Clara est allongée dans le noir de sa chambre à coucher.
Elle espérait s'endormir rapidement.
N'y parvenant pas, elle réfléchit à la confrontation.
Tout ce qu'elle a dit à Yves semble faible et inadéquat.
Un peu comme si on lui avait donné le texte d'une pièce de théâtre mais elle n'en avait pas tenu compte.
Où était passée la grande scène du deux?
Les récriminations?
Les portes qui claquent?
Elle a laissé Yves parler sans trop l'attaquer.
Elle se reproche d'avoir encaissé trop facilement.
Alors, elle s'interroge…
Quels sont ses sentiments pour lui?
Le degré d'amour?
Clara le sait depuis un bon moment.
Elle apprécie son mari au quotidien mais elle ne l'aime plus comme avant.
Elle entend Yves qui traverse la chambre obscure pour aller dans la salle de bains.
Elle espère qu'il a pensé à tout éteindre dans le salon et à fermer à clé la porte d'entrée.
Clara se tourne de côté.
Elle ne veut pas lui faire face lorsqu'il viendra au lit.
Elle veut s'endormir.
D'ailleurs, elle aurait dû lui dire de dormir sur le canapé.
Elle n'y a même pas pensé.
À croire qu'elle n'a pas la tête pour ce genre de pièce de boulevard.
Elle a besoin de conseils en la matière.
Qui pourrait l'aider?
Son amie Joëlle est célibataire.
Elle vit seule depuis des années.
Elle n'a clairement pas de compétences.
Son frère Bernard est divorcé.
Il a de l'expérience mais Clara n'aime pas lui parler.
Ils ne se sont jamais entendus.
Un personnage mièvre...
Leurs conversations demeurent polies mais superficielles.
À qui parler de sa situation?
Sa mère?
Avec le temps, leur relation s'est améliorée.
Surtout depuis que Clara a des enfants…
Elle a accompli son rôle sur terre, c'est-à-dire donner à ses parents deux beaux petits-enfants à chérir et à choyer.
On apprécie toujours mieux les enfants de la génération d'après.
Clara programme mentalement une visite chez eux, demain après le travail.
Les enfants aiment bien y faire un arrêt.
Le poids sur le matelas surprend Clara.
Yves est sous la couette.
Elle l'entend respirer.
Elle devine qu'il est couché sur le dos.
Elle ne veut surtout pas bouger.
— Je tiens à te dire quelque chose, dit-il à pleine voix.
Clara s'étonne de ses paroles.
A-t-il deviné qu'elle n'était pas endormie?
— Je tiens à te dire que notre mariage est très important pour moi… Encore aujourd'hui, je dis que c'est la meilleure chose qui me soit arrivée. Je n'ai pas envie que cela s'arrête.
Clara serre des dents.
Elle ne veut pas lui répondre.
Elle ne veut pas reprendre la conversation.
C'est fini…
La surprise est totale lorsqu'elle sent la main de Yves posée en bordure de ses fesses.
Pas de mouvement…
Juste une pression qui ne s'éloigne pas.
Clara a envie de tirer sur le bord de sa nuisette mais, en même temps, elle ne veut pas bouger.
Yves agite alors un doigt de haut en bas pour la caresser à travers le tissu.
Furieuse, Clara se tourne en simulant un mouvement de dormeur.
Elle est sur le dos.
Elle estime que le mouvement brusque est suffisant pour le faire cesser.
L'inverse se produit.
Yves pose une main sur le haut de sa cuisse.
L'esprit de Clara se révolte.
Toutes ses pensées sont opposées.
Elle est en colère contre lui.
Très en colère…
Pourtant, cette main si proche de son intimité l'excite.
Elle aime Yves pour ça aussi…
Elle aime son corps.
Elle aime lorsque son sexe la pénètre.
La main de Yves approche du pubis de Clara.
Une dernière chance pour se révolter…
Clara fait l'inverse.
Elle écarte légèrement les cuisses.
Le signe qu'elle a envie.
Le doigt de son mari longe sa vulve.
Son corps ne ment pas.
Elle est humide.
De penser à l'adultère l'a rendue émotive.
Depuis toujours, l'émotion chez Clara se calme par les caresses intimes.
Un réflexe de jeunesse…
Dès l'adolescence, lorsque ça n'allait pas, Clara s'enfermait dans la salle de bains pour se masturber.
Un rituel de l'évasion…
Elle aurait pu attendre la nuit.
D'être dans le lit de sa petite chambre d'enfance.
Non, elle préfère l'immédiat…
À l'époque, la salle de bains chez ses parents avait un miroir de plein pied.
Clara aimait s'asseoir sur le bord de la baignoire pour voir son intimité s'ouvrir.
L'image de sa sexualité l'excitait.
Elle aimait se regarder en train de se faire plaisir.
Yves la caresse sans hésitation.
Clara ne bouge pas d'un cil mais elle est trempée.
Elle ne peut pas s'empêcher de gémir.
Elle adore lorsqu'il la caresse.
Yves se met sur le côté pour changer de main.
Son majeur gauche peut s'enfoncer plus loin.
Clara tourne un peu la tête vers lui.
Dans l'obscurité, elle cherche le visage de son mari.
Une bouche…
Des lèvres.
Une langue avide.
La passion remonte de son bassin.
Elle tourbillonne dans son esprit.
Le baiser profond, jumelé aux caresses tactiles, suffit à l'enflammer.
Le plaisir arrive beaucoup plus vite que d'habitude comme si son physique voulait lui donner une leçon de morale.
— Viens, souffle-t-elle dans l'obscurité. Viens me baiser…
Yves bande depuis qu'il la caresse.
Il se positionne au-dessus d'elle.
Clara écarte les jambes.
Sa verge trouve le chemin.
Clara remonte un peu le bassin.
L'angle est parfait.
Yves se glisse en elle en un seul mouvement.
Il est loin…
Clara remonte ses genoux pour lui donner un accès complet.
Comme il n'utilise plus ses doigts, elle approche les siens.
Elle stimule la zone.
Elle caresse les bords de son capuchon.
Elle contrôle la pression sur son clitoris pendant qu'il débute son va-et-vient.
Le léger massage la lance dans l'exaltation.
Clara laisse échapper des râles de plaisir.
La volupté la surprend.
L'amour physique…
Le besoin qu'elle a d'avoir un homme qui la perfore.
Sa voix s'élève…
Yves accélère.
Elle devine qu'il attend.
Il se retient un peu.
Par amour pour elle?
Il aime sa femme comme elle l'aime aussi.
Clara augmente la pression.
Elle essaie de jouir mais Yves éjacule déjà.
Elle simule sa jouissance.
Elle retire la main.
Sentir son sperme loin dans son vagin la comble suffisamment.
Clara accompagne son plaisir de petits râles essoufflés.
Yves l'écrase un peu.
Elle apprécie la proximité.
Voilà, c'est fait…
Elle a baisé.
Elle se sent bien.
Si seulement il n'y avait pas tout le reste pour polluer le moment.
Clara repousse Yves, fermement.
Il comprend.
Il se retire.
Il ne dit rien.
Il reste un moment sur le dos avant de se tourner sur le côté pour la nuit.
Clara n'a pas bougé.
Elle referme les cuisses.
Elle passe sa main droite sur son pubis poisseux.
Elle glisse son majeur le long de sa fente.
Clara aime sentir le sperme sous ses doigts.
Elle l'enfonce dans son vagin.
Elle frotte délicatement les parois internes comme si c'était une crème de nuit.
En général, après une ou deux minutes, elle va dans la salle de bain pour essuyer le trop plein.
Dans cette nuit de doutes conjugaux, elle n'ose pas.
Elle se caresse silencieusement en pensant aux conséquences de quitter son mari.
Le risque de tout perdre…
Le risque de perdre un investissement de quinze ans.
Pourquoi?
Pour se donner le beau rôle?
Pour suivre un schéma de société?
Clara se réveille au petit matin.
Elle a une forte envie d'uriner et de se nettoyer.
Elle s'occupe du nécessaire avant de revenir sous les draps.
Yves dort paisiblement.
Clara est furieuse.
Les hommes sont impossibles.
Ils sont lâches.
Ils sont orgueilleux.
Ils sont infidèles.
Elle ferme les yeux.
Elle se sent encore fatiguée.
Clara passe du demi-sommeil à à des récriminations éveillées.
Toutes les femmes mariées se posent la question de l'amour.
La passion des premières années n'est pas éternelle.
La nature est pourtant bien faite.
L'amour premier se transforme en amour maternel.
Les enfants sont très présents.
Le mari passe au second plan.
La question est donc de savoir si le cycle de l'amour peut recommencer.
La réponse de Clara est définitive.
La passion dans le couple marié ne revient jamais.
Le mari n'est plus amant.
Il a changé de rôle.
Il est protecteur.
Il est le seigneur du château.
Il lui suffit de rester à son poste jusqu'à ce que les enfants soient autonomes.
Après, arrive la vieillesse.
La nature n'a plus besoin d'eux.
Ils peuvent disparaître heureux.
Le monde moderne a faussé la règle.
Si l'homme se donne le droit de divorcer, il est capable de tout recommencer avec une autre femme.
Nouveau logis…
Nouveaux enfants.
Il oublie systématiquement les premiers.
L'injustice est donc bien du côté de la femme.
Elle n'a droit qu'à une seule passion véritable.
Une fois que ses enfants sont adultes, il lui est impossible de tout recommencer puisqu'une naissance est dorénavant impossible.
Le temps joue contre les femmes.
Le divorce est bien le problème.
Clara estime que le contrat de mariage devrait être plus solide socialement.
Une obligation réelle pour le père de rester au foyer pour protéger ses enfants.
Se pose alors la question de la fidélité.
Est-ce grave pour un homme marié de coucher avec une autre femme s'il maintient son rôle par ailleurs?
Tant qu'il protège sa famille de base, n'a-t-il pas le droit à un écart de comportement?
L'horloge du portable de Clara se met à vibrer.
Il est l'heure de se lever pour affronter une nouvelle journée.
Yves ne prend pas de petit-déjeuner.
Il n'a pas un caractère matinal.
Il dort volontiers.
Clara se retrouve dans l'espace cuisine, prête pour une journée de travail.
Les enfants sont habillés devant des bols de céréales chocolatées.
Elle leur demande d'accélérer.
L'heure tourne.
Elle étudie les emplois du temps aimantés sur le réfrigérateur.
Ont-ils quelque chose de particulier à emmener à l'école?
Elle les questionne.
Les enfants bougonnent.
D'après eux, tout va bien…
Après, ils se lavent les dents.
Ils attrapent leurs manteaux.
Clara se retrouve sur la D7 à rouler vers le centre de Caen.
Un temps gris…
Une petite pluie.
Rien d'exceptionnel pour cette saison.
Les nouvelles à la radio occupent l'esprit.
Les enfants, bien éveillés à présent, se chamaillent gentiment.
Clara conduit mécaniquement.
Elle pense à Yves dans leur lit.
Il est toujours décalé avec eux le matin.
En général, il se rase, se douche et s'habille à toute vitesse.
Il enfile un costume.
Il ferme la maison à clé.
Il prend sa voiture pour retrouver sa boîte…
Et sa maîtresse. Laurence…
Le prénom donne une impression de qualité.
Une jeune femme éduquée et non pas une bimbo à grosses lèvres…
Clara pense aux hommes qui travaillent dans son service.
Pas vraiment de quoi s'exciter…
Depuis que Béatrice a sept ans, Clara travaille chez Credifix.
Elle n'en pouvait plus d'être une mère au foyer.
Yves gagne pourtant suffisamment d'argent. Elle n'est vraiment pas obligée.
Clara le répète volontiers.
Elle travaille pour s'affirmer.
Une femme ne doit pas vivre aux crochets de son mari.
Chacune doit s'accomplir ou périr…
Gagner son propre argent.
Être indépendante, en cas de pépin…
Le chahut à l'arrière de la ZOE la tire de ses pensées.
— Ça suffit, vous deux… Calmez-vous, maintenant.
— Béa, a dit que je sentais le caca! s'insurge Nicolas.
— Arrête Béatrice… On ne parle plus jamais de ça… Plus jamais!
— Mais c'est vrai qu'il pue… Tu ne sens pas?
— Ça suffit, j'ai dit!
Clara dépose les enfants à proximité de l'entrée de l'école.
Pas le temps d'un bisou…
La sonnette ne va pas tarder.
Vingt minutes plus tard, elle se gare sur le parking de Credifix.
Elle prend son sac à main et son manteau.
Elle vérifie les sièges à l'arrière.
Elle renifle…
C'est vrai que ça sent mauvais.
En effet, le réhausseur de Nicolas est taché.
Elle le colle sous son nez.
Grimace horrifiée…
Elle le prend avec elle.
Elle condamne les portes.
Pas loin de l'immeuble de bureaux, se trouvent deux bennes à ordure.
En passant à côté, Clara se débarrasse du réhausseur.
Nicolas n'en a probablement plus besoin.
Elle emprunte ensuite l'ascenseur jusqu'au deuxième étage.
Elle traverse la grande salle divisée en dizaines de postes de travail.
Clara s'installe à sa place.
— Bonjour toi, dit Joëlle, en venant lui faire la bise.
— Bonjour Joëlle, ça va?
— C'est plutôt à toi que je devrais le demander… C'était quoi hier? Je t'ai vu partir telle la fusée.
— Petite urgence à l'école.
— Quoi?
— Mon fils a chié dans son froc… Je devais me dépêcher.
— Le pauvre petit… Tu sais que ça m'est arrivé à la fac... Un crétin avait mis un laxatif dans le distributeur d'eau. Pendant le TD, c'était affreux… Après, j'étais tout l'après-midi sans petite culotte parce que j'avais dû la balancer… Tu me diras si le prof m'avait vu comme ça… J'aurais peut-être eu une meilleure note.
— Arrête de me faire marcher, rigole Clara.
— Non, je t'assure… C'est pas des blagues. On déjeune?
— Oui, absolument… J'ai un truc à te demander.