Trois mois plus tard.
Clara habite au centre-ville dans un petit trois pièces d'un immeuble ancien.
Les chambres des enfants sont très petites.
Sombres, elles donnent sur des cours intérieures tristes.
La cuisine est exsangue et démodée.
La salle de bain est minuscule.
Seul le salon est plaisant.
Bien proportionné, il offre le seul espace pour respirer.
Clara en a fait sa chambre à coucher.
Elle déplie le soir le canapé-lit.
Elle range ses habits dans le placard du vestibule.
Beaucoup de meubles ont été vendus ou jetés.
Confrontés aux changements, les enfants ont beaucoup râlé.
Ils ne comprenaient pas.
Clara leur a expliqué qu'étudiante, elle avait encore moins d'espace.
Par contre, ils sont à cinq minutes à pied de Pasteur.
Un gain de temps énorme…
Les économies sont substantielles puisque la Clio est vendue.
Clara fait ses courses dans le quartier.
Elle consomme moins.
Elle cuisine des repas légers.
Son régime alimentaire commence à payer.
Elle a perdu sept kilos.
Elle vise le poids qu'elle avait à vingt-un ans.
Elle compte sur le sport et la marche à pied pour tendre sa peau.
L'événement majeur est que Yves a disparu.
Après la cérémonie du bouquet final et l'annonce de la vente de sa société à Massais, Clara n'a plus entendu parler de lui.
Elle a appelé à droite et à gauche.
La maison de Mathieu est fermée.
La mère de Yves lui a répondu froidement qu'une épouse devait savoir où se trouve son mari.
Est-il de retour avec Laurence?
Est-il parti en voyage?
Quinze jours après l'annonce de la vente de sa société, Clara lit dans le journal que l'ancienne meunerie Cerizay va être développée par la Stimco, nouvelle filiale du groupe Massais.
Un ensemble de luxe, hôtel et appartements, pour redonner du cachet à la presqu'île du centre de Caen.
Une photo présente l'ancien propriétaire Hervé Prouant, un vieil homme de quatre-vingt ans en compagnie de Laurence Brochard.
Il la tient par la taille affectueusement.
Clara est confuse…
Il y a vraiment des femmes qui savent ce qu'elles veulent.
Clara ne veut pas la juger mais tout de même…
Néanmoins, tout ceci n'explique pas la disparition de son mari.
Sans Yves pour l'épauler, Clara a les enfants en permanence chez elle.
Elle a conservé l'idée de son Conseil des Ministres du mercredi.
Elle veut entendre les doléances de Béatrice et de Nicolas.
Son garçon n'a qu'une seule requête, le retour de la télévision.
Il argumente qu'il n'est plus dans le coup socialement.
Qu'il devient un paria.
Ce qui provoquera du harcèlement...
Il se pose en victime.
Béatrice se lamente de la taille de sa chambre.
Elle a honte d'amener ses copines à la maison.
Elle se sent comme une pauvre…
Clara défend sa position.
— Un changement n'est pas une punition. S'y confronter, vous force à réfléchir… Vous ne vivez pas dans un conte de fées. Je suis responsable de vous dans le cadre de la loi. J'assume les besoins de base. Regardez la Pyramide Maslow et vous verrez qu'un poste de télévision et un minimum de mètres carrés ne sont pas mentionnés. Vous avez votre monde intérieur où habitent vos rêves et vos ambitions. Plongez-vous dans vous-même pour établir un plan de vie. N'attendez pas à ce que les autres fassent votre bonheur… Cherchez en vous-même ce qui vous satisfait… Ceci fait, agissez pour vous accomplir, individuellement… Sachez que je ne suis pas une maman parfaite. Je suis une maman assez bien… Faire assez bien est largement suffisant pour un parent. Tout comme je n'attends pas des enfants parfaits. Je suis satisfaite avec des enfants assez bien… Je ne veux pas des enfants qui font tout ce que je veux. Qui sont des copies carbones de ce que je suis… Au contraire, j'accepte vos personnalités telles qu'elles se construisent. Je ne juge pas…
Le soir, après un dîner léger, les enfants font leurs devoirs sur la table du salon.
Clara les surveille en lisant un roman ou en écrivant un courrier.
Elle a ressorti son stylo à plume.
Elle a envie de se trouver un correspondant étranger comme autrefois dans sa jeunesse.
Elle imagine un homme mûr, bien éduqué, capable d'accompagner sa vieillesse…
Avec les enfants, la nouvelle discipline porte ses fruits.
Les notes s'améliorent.
Béatrice prend la tête de la classe ce qui la rend fière et confiante en elle.
Nicolas passe du bas de la classe au milieu.
Les professeurs complimentent Clara pour ses progrès.
Il est moins distrait.
Sa concentration s'améliore.
Il participe...
Un peu.
La relation avec Richard est simple.
Clara comprend mieux le fonctionnement de son amant.
Il n'écoute que ses pulsions.
Il n'est pas intéressé par une vie avec elle.
Pour cela, il a ses copains, ses activités et sa vie de famille.
Clara est une maîtresse au véritable sens du terme.
S'il a envie de baiser et que son emploi du temps le lui permet, il passe chez elle sans prévenir.
Au début, c'est souvent le vendredi.
Depuis que Clara se sent bien dans sa nouvelle installation, il passe dans la semaine.
Le mardi...
Richard sonne vers dix-neuf heures.
Il pratique l'escrime dans une salle du centre-ville.
Il est vêtu de sa tenue blanche.
Il porte son grand sac de sport.
À cette heure, Clara et les enfants sont autour de la table pour les devoirs.
Clara lui ouvre la porte.
Il entre.
Il est magnifique avec ses cheveux un peu plaqués sur ses tempes.
Clara sait qu'il a bien transpiré.
Ils s'embrassent amoureusement.
Elle l'invite à prendre une douche.
Du salon, les enfants voient leurs baisers profonds.
Ils sont passés par plusieurs stades avant d'accepter l'acte.
Choqués.
Énervés.
Inquiets.
Clara a pris le temps de leur expliquer:
— L'amour n'est pas un mirage. Une histoire pour roman à grands sentiments… L'amour est une activité humaine réelle. Elle implique des actes physiques entre deux personnes dont le premier consiste à s'embrasser avec la langue. Ce type de baiser est réservé au couple amoureux. Il n'y a rien de choquant à cela.
Nicolas est un peu dégouté.
Béatrice s'intéresse au sujet.
Elle a encore du mal à ne pas voir sa mère dans le rôle traditionnel de l'être glorifié.
Celle qui n'existe que pour elle.
Pas pour les autres…
Un amour maternel qui lui serait entièrement réservé.
Après ce premier moment d'affection, Richard se dirige vers la salle de bain.
Clara reprend la lecture de son roman.
— Il a dix-sept ans, maman, l'interrompt Béatrice.
— Et alors? L'amour n'a pas d'âge…
Nicolas est occupé par des exercices de mathématiques.
Il ne fait pas attention à leur conversation.
— Ce n'est pas interdit?
— Non… Richard a atteint sa majorité sexuelle. S'il est consentant, il a le droit de faire l'amour même avec une femme plus âgée comme moi. Quand tu auras quinze ans, tu auras aussi ce droit… Tu prendras la pilule, comme je le faisais autrefois. C'est très bon pour le teint… Et tu pourras avoir des rapports.
— Je ne crois pas… Ça me fait peur.
— Tu n'es pas encore prête, juste en ce moment… Comme je disais, ce n'est pas une question d'âge, c'est une question de trouver l'homme que tu aimes. Si ça n'arrive qu'à vingt ans, c'est bien aussi.
— Tu aimes Richard?
— Beaucoup.
— Mais, tu ne peux pas vivre avec lui… Il a une famille.
— Je le sais très bien… Ce n'est pas ce que je recherche. Je n'ai pas besoin d'un homme en permanence à domicile, pour nous contrôler… Pour, soi-disant, nous protéger… Je me protège très bien toute seule. On a tout ce qu'il nous faut, sans lui… Richard est mon amoureux. L'amour me suffit. Et puis, tu sais… Si demain, il ne veut plus de moi… Eh bien, je n'en ferais pas un drame parce que je me suis déjà préparée à cela. Ma vie ne changera pas d'un iota s'il ne vient plus me faire l'amour… Je serais toujours la même. On aura les mêmes activités. Les mêmes horaires… Le même argent.
— Mais, tu seras seule…
— Tu es seule, toi aussi… Ce n'est pas un problème, à ce que je sache. Pourtant tu dois bien penser aux garçons de temps en temps.
— Les garçons de ma classe sont dégoûtants…
— T'as raison, ils ont besoin d'un peu plus de maturité. Mais, si tu tombes sur un beau jeune homme, bien éduqué et intelligent… Tu vas peut-être changer d'avis.
— Quelqu'un comme Richard?
— Tu penses à lui, parfois?
Béatrice pique du nez.
Ses joues rougissent un peu.
— Tu verras que ce sera de plus en plus facile, enchaîne Clara. Tu n'es pas encore assez mûre mais le temps passe très vite. Je sais que dans quelques années, ce sera moi qui sera jalouse de tes relations amoureuses. Mais, pas envieuse… La jalousie n'est pas toujours négative. Ça ne veut pas dire qu'on va freiner l'autre, mais plutôt qu'on va se motiver à en faire autant… Chercher l'amour… Parce qu'il ne faut pas arrêter de le chercher. Il vient. Il s'en va… Un amant te quitte… Faut-il alors tout plaquer? Se dire que, tant pis, je ne serais plus jamais heureuse… Non… Tu repars à l'aventure. Tu explores… Tu expérimentes. La vie est une quête, pas une destination… Un apprentissage permanent, le long d'un long chemin vallonné… Tu verras que beaucoup trop de femmes abandonnent. Surtout les femmes mariées… Elles sont assises le long du sentier et elles regardent les jeunes femmes passer.
— J'ai peur de l'amour… Physique.
— Tu n'as pas peur… Tu es anxieuse devant quelque chose que tu ne connais pas… Souviens-toi de ta première leçon d'équitation. Le cheval est immense. Puissant… Mystérieux. On t'a dit qu'il faut s'en méfier. Qu'il peut être dangereux. Et pourtant, une fois dessus, tu domines… Tu partages une expérience forte avec lui. La fois d'après, c'est encore plus facile. Un peu plus facile à chaque fois… C'est pour cela que la toute première fois, essaie avec un garçon plus âgé… Et puis, plus techniquement… Débarrasse-toi de ta membrane… L'idée de donner sa virginité à un homme est ridicule. T'es pas un cadeau dans une boîte enrubannée… Dans mon tiroir de salle de bain, tu verras… J'ai des jouets sexuels et du lubrifiant… Le jour où t'es décidée, tu enduis le phallus et tu te l'enfonces doucement dans ton vagin jusqu'à ce que ta membrane cède… Si tu le fais toi-même, ce n'est pas si douloureux que ça… T'as déjà eu pire chez ton dentiste. Et puis, le jouet vibre, si tu veux… C'est très excitant… Comme après, t'es plus vierge… Tu auras ce souci en moins lors de ton premier rapport avec un garçon… Tu n'en feras pas tout un plat… Et puis surtout, ne fais pas l'amour n'importe où… Tu les amènes ici… Dans ta chambre… Dans ton lit… Je te demande juste de fermer ta porte à clé pour éviter une interruption accidentelle. Et l'espionnage potentiel de ton frère…
Clara jette un coup d'œil vers Nicolas qui ne peut pas s'empêcher de sourire en coin.
Béatrice médite toutes ces informations.
— C'était comment pour toi à mon âge? demande-t-elle, au bout d'un moment.
— La première fois, j'ai fait tout ce qu'il ne fallait pas faire… Tu vois l'oncle Jonathan, le frère de Papy… C'est un vieux monsieur, maintenant… On ne le voit pas souvent.
— Avec lui? s'affole Béatrice.
— C'est comme si j'étais montée sur le plus fougueux étalon de toute l'écurie… C'était un peu trop pour des premières leçons.
— T'avais quel âge?
— Le tien à quelques mois près.
Béatrice couvre sa bouche, à la fois surprise et choquée.
Nicolas lève le nez pour écouter.
— C'était un été dans la maison de Fontenelle… Papy et mamie étaient partis en excursion avec des amis. Je n'étais pas préparée… J'étais surtout mal informée. Mamie ne parlait jamais de sexe et d'orgasmes comme nous le faisons… Elle ne m'avait pas parlé du plaisir sexuel. Pas un seul mot… Alors que c'est une chose tellement importante dans la vie… Bref, je savais que c'était excitant mais pas vraiment comment… L'oncle Jonathan savait ce qu'il faisait… Mon innocence, justement, l'excitait beaucoup. Le premier été, c'était juste avec la bouche… Tu sais, des baisers, des fellations et lui qui me suçait la vulve, le clitoris… Nous n'avions pas tout fait… L'été suivant, comme il a compris que j'étais amoureuse de lui et surtout que je n'avais rien dit… Il m'a emmenée dans sa chambre. Il était très doux avec moi. Justement, il m'a appris les détails… Les noms des parties sexuelles du corps… Il a cherché à démystifier l'acte pour le rendre plus naturel… En gros, il m'a ouvert les yeux. J'ai véritablement fait l'amour avec lui que trois fois… Mon frère, votre oncle Bernard, m'a vu entrer dans sa chambre en cachette. Il a tout rapporté à Mamie et Papy. Ça a été le drame…
— Ils ont appelé la police? Je croyais que c'était interdit…
— Je n'ai jamais pensé à lui comme un prédateur sexuel… Il était de la famille… Question police… Mes parents ne voulaient surtout pas que ça se sache. Tu vois… Pour moi, cette première fois c'était bien, mais c'était loin d'être l'idéal… Si tu es trop jeune avec un homme beaucoup plus âgé, tu es encore trop fragile émotionnellement. Tu ne contrôles rien… Tu es subjuguée. Alors en plus, de passer devant des policiers et des juges. Tu vois le traumatisme…
— On m'a dit que c'était pour protéger les autres filles…
— Ce n'est certainement pas à moi de protéger les autres filles… Les autres filles doivent se protéger elles-mêmes… Si toutes les filles étaient mieux préparées à tout ça, il y aurait moins de drames… Tu dois te poser la question à ton tour. Qu'est-ce qu'un prédateur sexuel? Qu'est-ce qu'un amant? C'est quoi la différence? Qu'est-ce que je fais si je rencontre l'un ou l'autre? Plus on est jeune, plus on est pétrifié devant tout ça. Je t'assure, la première fois, tu ne peux pas bouger… Tu ne peux même pas parler. Les émotions sont trop fortes, tu comprends. Tu n'es pas préparée… C'est là que les prédateurs en profitent… Ils savent que tu ne peux rien faire. Que tu ne vas rien dire. En revenant à l'attaque sans arrêt, ils vont te dominer. Il n'y a pas d'amour dans tout ça… C'est plus une chasse… Un chasseur. Un gibier. La pauvre bête est coincée devant les phares du véhicule qui fonce vers elle. Elle ne peut pas se défendre…
— Que faire, alors?
— La peur est dans ta tête… Tu dois la surmonter. Tu dois toujours avoir une issue. Tu dois être prête à chercher des solutions de fuite. Partir en courant… Par la porte ou par la fenêtre… Crier, s'il le faut.
— Mais s'il utilise la force…
— Justement, il ne va pas le faire… Ça, c'est un agresseur… On confond avec les gens qui agressent des personnes dans la rue. C'est une autre histoire… Le prédateur sexuel comme l'oncle Jonathan te fait croire que c'est l'amour que tu ressens… Cette peur qui te paralyse, il te dit que ce sont tes sentiments. L'attraction mutuelle… Mais, non… La peur c'est la peur. Pour reconnaître la peur de l'amour, il faut donc bien savoir ce que c'est que l'amour.
— C'est quoi, alors?
— Justement, l'amour c'est la femme… C'est toi… C'est toi qui désires… C'est toi qui choisis. C'est toi qui veux être avec la personne. Tu penses à elle tout le temps. Tu aimes tout d'elle. Même son odeur après le sport… Même un petit objet qu'il a touché… Tu vois, comment c'est différent comme expérience. L'amour est une source au fond de toi… Un petit ruisseau qui se transforme en geyser bouillonnant. C'est simple comme chou… Par contre, si t'as peur… Si tu n'as pas envie d'être là… Alors, cherche des issues de secours. Courir vers la droite? Vers la gauche? Comment vais-je m'en tirer? Maintenant, je vais te dire une chose qui va peut-être te surprendre…
— Laquelle?
— Les hommes ne peuvent pas aimer. Ils ne savent pas ce que c'est… Ils confondent attraction sexuelle et amour. Pour eux, bander devient preuve d'amour… Lorsque l'oncle Jonathan me voit, il ne m'aime pas pour qui je suis. Il aime l'idée sexuelle de coucher avec une très jeune fille. Tu vois, comme c'est pervers… Après l'acte, il va se mentir à lui-même. Il va croire que c'est de l'amour… Il ira même jusqu'à le dire… Un homme s'intéresse rarement à une femme. Il voit en elle la sexualité. Il bande… Le but est de vider son sperme le plus vite possible. Ce que veut la nature, d'ailleurs…
— Alors, pourquoi est-ce qu'on est pas comme ça, nous?
— Bonne question… Je crois qu'on sait aimer, nous les femmes, parce qu'on a besoin d'aimer nos enfants pour qu'ils survivent. Parce que les enfants humains mettent longtemps à grandir… C'est le même sentiment… On aime un homme pour les enfants potentiels. Tout cela est lié, inconsciemment… Les hommes n'ont pas besoin d'aimer leurs enfants. D'ailleurs, la plupart font juste semblant.
— Papa aussi?
— Je vais peut-être te choquer en disant cela mais je pense que oui… Votre père ne vous aime pas comme moi je vous aime. Il aime l'idée de la descendance. Il aime la propriété matérielle. Il aime être comme les autres hommes… Avoir autant de plumes à son chapeau que ses rivaux. Ma maison. Ma voiture… Ma femme. Mes enfants. Toujours le possessif… Le moi-je… Tout le temps… Est-ce qu'il s'intéresse profondément à toi? Est-ce qu'il t'a jamais parlé comme je le fais maintenant? Non… Parce qu'il en est incapable. Pour lui, ce n'est pas important.
— Richard ne t'aime pas, alors?
— Non… Il est l'exemple même de la pulsion. Il veut une femme pour se vider. Vider son trop plein de désir sexuel. Se vider les couilles, comme disent les mecs entre eux…
Nicolas ne peut pas s'empêcher de rigoler.
Béatrice grimace de son interruption stupide.
Clara reprend:
— Tu verras que tes premiers amants seront comme lui… Tu peux les aimer autant que tu veux, ils sont avec toi surtout parce que tu leur offres un bon moment. Ils reviendront tant que tu les laisseras te baiser… Ne pense pas que ce soit réducteur. Ton pouvoir est là… Tu as le pouvoir de choisir qui tu veux… D'aimer qui tu veux… Laisse-toi embrasser et tu verras que leurs mains iront vite vers ce qui les intéresse. Alors si tu aimes, si tu te sens prête, laisse-toi aimer… Tu y gagneras beaucoup plus que lui. Tu y gagneras une force féminine dont les hommes n'ont pas idée. Après, tu te sentiras comme Wonder Woman.
— Je ne comprends pas pourquoi tu restes avec Richard s'il ne t'aime pas…
— Moi, je l'aime.
— Mais…
— La rue n'est pas à double sens, ma chérie. Je n'ai pas besoin de me sentir aimée. Mon amour pour lui est le même de toute façon… Les hommes ne connaissent pas l'amour alors je ne peux pas leur demander quelque chose qu'ils ne peuvent pas me donner.
— Mais tous ces livres… Tous ces films… L'amour réciproque… L'amour égalitaire.
— Tout ça, c'est de l'invention… Des faux sentiments… On appelle ça le romantisme… Tu vas même l'étudier à l'école, tu verras… Mais, les seuls vrais sentiments sont ceux qui habitent au fond de toi. C'est facile de les trouver… Ils sont là ou ils ne sont pas là… Un point c'est tout… Toute ta vie, tu seras déçue par les hommes… C'est pour cette raison que c'est un long chemin et non pas une station balnéaire… Une randonnée et non pas une chaise longue… Ton prochain amour t'attendra toujours au détour d'une rue inconnue.
Richard revient de sa douche.
Il force la fin de la conversation.
Il est dans sa tenue du jour.
Pantalon de toile.
Polo.
Chaussettes de sport.
Il pose son grand sac rangé, près de l'entrée.
Passant par la cuisine, il prend deux galettes de riz complet et un verre d'eau.
Il s'installe ensuite à la grande table, du côté de Nicolas.
— C'était bien l'escrime? lui demande Clara, en attrapant sa main gauche.
— C'est un sport de précision et de sang froid, commente Richard en grignotant. Peut-être que Nicolas serait intéressé…
Nicolas lève le nez de sa leçon.
— Je fais déjà du cheval… Maman m'a obligé.
— T'es pas obligé, corrige Clara. Je t'ai dit, si tu ne veux pas monter à cheval, tu peux aider dans les écuries.
— Épée et cheval, c'est la combinaison parfaite pour un jeune page… Futur grand chevalier normand, déclare Richard.
— Oui, je veux bien essayer.
— On verra ce que je peux arranger pour toi… Béatrice, t'es bien entendu invitée, toi aussi, si ça t'intéresse. Ma sœur en fait aussi… Elle adore les histoires de capes et d'épées.
La discussion se poursuit entre les enfants.
Clara aime bien avoir Richard à la table des devoirs.
Il est à l'aise avec eux.
Il est dans son univers.
Lorsqu'il est présent, Béatrice parle moins.
Elle observe.
Richard aide Nicolas à terminer ses mathématiques.
Clara est reconnaissante de l'avoir dans leurs vies.