Semaine après semaine, les soupers des filles de joie se répètent, avec simplement des variations dans les thèmes.
Les invités viennent pour deux nuits où toutes les folies sont possibles.
Le premier souper débute systématiquement par la présentation des demoiselles en grande tenue du XVIIIe, suivie de la loterie.
Robes splendides...
Menuet...
Révérences...
Présentation de la nouvelle Flavie qui représente le premier prix.
Souper aux chandelles...
Relations intimes...
Récolte du sperme...
Le second souper a souvent un thème à caractère historique selon les goûts et les origines du groupe en question.
Bal à Saint-Pétersbourg…
Bal à Vienne...
Bal à Venise…
Belle époque...
Années folles…
Les costumes et les danses varient.
Les plaisirs, moins...
Florentine apprend vite que les hommes n'ont pas beaucoup d'imagination.
Ils ne sont pas intéressés par le plaisir partagé.
Florentine ne ressent jamais rien.
Qu'un homme l'encule ou l'enconne ou qu'il use de son cou comme un vagin, les sensations sont inexistantes.
Pour toutes les prostituées du monde, le défi est de faire éjaculer l'homme le plus rapidement possible.
La compétition entre les aphrodites n'est pas de savoir comment cela se passe mais combien de fois.
Celle qui récolte le plus grand nombre de saillies a le droit aux compliments de la secte.
Les hommes viennent de l'Europe continentale.
Seuls les anglais, insulaires et pirates, ne sont jamais invités.
Florentine sait pourquoi.
Madame est à la recherche du sperme le plus valeureux pour continuer ses recherches.
Comment ces hommes sont sélectionnés, Florentine ne le sait pas.
Demandant un jour à Léopoldine, une complice de jeux amoureux qu'elle apprécie de plus en plus, elle reçoit cette réponse indirecte...
— Tu dois comprendre, Florentine, que l'humanité est organisée ainsi... Quatre-vingt pour cent de la population mondiale est constituée d’esclaves… Nous n'avons pas à nous en occuper, si ce n'est pour les exploiter... Partout dans le monde, les Laboratoires Moreau leur vend, grâce à un réseau de filiales locales, des gadgets sexuels, des cosmétiques bon marché et beaucoup de pornographie par internet... L'idée générale est d'encourager la sexualisation des masses pour ensuite vendre des produits contraceptifs et des avortements... Gagner beaucoup d’argent… Au niveau biologique, nous ne nous occupons pas des masses incultes... Ces hommes sont invariablement faibles, sots et bornés... Des moutons, bons à tondre et à manger… Dans les vingt pour cent de la population qu'il reste, il existe, à nouveau, deux groupes… Les Alpha et les Bêta… Encore une fois, les proportions sont comparables. Quatre-vingt pour cent sont Bêta et seulement vingt pour cent sont Alpha. Donc, si tu fais les maths… Seulement quatre pour cent de la population mondiale est Alpha... Les Bêta ne sont que moyennement intéressants... Ils ont, en général, une, voire deux, des caractéristiques recherchées… Force et intelligence… Ou intelligence et créativité… Ou force et créativité… On les exploite moins... On les emploie… Ce ne sont véritablement que les Alpha qui nous intéressent au haras… Mais, encore une fois, il y a un filtre… Madame attache de l'importance à la race… La race blanche d'Europe Continentale… Plus simplement, elle s'intéresse à ses ancêtres… Comme l'Europe, c'est dix pour cent… Donc, les Alpha européens ne représentent plus que 0,4 pour cent de la population mondiale… Sur toute la planète, il existe moins de trois millions d'êtres véritablement intéressants... Comme nous récoltons du sperme, c'est la moitié de ça… Ce qui représente un million et demi d'hommes sur trois cent soixante dix millions d'européens... Autant dire que madame cherche des aiguilles dans des bottes de foin... Pas si facile, si tu y penses… Car, il ne suffit pas de les identifier, il faut aussi les convaincre de venir au haras... C'est une des tâches des orphelines éparpillées dans le monde entier... Séduction… Relation... Invitation... Tu vois, nos talents de catins servent toute notre vie... Le chemin pour atteindre la perfection humaine est lent... Orphelines, nous sommes le fruit de toutes ces recherches... De tous ces croisements… Et pourtant, nous pouvons encore nous améliorer...
Florentine comprend bien qu'il ne s'agit pas de prostitution banale.
Les séjours de ces hommes au château ont une finalité.
Ils contribuent à une étude scientifique de longue haleine à la recherche des gènes les plus valeureux.
Un haras…
Un élevage...
La création d'une race de femmes extraordinaires...
Engagée dans cette grande cause, Florentine s'applique à obtenir de meilleurs résultats.
Poussée par la faim et la stimulation permanente de sa sexualité, elle commence à apprécier les subtilités du métier.
Pour commencer, elle apprend à deviner son client.
Contrairement à la première fois, où elle n'avait fait qu'écouter, elle s'applique dorénavant à charmer.
Faire parler l'homme pour définir son trait dominant.
Force..?
Intelligence..?
Invention..?
Ces hommes sont tous des Alpha... Des Roys... Des apollons...
Ils sont riches.
Ils sont célèbres.
Ils sont puissants.
Ils ont déjà passé une sélection rigoureuse.
Il s'agit de leur offrir du fantasme afin qu'ils éjaculent le plus souvent possible.
Les leurrer...
Comme les étalons que Pauline amenait à saillir pour récolter un sperme abondant.
Alors, Florentine prend le parti de s'amuser.
Les aphrodites ne reçoivent que très peu de plaisir physique.
Les hommes ne savent pas le donner.
Ils n'aiment que les sodomies et les fellations.
Notamment, cette mode nouvelle de pénétrer des gorges brutalement...
Encouer...
Baiser une gorge jusqu'à l'étouffement...
Provoquer un flux de salive débordant...
Laisser éructer la petite catin grossièrement...
Cou et cul...
Deux endroits éloignés des zones du plaisir féminin…
Pour le mâle débridé, le coït classique est sans intérêt.
Le con n'a de valeur que chez Flavie.
Dépuceler...
Déchirer l'hymen...
Faire couler le sang...
Florentine trouve son plaisir dans l'interprétation.
Il s'agit bien d'un théâtre amoureux.
Jouer le rôle de l'amour physique…
Inventer toutes sortes de variations afin de stimuler les esprits...
C'est plus facile à plusieurs…
Entre filles, on se comprend.
Sans compter qu'il y a des hommes démonstratifs et d'autres plus discrets.
Les déclinaisons sont illimitées.
Parfois, les hommes se connaissent.
La partie fine se déroule à quatre, à six ou plus encore.
Tous les endroits sont favorables.
Toutes les chambres...
Tous les salons...
Tous les cabinets...
La seule fille qui demeure isolée est toujours Flavie, la numéro I.
L'orpheline blonde, vierge et innocente qui, prix d'excellence, est offerte au plus chanceux.
Florentine ne comprend pas encore l’organisation.
Comment fait-on pour encourager un homme à tuer une jeune vierge de treize ans..?
Ce rituel lui semble tellement extraordinaire.
Tellement au-delà de tout ce qu'on puisse imaginer.
En même temps, si tout est filmé et enregistré.
Quel pouvoir de chantage sur ces hommes qui ne se doutent de rien.
Les camarades de Florentine ne parlent jamais de cette première fois.
Si Florentine insiste, elles répondent qu'elles ne se souviennent de rien.
Elles se sont réveillées à la clinique.
Un prénom…
Un visage...
Un emploi…
Une nouvelle vie de fille, au haras...
Florentine se souvient à peine de son dernier jour dans la peau de Flavie.
Un viol meurtrier par la mère supérieure d'un couvent…
Des nonnes vicieuses pour l'assister...
L'évocation de la scène semble fantasque.
Une fiction irréaliste sortie d'un vieux roman libertin…
Des comportements extrêmes qui n'ont pas de prise sur la réalité.
Le sacrifice de Flavie serait-il donc une création de l'esprit..?
Une initiation macabre, non pas pour le plaisir de l'homme, mais pour la transformation de l'orpheline.
La nuit terrible où elle devient victime.
Le sacrifice...
Pourquoi ce chemin doit-il être pavé d'horreur, de meurtre et de sang..?
Ou bien…
Florentine voit subitement un rapport entre l'immolation originale et le déclenchement de la faim.
Cette faim obsessionnelle pour le sang humain…
Cet appétit particulier, si difficile à assouvir…
Aux prises avec un client, écartelée dans le grand lit de la chambre XXI, Florentine cherche sans arrêt sa dague.
Elle n'a qu'une seule idée en tête.
Elle veut tuer pour boire.
Avaler le sang du mâle comme la première fois, en compagnie de madame...
Hélas, Fortune ne vient plus la récompenser.
La dague n'apparaît pas.
L'homme râle de plaisir.
Il éjacule.
Encore un petit sac, rempli de sa pollution…
Elle se débarrasse du contenu comme on le lui a appris.
Elle feint l’admiration de la virilité.
Elle encourage de nouvelles caresses.
Sûrement qu’il a envie de recommencer, d'une nouvelle façon.
En attendant, il peut toujours lui pisser dessus.
Au petit matin, Florentine quitte la chambre en laissant son client endormi, épuisé de s'être tant vidé.
Elle retourne dans sa cellule, plus affamée que jamais.
Dormir pour oublier…
Après le premier souper, elle est systématiquement épuisée.
Un sommeil de plomb...
Une nuit sans rêves...
C’est seulement une fois que les hommes sont partis que débute la plongée dans les ténèbres.
Le néant…
Florentine quitte le réel pour apparaître dans le monde de l'esprit sous une forme animale.
Un étalon...
Un épervier...
Un renard...
Se laisser promener par l'instinct de son hôte ou bien diriger les pas de la bête.
Le cycle fantastique des filles de joie et des filles des ténèbres...
Florentine avance dans l'histoire de Jeanne.
La progression est lente car elle ne peut lire qu'un paragraphe à chaque fois.
Jeanne est sauvée par un homme savant.
Armand de Mortes-Eaux la soigne.
Il la remet sur pieds.
Elle va mieux après tous les mauvais traitements subis.
Jeanne est émue par le lien avec Fortune, évoquée par la carte X du tarot.
La roue tourne.
Après la déchéance et la soumission...
Le sphinx couronné…
Le sorcier micmac subitement métamorphosé en scientiste normand...
Le signe qu'elle doit poursuivre son éducation à ses côtés.
Armand a passé deux années en Nouvelle-France après un long séjour en Nouvelle-Espagne.
Il s'intéresse aux champignons.
Fondation de ses études sur les plantes hallucinatoires...
Il collectionne également des essences végétales nouvelles.
Il compte les ramener chez son frère qui a l'ambition de créer un jardin exotique dans son château.
Jeanne devient son assistante.
Elle connaît la nature sauvage des indigènes.
Elle parle leur langue.
Auprès d'Armand, elle apprend la botanique.
Plus profondément, la science des eucaryotes...
Elle s’instruit.
Son travail consiste à organiser les spécimens.
Tout doit être noté, étiqueté et ramené en parfait état.
Armand est également alchimiste amateur.
Il cherche la pierre philosophale sans se douter que Jeanne l'a déjà trouvée.
De son côté, Jeanne approfondit les arts divinatoires en usant d'un tarot de Thèbes, complet, à vingt-sept arcanes majeures.
Ses dons, ou ses qualités à mystifier les faibles d'esprit, lui procurent un complément de revenus.
Après une année supplémentaire au Canada, le moment est venu pour Armand et Jeanne de rentrer en France.
Un véritable périple, surtout à cette époque...
Après deux mois de traversée, le port de La Rochelle est en vue.
Ensuite des voitures sont louées pour les nombreux kilomètres à travers l'ouest de la France de 1742.
Jeanne a vingt et un ans.
Elle est plus belle que jamais.
Au contact de l'indigène, elle a appris la force physique et le spirituel mystique.
Au contact d'Armand, elle découvre les sciences naturelles mais aussi le raffinement aristocratique.
Maintien, élocution et bonnes manières...
Elle passe aisément pour une jeune femme noble, bien née.
Jeanne a envie de tout savoir du monde.
De s'instruire, sans arrêt...
Lorsqu'ils s'arrêtent dans un château lors d'une étape, Armand la présente comme sa protégée.
Stoïcien de philosophie, Armand est vertueux avec elle.
Pour ses menus plaisirs, il préfère les très jeunes garçons.
Il respecte la personne de Jeanne comme une égale.
Il partage ses sentiments.
Il la laisse s’exprimer librement.
Il lui inculque les principes du ϕ.
L'importance du Memento mori...
Les formules annonciatrices de l'Amor Fati...
Le périple vers la Normandie se déroule sans trop d'aventures.
Ils arrivent au domaine familial à la tête d'une longue caravane de chariots remplis de pots et de malles.
Des spécimens horticoles...
Des trésors indigènes...
Des secrets...
La situation sur place a beaucoup évolué.
Commanditaire de l'expédition, le frère d'Armand, marquis de Mortes-Eaux, et son épouse sont morts de phtisie.
Henri, leur fils unique, a hérité de la fortune et des terres.
C'est un libertin.
En peu de temps, il a dilapidé la fortune parentale.
Il est criblé de dettes.
Il s'est fait de nombreux ennemis.
Il est à deux doigts de mettre fin à ses jours, lorsqu'il rencontre Jeanne.
Sa vie est bouleversée.
Il tombe fou amoureux de l'envoûtante jeune femme.
Jeanne use de tous ses talents pour résister à ses élans.
Elle veut se faire épouser.
Ce qu'elle accomplit, aisément.
Devenue marquise, elle décide de prendre les choses en main.
Contrôler les finances...
Organiser le domaine...
Commander les gens...
Jeanne veut apprendre l’économie.
Dominer le monde de l'argent...
De l'escompte...
Des spéculations...
Henri est volage et inconstant.
Il est aisé de le mener par le bout du nez.
Grâce à son mari, Jeanne est introduite dans la meilleure société du pays.
Elle comprend vite que le crime et le libertinage sont des moyens efficaces pour redorer leur situation.
Voler leurs relations…
Détourner des fonds publics...
Exploiter des pauvres gens...
Assassiner les ennemis dangereux...
Tous les moyens sont bons.
Fortune lui sourit.
Devenue la richissime et influente Marquise de Mortes-Eaux, Jeanne se charge également de reprendre en main la construction du grand château, projet familial, abandonné par le fils ruiné.
Elle fait venir les architectes les plus inspirés.
Les artistes les plus renommés...
Le grand château est achevé, selon ses plans secrets, en 1751.
Elle a trente ans.
Le château des Ormes Rouges est un lieu magnifique, à la gloire de son mari dont la position ne fait que s'améliorer.
Courtisan à Versailles, Henri s’approche du pouvoir.
Il procure au roi et son entourage, des filles de plus en plus jeunes.
Il savoure la vie la plus douce imaginable.
Jeanne fait tout pour lui.
Lui, ne s'occupe de rien.
Henri invite ses nobles relations, hommes et femmes, pour satisfaire leurs appétits libertins.
Jeanne s'occupe de l'intendance du petit château, transformé pour les recevoir.
Elle fournit les plaisirs.
Elle fournit les victimes.
L'homme est tellement satisfait qu'il ne se rend pas compte que Jeanne le mène par le bout de sa verge.
En parallèle, loin des débauches, Armand travaille.
Il expérimente dans le laboratoire que Jeanne a fait bâtir sur le domaine.
Jeanne se confie à lui.
Elle montre ses pouvoirs personnels, acquis grâce au sang du sorcier micmac.
Ils cherchent à comprendre ce phénomène de réanimation.
Malgré un échange de sang, Armand n’obtient pas ses capacités surnaturelles.
Le mystère les dépasse.
Ils se plongent alors dans le savoir de leur époque.
Y compris les sciences occultes...
Les sciences interdites...
Beaucoup de ces expérimentations réclament du sang humain.
Du sang de vierges...
Du sang d'avortons...
Jeanne a une idée.
Pourquoi ne pas ouvrir un lieu très discret où les jeunes filles et les femmes de la bonne société, sous couvert d'un séjour de repos en Normandie, viendraient se faire avorter dans les meilleures conditions.
Dans le milieu libertin qui fait fureur à cette époque, l'entreprise est florissante.
Jeanne n'est pas effrayée par l'infanticide.
On livre à l'hospice des Ormes Rouges des héritiers gênants.
Des enfants indésirables...
Des rejetons…
Tout de même, Jeanne a quelques scrupules à égorger les petites filles qui lui rappellent sa propre enfance, avant sa résurrection.
Sa main hésite, surtout devant les petites têtes blondes aux yeux bleus.
Alors, elle les sauve.
Caché au fin fond de son vaste domaine, elle fait construire un orphelinat dont elle seule a le secret.
Les années passent.
Jeanne, contrairement à son mari et à son oncle, ne vieillit pas.
Ils meurent tour à tour.
Henri, le premier...
Armand, longtemps après...
Jeanne est toujours aussi jeune et fraîche.
Hors de chez elle, elle se cache sous des voilettes pour dissimuler le phénomène.
Elle prétend être syphilitique.
Heureusement, sa fortune est telle qu'elle trouve facilement une solution.
Il suffit de changer de prénom.
De temps en temps, elle présente, à la société aristocratique, sa fille.
Son héritière…
Une orpheline qui lui ressemble beaucoup.
Par un jeu habile de déception, la mère prend la place de la fille.
Une mort a bien lieu.
Un enterrement...
Le corps est déposé dans le mausolée.
Jeanne peut à nouveau se montrer telle qu'elle est.
Usant d'un nouveau prénom commençant par la lettre J, elle poursuit son œuvre.
Jeanne, Julie, Judith, Juliette, Justine, Joséphine, Josiane, Joëlle, Janine… Jusqu'à Jacinthe, au moment de la rédaction de ce livre.
La grande œuvre de Jeanne est de protéger la propriété, à tout prix, malgré les hauts et les bas de l'histoire.
Traverser les époques…
La Révolution Française...
La Restauration...
L'Empire...
Chaque tragédie historique renforce son pouvoir et accroît ses revenus.
Les avortements et les infanticides sont un moyen de chantage sur les puissants.
Tout le monde gagne à garder le secret.
Les fortunes des illustres personnages de France fluctuent avec le temps.
Jeanne demeure au sommet.
L’organisation des orphelines progresse.
Filles dévouées, main-d’œuvre gracieuse du domaine, elles deviennent autant d'agents commandés.
Des femmes au service de madame…
Capables de corrompre...
De ruiner...
D'assassiner celui ou celle qui voudrait trop parler…
Mais, le but de Jeanne n'est pas de vivre dans le luxe pour l'éternité.
La quête première est la science.
Payer des savants...
Des chercheurs…
Les faire venir dans son institut...
Créer son propre centre de recherches...
Les Laboratoires Moreau sont le fruit d'un très long développement.
D'abord par la vente de potions, d'élixirs, de cures miracles et, bien plus tard, de médicaments...
L'empire de madame est établi.
Mais, elle ne comprend toujours pas le phénomène.
Pour cela, il faut attendre les années plus modernes.
La clé se trouve certainement dans la génétique.
Un gène particulier…
Cadeau de son père inconnu...
Inactif à sa naissance...
Fonctionnel après sa ressuscitation...
Lequel..?
Le génome humain est tellement complexe.
L'affirmation que les êtres vivants possèdent des gènes apparaît autour de 1910.
Jeanne débute les premières expérimentations dans ce domaine après la première guerre mondiale.
Ses recherches ne doivent jamais cesser.
Heureusement pour elle, Jeanne possède l'éternité.
Le livre de chevet de Florentine ne raconte pas la suite.
Une fois le dernier chapitre lu, il est enlevé par les duègnes.
Florentine n'a plus rien à lire.
Peu importe...
Elle continue à découvrir le présent.
Lorsqu'elle plonge dans les ténèbres, elle use de son temps pour explorer l'orphelinat.
L'animal préféré pour s’y rendre est un oiseau.
Un busard l'y mène très rapidement.
Ensuite, pour accéder à l'intérieur des bâtiments, elle préfère un petit rongeur.
Toutes sortes de bêtes circulent dans ce lieu.
Les lapins sautillent pendant les jeux.
Les petites filles adorent les caresser.
Mais aussi des furets, des belettes et même des rats...
L'orphelinat est grouillant de vie.
Les petites filles ne sont jamais effarouchées par la nature.
Canards, poules et lapins servent aussi à leur nourriture.
Ce sont elles qui doivent les tuer.
Chaque orpheline a l'opportunité d'utiliser sa lame pour trancher une tête de poulet ou l'enfoncer dans le cou d'un lapin.
Le sang chaud est récolté.
On y goûte.
On le boit.
Ensuite, elles apprennent à déplumer ou à dépiauter.
Vider les organes...
Préparer la viande...
Faire un feu pour rôtir l'animal et le servir à leurs camarades...
Elles mangent aussi du gibier que les dianes vertes leurs livrent.
Elles sont capables de vider, de dépouiller et de dépecer un cerf ou un sanglier dans une joyeuse orgie de sang.
Elles participent à toutes sortes d'excursions dans le domaine.
Les dianes noires viennent les chercher pour aller jouer à la ferme et visiter tous les lieux de production du domaine.
Rien n'est caché.
Tout est expliqué.
Elles voient leurs aînés à la tâche.
Le jour venu, elles les remplaceront.
Dans l'enclos des poulains, elles apprennent à monter à cru.
D'un escabeau, les petites filles grimpent toutes nues sur l'animal.
Si elles tombent et se blessent, cela ne fait rien.
Lorsqu'une orpheline pleure ou crie, toutes viennent à son secours.
Un nourrisson, par exemple, est tout de suite pris dans les bras.
Caressé à satiété...
Venues au secours, les petites filles massent la vulve de leurs doigts ou usent de leurs bouches.
Les pleurs du bébé cessent immédiatement.
Toute blessure, si elle n'est que superficielle, est guérie par l'amour physique qu'elles échangent entre elles.
Les blessures plus profondes sont soignées par des léchages prolongés.
Plaisirs naturels…
Plaisirs de la découverte...
Plaisirs de l'éducation...
Florentine en est convaincue.
S'il existe un paradis sur terre, il s'agit bien de cet orphelinat.
Force...
Intelligence...
Imagination…
Tout ce qu'une fille doit posséder.