Le souper, sans aliments, se poursuit dans le même esprit.
Un scénario inspiré par les années cinquante...
Une mère attentive apprend à sa fille à briser les tabous de l'époque.
Elle l'initie à la caresse sensuelle sans vergogne.
Un travail, à la main, où la maîtresse montre à sa jeune élève les gestes les plus efficaces de l'autosatisfaction.
Flavie apprécie cette nouvelle tendresse.
Afin de s'immerger dans le personnage, Jacqueline veut se faire appeler maman.
Les techniques sont variées.
Les zones doivent être étudiées.
Nommées...
Comptées...
Approfondies...
Chaque palier est récompensé par la volupté.
La mère compte les orgasmes de sa fille.
Cinq est le but à atteindre.
Le sommet qui devient magie.
Qui ouvre la porte de l'infini.
Flavie grimpe chaque niveau.
D'abord par intervalle lent...
Ensuite, les écarts se réduisent.
Elle jouit à répétition.
Alcool et tabac lui font tourner la tête.
Des visions...
Une pyramide dorée...
Trois fois le chiffre six en rotation...
Un anneau d'or...
Un trou noir...
Elle passe à travers.
En transe, elle se dédouble.
Elle se regarde faire.
Elle est témoin de sa propre subjection.
En effet, pour la compenser de son instruction, Jacqueline demande à Flavie de lui fister le con.
Il n'y a plus que cet outrage qui la fait foutre à profusion.
L'adolescente observe la scène de vexation comme si elle n'y participait pas.
Une doublure a pris sa place.
Elle n'est plus qu'esprit pur.
Agent de transmigration...
Bien plus tard, au cœur de la nuit, allongée lascivement sur le grand canapé, épuisée par tant de sensations physiques, Flavie entend sa mère lui dire, comme sortie des brumes du passé...
— Maman doit partir en voyage... Tu es assez grande pour rester toute seule à la maison... Fais bien attention à toi... Ne parle pas aux inconnus dans la rue...
Un dernier baiser sur la joue...
Flavie sombre dans un sommeil profond.
Flavie se réveille dans le grand lit de la chambre Louis XV.
Sa bouche est pâteuse d'avoir fumé.
Sa tête est cotonneuse d'avoir bu de l'alcool.
Son corps est courbatu.
Elle ne sait pas quel jour c'est.
Elle ne connaît pas l'heure.
Elle a perdu toute notion du temps.
Première action du matin, elle se soulage dans la salle de bain.
Le papier toilette n'est pas revenu.
— Je voudrais un rouleau de papier toilette, s'il vous plaît...
Elle n'est pas certaine que les duègnes répondent à cette requête, pourtant élémentaire.
Flavie se regarde dans le miroir du lavabo.
Une tête de petite dévergondée...
Elle se rince le visage.
Elle a faim.
Elle a soif.
Elle boit de l'eau du robinet.
Sa vulve est collante.
Elle la démange.
Plutôt que de se couler un bain, elle utilise le bidet.
Elle se rince le con.
Elle se frotte le cul.
Elle se sèche.
Lorsqu'elle revient dans la chambre à coucher, c'est presque comme la veille.
Le lit est fait.
Le déshabillé est préparé.
Le plateau du déjeuner est sur la table.
Aujourd'hui, pas de sucreries...
Un verre d'eau...
Une petite assiette avec trois tranches de jambon rose...
Flavie se jette sur la nourriture.
Elle n'aime pourtant pas le jambon, surtout le gras blanc.
Elle mâche en se demandant ce qu'elle préfère comme repas.
Clémence ne cuisine que des steaks hachés surgelés.
Purée ou petits pois-carottes...
Parfois, des pâtes ou du riz précuit...
Pour son anniversaire, son père l'avait emmenée manger un grand steak saignant dans un restaurant spécialisé.
C'était trop pour elle.
Flavie n'avait mangé que quelques frites.
Il s'était fâché.
Son père est toujours fâché.
À la cantine de l'école, l'offre est plus variée mais Flavie n'aime pas les sauces marrons.
Trop souvent, tout est jeté.
Gaspillage insensé...
Assise nue sur la soie du beau fauteuil, Flavie mange parce que sa faim est absolue.
Elle a tout avalé.
Elle en veut encore.
Elle boit de l'eau.
Elle retourne dans la salle de bain.
Elle veut se laver les dents.
Aujourd'hui, il n'y a ni brosse, ni dentifrice.
Elle se coiffe juste un peu.
Elle revient dans la chambre.
La table a été débarrassée.
Elle enfile le déshabillé.
Quels seront les mystères de la journée..?
Quel sera le thème du souper..?
Elle pense retourner explorer le petit château.
Avec un peu de chance, elle trouvera un passage secret.
Un moyen de quitter ces murs…
S'enfuir, pour retrouver sa mère...
Un remords l'étreint.
La décision de la veille était-elle permanente..?
Pourrait-elle changer d'avis..?
De ses longues diatribes, Jacqueline la submerge à chaque fois.
Elle ne sait pas lui parler.
Elle a accepté de rester auprès d'elle, au prix de voir Clémence mourir.
A-t-elle véritablement souhaité cela..?
Est-ce seulement possible..?
Ou n'est-ce qu'un fantasme, prompt à exciter un moment de luxure..?
On invente pour se stimuler…
Pour se caresser...
Flavie imaginait, dans son petit lit d'écolière, que l'acteur de sa série préférée était couché contre elle.
Deux doigts timides tripotant ses petites lèvres…
Un plaisir coupable, à peine ébauché...
Des bruits sourds dans la chambre à côté...
Son père, au lit avec Clémence, pour l'en dissuader...
Flavie explore.
Les portes, fermées la veille, sont encore fermées aujourd'hui.
Par contre, dans la cuisine, les pommes rouges sont de retour.
Elle en prend une qu'elle mord à pleines dents.
Puisqu'il n'y a pas de distractions dans ce château, elle se dirige vers la bibliothèque.
La lecture est la meilleure façon de passer le temps.
Elle entre dans la grande pièce.
Elle voit aussitôt la petite boîte blanche posée sur la table d'acajou.
Elle approche.
Elle dépose, sur le coin de la table, sa pomme, à demi mangée.
Pendant un instant, elle s'imagine que c'est l'objet tant rêvé.
L'emballage a exactement la forme et la taille de celui d'un téléphone portable.
Elle s'en empare.
Sur le devant, en fines lettres dorées, le mot...
MORE...
Elle défait le couvercle.
Déception...
Il ne s'agit pas d'un smartphone.
L'objet couleur chair ressemble à un doigt coupé.
Flavie lit la notice imprimée dans une variété de langues.
Il s'agit d'un vibromasseur pour se caresser la vulve.
Un modèle qui s'adresse, spécifiquement, à une clientèle de très jeunes filles, comme l'attestent les dessins explicatifs.
Il s'agit d'une enveloppe en latex mou que l'on enfile sur son majeur.
L'extrémité, un peu plus épaisse, cache le vibromasseur qui semble se recharger par induction.
Flavie laisse tout en plan.
Elle s'intéresse plutôt aux livres.
Le lutrin a été déplacé.
Un nouveau grand volume est présenté.
Un recueil de photographies intitulé...
DOGS...
Sur la couverture, un immense chien gris, à la mâchoire carrée, pose fièrement.
Flavie ouvre le grand album au hasard.
Elle tombe sur une photo qui la choque immédiatement.
Une jeune femme nue, de type mannequin scandinave, est couchée sur le côté, à même le sol.
Un dogue brun se tient juste derrière elle.
La femme tient gracieusement dans sa main l'énorme verge en érection du chien.
Flavie n'a jamais vu d'images de zoophilie.
Le livre de bonne manufacture, esthétiquement photographié, présente des images inconcevables.
Elle est subjuguée par ces actes qu'elle ne peut qualifier.
La bouche d'une femme exotique qui avale une verge de chien.
Une femme, aux seins énormes, enconnée en levrette par un dogue géant.
Artistique...
Fascinant…
Effrayant...
Le pouls de Flavie s'active.
Elle est trop curieuse.
Elle recommence depuis le début.
Elle veut voir toutes les photos.
Lorsqu'elle lève le nez du livre, après un examen complet, elle découvre qu'une liseuse électrique est allumée près d'un fauteuil de style bergère.
Sur une petite table à côté, se trouvent une carafe d'eau, un verre et une assiette avec deux pommes rouges.
Elle pense à son trognon oublié sur la table d'acajou.
Il s'est envolé.
Comment..?
Quelqu'une était à quelques mètres d'elle pendant qu'elle était plongée dans l'album..?
Elle n'a rien senti.
Rien entendu...
Ces meubles n'étaient pas là non plus lorsqu'elle était entrée.
Flavie frissonne.
Un château hanté de spectres et de fantômes...
Les joues rougies après sa lecture, Flavie réalise qu'un peu d'eau lui ferait du bien.
Elle boit un verre.
Le goût métallique lui rappelle l'eau de source au bar du grand château.
Cette belle jeune femme inconnue qui expose sa poitrine.
Quel était ce monde dans lequel elle était tombée..?
Tant de luxure...
De provocation…
De passion...
Chaque jour, elle jouissait à répétition.
Un état d'excitation sexuelle permanente…
Après avoir visionné les photos des chiens, son con est mouillé.
Elle a une irrésistible envie de les revoir.
Cette fois-ci, Flavie s'empare de l'appareil offert.
Il est tout fin.
Juste une enveloppe qui moule son majeur.
Pour le démarrer, il suffit de presser avec le pouce sur l'extrémité.
La vibration est presque imperceptible.
Le mode d'emploi recommande de faire circuler l'artifice autour du capuchon du clitoris.
D'enfoncer, après trois rotations, le doigt dans le vagin et de recommencer.
Debout devant le lutrin, Flavie remonte le devant de son déshabillé.
Elle pose le gadget vibrant sur le haut de son con.
Elle sent immédiatement l'effet.
Elle dévore les images zoophiles.
Elle est vite stimulée.
Elle écarte un peu plus les jambes.
Elle se mord la lèvre.
Le plaisir est tenace et profond.
Flavie veut foutre devant l'image qui lui plaît le plus…
Une jeune femme affiche une grimace choquée lorsque le sperme épais du chien, figé dans l'instant, vient gicler sur son visage.
Une fois ce plaisir passé, Flavie en redemande.
Elle abandonne le lutrin pour chercher dans les étagères.
Les livres de photographie sont regroupés.
Elle s'empare d'un grand album intitulé...
SALO...
Un livre en italien…
Sur la couverture, un jeune homme nu est pendu à l'envers par un pied.
Les images, en noir et blanc, présentent des situations crues qu'elle n'a jamais imaginé.
Des jeunes garçons bâillonnés...
Des jeunes filles, les yeux bandés, alignées avec leurs bouches ouvertes...
Des hommes ventrus qui pissent sur elles.
Plus loin, ils chient au-dessus de leurs ventres maigres.
Des petits garçons qui bandent.
Leurs bouches tordues par la douleur lorsqu'ils se font fouetter.
Choquée, Flavie referme le livre sans le ranger.
Elle retourne s'asseoir sur la bergère.
Elle croque une pomme rouge pour méditer.
N'y avait-il pas de limites..?
Jusqu'où pouvait aller l'esprit humain..?
Flavie repense au discours de Jacqueline à bord du petit véhicule électrique.
Deux mondes…
Le monde du réel...
Le monde de l'esprit...
Nous vivons dans deux endroits simultanément.
Une vie du possible…
Une vie de l'impossible...
Certaines personnes, les artistes notamment, ramènent des visions d'un monde vers l'autre.
L'imagination des uns devient le réel des autres.
L'esprit étant infini, on pouvait, très facilement, inventer des monstres.
Des horreurs...
Une fois qu'elles étaient créées, on ne pouvait plus les ramener d'où elles venaient.
Les livres...
Les photos...
Les films...
Consommation infinie de l'infamie fantasque...
Mais, pouvait-on effectuer le chemin inverse...?
Aller, non pas de l'esprit vers le réel, mais du réel vers l'esprit...
Non pas, vivre dans sa tête, mais vivre réellement toutes les folies de l'esprit...
Flavie croit comprendre le message de Jacqueline.
Le but de l'existence de cette femme est d'accomplir ce que personne ne peut faire, c'est-à-dire vivre sans limites, autres que celles dictées par la nature.
Jacqueline ne peut pas marcher sur la lune.
Jacqueline peut tuer sa belle-mère.
L'adolescente reprend l'album de photos cruelles.
Une image entraperçue l'intrigue.
Elle revient dans son grand fauteuil.
Elle écarte les jambes.
Elle démarre le vibromasseur.
Elle tourne à la page voulue.
Une femme dans la quarantaine, à genoux, se tord de douleur devant son bourreau.
Elle a les deux seins tranchés.
Le sang ruisselle des ouvertures.
Flavie ramène de son esprit, le visage de Clémence qu'elle superpose à cette vision d'épouvante.
Elle caresse son con humide.
Elle veut foutre devant la torture.
Foutre des douleurs de Clémence…
Foutre de sa mort...