme la misère sur le pauvre monde. On ira boire un coup après au Mercure… C'est prévu. OK?
— Bien… Va faire ce que tu as à faire… J'attends ici, sagement.
— Merci… Dis voir, t'as fait un truc différent?
— Avec quoi?
— Ton visage…
Clara grimace.
— Non, c'est moi comme je suis… Je n'ai pas envoyé mon robot.
— Si tu le dis… À tout de suite.
Yves rejoint son groupe.
Clara soupire.
Elle lève le nez vers le ciel.
Au moins, il ne pleut pas, c'est déjà ça.
Elle ouvre son sac à main.
Elle en tire une cigarette.
Avant de pouvoir prendre son briquet, une flamme jaillit devant son nez.
— Merci, dit-elle.
L'homme galant est plus jeune qu'elle.
Costume sombre.
Chemise blanche.
Cravate bordeaux.
Clara allume sa cigarette.
Ceci fait, elle lui sourit.
Il répond d'un sourire un peu niais.
— Madame Chauvigny?
— Oui.
L'homme se pince les lèvres.
— Nous ne nous connaissons pas vraiment. Je m'appelle Victor Laubiers.
Clara fronce des sourcils.
Le nom lui dit vaguement quelque chose.
Sur le moment, elle ne le situe pas.
— Je travaille avec votre mari, précise Victor.
— Ah, bon? Nous nous sommes déjà rencontrés?
— Nous avons juste parlé une fois au téléphone… Il y a deux ans de cela. Peut-être que vous vous en souvenez… Au sujet de Laurence.
Clara retrouve le nom dans sa mémoire.
L'appel qui a bouleversé sa vie.
Elle a le correspondant devant elle.
Laubiers et non pas Lauthiers…
Il est tellement différent de ce qu'elle avait imaginé.
À l'époque, elle pensait à un étudiant.
— Vous… Je me souviens… Vous travaillez avec mon mari? Je ne comprends pas…
— Je travaille pour le groupe Massais, le concurrent… Je ne veux pas gâcher la surprise. Votre mari va faire une annonce dès que le patron sera arrivé. Mais, ce que je voulais vous dire n'a rien à voir avec cela… Vous voyez… Je… Je…
Victor est hésitant, presque gêné.
— Je voulais vous demander pardon, dit-il enfin.
— Pardon, de quoi?
— De vous avoir appelé comme ça… De vous avoir menti.
Clara est surprise.
Elle tire fortement sur sa cigarette.
— Je ne comprends pas…
— Je n'ai… Je n'étais pas en relation avec Laurence Brochard, à l'époque. On m'a demandé de vous appeler…
Clara est choquée.
— Qui?
— C'est une affaire compliquée… Il y a deux ans, monsieur Massais était en conflit avec votre mari sur un projet… Il m'a demandé de me faire passer pour… Vous voyez?
— Je comprends.
Clara se pince les lèvres.
Elle comprend que Victor n'est qu'un fourbe.
Massais qui frappait Yves d'un coup bas pour le déstabiliser…
Tout ça autour de cette vieille meunerie, Cerizay…
Là où le père de Joëlle avait perdu ses bras.
— Votre conscience va mieux? ironise Clara.
— Pardon?
— Maintenant que vous avez avoué…
— Euh… Un peu… Je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas faire de mal…
— Mais, vous l'avez fait, dit Clara sur un ton glacé.
— Je suis désolé. Je voulais juste que vous sachiez…
Victor s'apprête à lui tourner le dos.
— Attendez…
Victor revient.
Clara fume plus calmement.
— Vous connaissez bien le dossier, j'imagine.
— Lequel?
— Cerizay… J'imagine que vous connaissez bien la situation.
— Oui.
— Est-ce que Laurence Brochard est liée directement au propriétaire actuel du terrain?
— Monsieur Prouant?
— Oui.
— En effet… Ils sont liés…
— Vous la connaissiez à l'époque?
— Laurence?
— Oui.
— Elle travaillait chez nous mais pas dans mon service… Elle n'est plus avec nous, depuis… Depuis mon appel… Vous comprenez?
Clara aligne les cubes dans son esprit.
Yves cherche des informations sur Prouant.
Il séduit Laurence, employée chez son rival.
Elle devient sa taupe chez Massais qui, l'apprenant d'une manière ou d'une autre, utilise Clara pour se venger.
Quelle bande d'enfoirés, tous!
Des kilomètres de mensonges à faire vomir.
— Je comprends, acquiesce Clara.
— Je vous souhaite une bonne soirée, madame Chauvigny.
— Merci Victor de m'avoir éclairée.
L'homme s'éloigne.
La révélation est douloureuse.
Laurence était donc restée avec Yves après son licenciement.
Il n'avait aucune raison de l'embaucher à son tour.
Le sale coup professionnel était terminé…
Il n'avait plus à voir cette femme si ce n'est pour…
La tromper.
Clara regarde autour d'elle.
Elle cherche le visage de la jeune femme blonde qu'elle n'a rencontré qu'à deux reprises.
Une fois, pour une poignée de main cordiale…
Une fois, avant une affreuse scène de ménage avec Yves.
Laurence avec ses seins exposés, prise sur le fait, à se rhabiller à toute vitesse dans leur chambre de Mathieu.
Laurence, le mystère…
Laurence, la fin de tout.
Clara ne la voit pas.
Elle fulmine contre Yves et tous ses coups tordus.
Elle a presque envie de partir sans explication.
Un micro amplifié que l'on tapote la fait sursauter.
Elle lève le nez vers l'espace officiel.
Yves tient le micro à la main.
Il lui fait signe d'approcher.
Clara voit que les gens présents la regardent.
Elle s'approche de lui le plus calmement possible.
Yves lui sourit.
Elle se poste à sa droite.
— Mesdames, Messieurs… Merci d'être venus… Je m'appelle Yves Chauvigny, je suis directeur général de la Stimco, responsable de cette magnifique réalisation…
Clara devient distraite.
Elle connaît ce genre de discours creux pour les quelques clients venus voir le chantier et les deux ou trois journalistes du coin qui couvrent l'urbanisme.
Beaucoup de phrases vides…
Pas la peine d'écouter.
Sur la gauche, elle voit un groupe d'hommes bien habillés dont Victor Laubiers.
Au centre, elle reconnaît Albert Massais…
Un homme d'une soixantaine d'années.
Le grand rival de Yves, depuis toujours…
Clara se demande bien ce qu'il vient faire sur le chantier de son concurrent.
Clara cherche plus loin.
Les acheteurs privés sont faciles à reconnaître.
Ils ne s'intéressent qu'au projet.
Ils cherchent à imaginer la réalisation finale autrement que le tas de béton actuel.
Les gros investisseurs qui achètent des appartements en bloc ne viennent jamais à ce genre de perte de temps.
En bordure, l'équipe du bureau d'architecte est présente.
L'équipe du maître d'œuvre aussi.
Quelques ouvriers observent en périphérie.
Un jeune homme filme avec son téléphone.
Clara pense à Richard…
Un frisson à l'idée de le revoir bientôt.
Un regret aussi parce qu'il ne l'a pas contacté la veille.
Pas un mot de sa part…
— Nous sommes prêts à couper le ruban et à élever le bouquet final. Clara… Si tu veux bien… Mesdames et messieurs, mon épouse dévouée, sans qui je ne serais pas l'homme que je suis… Marraine, aujourd'hui… Clara Chauvigny.
Applaudissements.
Clara quitte son songe.
Elle sourit de toutes ses dents à l'assemblée.
Yves lui tend une paire de gros ciseaux dorés.
Elle attend devant le ruban avec les ciseaux ouverts.
Les photographes immortalisent le moment.
Elle coupe, en souriant de plus belle.
Au même instant, un ouvrier actionne une télécommande de grue.
Un petit sapin, décoré aux couleurs de la Stimco, est élevé au-dessus de leurs têtes.
Re-applaudissements.
— Merci, Clara.
Yves la serre par la taille.
Il pose un baiser rapide sur sa joue.
Puis reprenant le micro, il ajoute:
— Avant de vous laisser vous promener à volonté dans le chantier, je voudrais ajouter un mot… Ce magnifique projet sera la dernière réalisation de la Stimco, dans sa forme actuelle. Notre entreprise forte de quinze ans d'expérience dans la réalisation de logements à Caen et dans la région va rejoindre le giron du groupe immobilier Massais.
La nouvelle surprend tout le monde, y compris Clara qui se tourne vers Yves avec stupéfaction.
— Je passe le micro à monsieur Albert Massais qui va vous dire quelques mots et répondre à vos questions.
Yves s'écarte un peu.
Il tend le micro à Massais qui devient le centre de l'attention.
Clara redonne la paire de ciseaux à Yves qui les range dans la belle boîte vernis.
Clara l'observe de plus près.
Yves est clairement abattu.
Il se tourne vers le nouveau propriétaire de son entreprise pour l'écouter.
Massais, la bouche pleine de superlatifs, félicite la Stimco, la présentant comme un trophée après une course automobile.
Vous voyez, j'ai gagné…
Tout est à moi.
J'avale mes concurrents les uns après les autres.
Mon appétit est sans fin.
Je grossis pour rivaliser avec les groupes nationaux.
Massais, une entreprise à la pointe du développement régional…
Albert Massais reçoit quelques applaudissements, essentiellement de ses collaborateurs, qu'il a certainement obligés à venir.
Il se dirige vers la sortie.
Une limousine avec chauffeur l'attend.
Yves soupire avant de se tourner vers Clara:
— Merci, Clara… Cela m'a fait plaisir de t'avoir à mes côtés. Tout comme tu étais la première marraine de mon premier grand projet Stimco… Tu es la dernière.
— Tu vas t'arrêter? Tu vas bosser pour Massais?
— Non, il ne veut pas de moi… Il m'a pris en grippe. Il m'évite juste la faillite.
— Tu n'as pas bradé, tout de même?
— Non, aujourd'hui c'est le jour où on a signé. Au final, je récupère trois millions pour mes parts. J'ai de quoi tenir un moment… Non, nous avons de quoi tenir un bon moment…
Yves sourit de satisfaction.
Clara est soufflée par la somme.
Trois millions…
Comme tout un chacun, elle apprécie l'argent.
En flash mental, elle se voit dans sa robe de mariée devant l'autel de l'église.
Elle épouse un homme capable de lui ouvrir les portes du grand confort bourgeois.
Un homme qui saura la protéger du besoin…
Un homme à ses côtés pour le meilleur et pour le pire.
Que dire?
Que faire à cet instant précis?
Devant cet homme, visiblement heureux d'avoir trouvé une solution à tous ses problèmes financiers.
— Yves… Je… Je veux divorcer.
Yves n'a pas le temps de réagir.
Un collègue attire son attention.
Il doit absolument répondre aux questions des journalistes sur le projet actuel et sur la vente à Massais.
Clara n'a le droit qu'à la réaction furtive d'un homme blessé…
Un nuage de plus à l'horizon.
Il ne s'y attendait pas.
Il devait penser que l'argent suffirait à ramener Clara dans le droit chemin.
De beaux habits…
Un coupé sport, plus luxueux que celui de Joëlle…
Une vie matérielle.
Clara est réaliste.
Cet homme devant les micros des journalistes ne lui dit plus rien.
Il a choisi Laurence en âme et conscience…
Il aurait très bien pu quitter cette femme le jour de l'appel de Victor…
Il aurait pu lui dire la vérité.
Il avait choisi de mentir pour tout posséder, sans rien donner en retour.
Il l'avait baisée…
Clara se fraye un passage à travers la foule qui s'agglutine.
Elle retourne vers sa voiture.
Elle a laissé les enfants chez ses parents.
Traditionnellement, un pot est organisé au bar de l'hôtel Mercure, un endroit pratique pour les clients de passage.
Clara n'a aucune intention d'y aller.
Une vingtaine de minutes plus tard, Clara est dans la cuisine de sa mère.
Elle avale une assiette de spaghetti au ketchup en se maudissant d'avaler des glucides.
Isabelle termine de ranger.
Les enfants regardent la télé dans le salon avec leur grand-père.
— T'en fais une de ces têtes… Ce n'était pas bien?
— C'est jamais vraiment génial ce genre de truc… C'est plus pour les acheteurs des appartements… Qu'ils voient que leur pognon est utilisé à bon escient. La grosse nouvelle c'est que Yves a vendu sa boîte à Massais. Trois millions pour lui… Il va enfin pouvoir payer la maison de Mathieu.
— C'est une bonne nouvelle, non? Vous êtes riches…
— Il est riche… Je lui ai dit que je voulais divorcer.
Isabelle arrête d'essuyer l'assiette.
Elle la pose avec le torchon sur le comptoir.
Choquée, elle regarde sa fille de haut.
— Divorcer?
— C'est terminé.
— Tu… Tu en as parlé avec les enfants?
— Oui.
— C'est pour ça qu'ils sont si flagada… Ils ne m'ont rien dit.
— Je t'informe…
— As-tu bien réfléchi, Clara? Es-tu sûre de ce que tu fais?
— Oui… J'ai besoin de ça.
— Pour faire quoi au juste?
— Vivre.
— Allons, ne dis pas de bêtises… Tu vivais très bien avant.
— Non.
— Qu'est-ce qui te manquait?
Clara repousse l'assiette.
Elle avale une gorgée de vin rouge.
— L'amour…
Isabelle ne parvient pas à dissimuler ses rires.
— Tu trouves ça drôle? réplique Clara, offensée.
— Tu sais bien que ça n'existe pas… Ce sont des chimères, ma chérie. Le seul amour véritable pour une femme est celui pour ses enfants.
— Tu te trompes!
— Clara, tu confonds depuis toujours passion avec sentiments. Embrasser un garçon ne veut pas dire qu'on l'aime obligatoirement.
— Ben si, justement…
— Ça ne dure pas.
— Pourquoi est-ce que tout doit durer tout le temps? Je ne suis pas un immeuble… Je ne suis pas faite de béton.
— Tu mélanges tout. Je sais que ce n'était pas facile pour toi…
— Quoi?
— Tu sais… Au début…
— Avec l'oncle Jonathan? C'est ça?
— Je pense que ça a laissé des traces… C'est obligé. T'es confuse… Je m'en suis voulu, tu sais.
— De quoi?
— De ne pas avoir été vigilante… De t'avoir laissée seule avec lui.
— De m'avoir giflée.
— Quoi?
— Tu apprends que ta fille a une relation amoureuse et la seule chose que tu trouves à faire c'est de la gifler.
— C'était sur le moment… Je le regrette beaucoup, tu sais.
— Tu ne m'as jamais demandé quels étaient mes sentiments.
— Tes sentiments?
— Tu comprends bien que je l'aimais.
— Ne dis pas de bêtises… C'était un affreux type qui a profité de toi…
— Il n'a pas profité de moi, maman… Je l'ai laissé faire. Tu ne connais même pas les circonstances. Tu ne m'as jamais demandé de te raconter. Vous avez tout balayé sous le tapis à toute vitesse. Si on en parle pas, alors c'est comme si rien ne s'était passé… Mais, il s'est passé quelque chose, bon sang… Quelque chose de fort puisque ça a bouleversé ma vie.
— Qu'est-ce que tu voulais qu'on te dise de plus? T'as vu un psy…
— Un psy, tu parles… Le mec préférait lorgner mes seins plutôt que m'écouter… Mais, toi… Ma mère à moi… Tu aurais pu écouter ma version… Comment je me mettais exprès sur le bord de la piscine quand il nageait. Que je savais parfaitement que l'oncle Jonathan matait mes gros lolos d'ado… Comment j'écartais exprès les jambes pour qu'il regarde un peu plus bas… Tu ne peux pas savoir comment ça m'excitait… Combien j'étais folle de lui… Ses muscles… Son torse… Son maillot Speedo.
— Arrête… Ça me gêne que tu me parles de ça…
— As-tu seulement eu un orgasme dans ta vie, maman?
— Arrête, Clara… Ça suffit, enfin!
— Je vais te dire… Moi, j'ai eu mon premier orgasme à quatorze ans sur le bord de la piscine de Fontenelle. Jonathan s'est approché… Il n'avait que la tête qui dépassait de l'eau. Il m'a demandé si je voulais qu'il me fasse du bien. J'ai répondu oui, sans hésiter… Il m'a demandé de fermer les yeux et de ne plus bouger. Il a ôté le bas de mon maillot. J'ai écarté les cuisses…
— Arrête, Clara ! Qu'est-ce qui te prend? T'es folle ou quoi?
— Le premier orgasme de ma vie… Je croyais qu'il était un magicien. Qu'il avait des pouvoirs insensés… Je voulais tout le temps recommencer… Je tournais autour de lui comme une guêpe autour d'un pot de confiture. Alors, c'était lui le coupable?
— Il n'avait pas à te toucher comme ça… C'est dégoûtant, surtout avec une mineure…
— Mais, pourquoi? Pourquoi?
— Il t'a fait beaucoup de mal, tu sais… Après, tu n'étais plus la même… Tu ne travaillais plus à l'école… Tu sortais sans arrêt… Tu nous as donné beaucoup de soucis à moi et à ton père.
— Et toi, tu vois ça comme un signe que quelque chose ne va pas… Tu ne vois pas que l'oncle Jonathan m'a libérée… Il m'a ouvert les yeux à l'amour… À la vie!
— Ce n'est pas ça, l'amour… Qu'est-ce que tu me chantes là?
— C'est quoi, si ce n'est pas ça? Quel sentiment peut être plus fort que celui-là?
— Et c'est ça que tu veux, maintenant? Ouvrir tes cuisses à tout un chacun…
Le ton d'Isabelle est amère.
— C'est mieux que de les fermer pour le restant de sa vie!
Clara se lève d'un bond.
L'assiette en bordure de table décolle et retombe avec sonorité.
Isabelle est furieuse.
— Tu n'es qu'une petite vicieuse, Clara… Tu n'as jamais été que ça. Une petite pute!
— On rentre… Merci pour les spaghettis… Maman chérie.
Exaspérée, Clara lui tourne le dos.
— Attends, Clara… Ce n'est pas ce que je voulais dire.
Clara revient pour une dernière parole:
— Aujourd'hui, c'est clairement la journée des vérités… J'ai décidé de ne plus mentir, moi aussi… Je divorce parce que je n'aime pas mon mari depuis des années… Je me fiche de ce que mes enfants en pensent. Je me fiche de savoir s'ils sont traumatisés ou pas. Je me fiche de vos opinions sur moi. Je suis Clara! Je suis moi… Et si ça ne vous plaît pas, allez vous faire foutre!