Plus tard dans la nuit, Wolfgang entraîne Florentine vers la chambre à l'étage.
Il se déshabille en silence.
Il est physiquement parfait.
Le corps musclé d'un athlète...
Les manières d'un homme distingué.
Dans le grand lit, il fait l'amour à l'adolescente avec douceur.
Pas une seule déviance…
Pas de goût particulier...
Il ne cherche pas à l'humilier.
Il ne cherche pas la perversité.
Au contraire, il est très attentionné.
Il s'applique à procurer un plaisir partagé.
Couchée contre lui après l'étreinte, Florentine se demande si un jour elle sera mariée à un homme tel que lui.
Tout est possible.
Une fois majeures, les orphelines vivent en liberté.
Des jeunes femmes modernes…
Elles sortent avec leurs amies.
Elles rencontrent des hommes.
Des femmes, aussi parfaites, reçoivent forcément des propositions de mariage.
Sur le nombre, il y en a certainement plusieurs qui ont accepté.
Sa mère s’était mariée.
Un contrat signé devant un maire de petite ville de province.
Un mari pour l'éternité…
Lot de constance...
Florentine s'imagine mariée à Wolfgang.
Une maison dans une banlieue de Hambourg…
Des enfants…
Une fille et un garçon...
S'occuper du foyer...
S'occuper de leur bonne éducation...
Les protéger…
Les choyer...
Sa mère comme témoin...
Dans le miroir des dédoublements...
N'était-ce pas la réalisation de ce même destin..?
Orpheline...
Fille...
Catin...
Puis, une fois libre...
Elle s'était choisi un mari.
Elle avait eu un enfant.
Flavie...
Sept ans...
En comptant la grossesse, huit années de bonheur...
Sous un faux nom...
Hélas, elle n'avait pu se cacher plus de temps dans cette petite ville oubliée.
Madame l'avait retrouvée.
L'avait enlevée...
Sa maman...
Tuée...
Au fond du broyeur...
Florentine est parcourue de frissons.
Est-il déjà trop tard..?
Trop tard...
La fin...
Aucun homme ne veut épouser une catin.
Un destin est si vite ruinée.
La réputation est au cœur de la société civile.
Elle est marquée à jamais.
Au fer rouge...
6 - 6 - 6
Ou bien...
A-t-elle encore un moyen de s'évader..?
Le moment n'est-il pas venu de tout tenter..?
Se confier à cet homme…
Lui dire la vérité sur le haras…
Lui ouvrir les yeux...
Ils sont intimes.
Nus dans un lit…
Ils peuvent tout s'avouer.
Florentine se tourne vers l'homme.
Wolfgang dort paisiblement.
Le moment est passé.
Mais, ne pas abandonner...
Florentine est plus déterminée que jamais à s'évader.
Elle doit mieux explorer la propriété.
La solution est peut-être du côté de la clinique.
Les visiteurs…
Ne pourrait-elle pas se glisser dans un coffre de voiture..?
Comment faire pour accéder à la clinique..?
Il faudrait qu'elle ait un accident.
Durant un jeu amoureux, un homme pourrait la blesser affreusement.
Hélas, Wolfgang est trop doux.
Même s'il parle d'exterminer des peuples entiers...
Avant le lever du jour, Florentine quitte la chambre.
Elle retourne dans sa cellule sans se tracasser de son costume.
Elle garde à l'esprit son plan d'évasion.
Une blessure grave…
Se mutiler...
Ce sera très douloureux mais elle n'a pas d'autre solution.
Le deuxième souper est très différent du premier.
Les jeunes écolières juives ont été déportées.
Elles portent à présent le pyjama rayé des camps de concentration.
Églantine s'est occupée de son maquillage.
Des cernes sombres sous les yeux…
Des joues creuses...
Des dents noircies...
Pour les cheveux, car ce serait dommage de les raser juste pour une nuit, elles portent des tresses en couronnes.
Lorsqu'elles arrivent pour le souper, les hommes, déjà attablés, applaudissent en découvrant leurs habits de persécutés.
Wolfgang ne se lève pas.
Il détaille Florentine de la tête aux pieds.
L’adolescente ne sait pas vraiment s'il apprécie tout ce théâtre.
Elle a presque honte de se présenter ainsi devant lui.
Est-ce que madame va trop loin dans la provocation..?
Florentine cherche sa chaise.
Il n'y en a pas, ce soir.
Elle devra rester debout, humble, tête baissée, pendant que l'homme savoure son festin.
Le repas n'est pas particulièrement plaisant.
Florentine a froid aux pieds sur le sol dallé.
Elle ne porte pas de chaussures.
Elle fatigue à regarder l'homme manger, si précieusement.
Il est maussade.
Il ne lui adresse pas la parole.
Elle est fantôme.
Elle n'existe pas.
Florentine jette un coup d’œil discret vers les tables voisines.
Quelques messieurs sont plus inventifs.
Un officier voisin jette des bouts de nourriture vers sa jeune compagne qui doit les manger du sol sans user de ses mains.
Un autre attire l'attention de tous lorsqu'il accomplit le fantasme masculin de pisser dans la bouche de sa victime agenouillée.
L'exploit est applaudi par les confrères qui frappent de leurs poings sur les tables.
Ombeline avale ce qu'elle peut.
Son pyjama est trempé.
Florentine observe Wolfgang.
Il n'a pas réagi.
Il a à peine levé le nez.
Il serre des dents.
Il n'a pas l'air d'apprécier les goûts des autres invités.
De l’autre côté de la salle, la petite Gretchen, qui porte la même tenue que la veille, observe avec affolement le sort des filles martyrisées.
Elle ne sait pas encore qu'elle va mourir.
Juste avant le dessert, tandis que Caroline se fait cravacher pour le plaisir commun, Wolfgang se lève d'un bond.
Il jette sa serviette sur la table.
Il tire Florentine par la main.
Quelques hommes des tables voisines les regardent quitter la salle sans faire de remarque.
Wolfgang entraîne Florentine vers le Salon des Messieurs.
Arrivé devant le bar, il claque des doigts en direction de Capucine qui, vêtue dans le même esprit que Blandine la veille, expose ses seins magnifiques.
— Cognac, bitte…
— Oui, monsieur..., répond Capucine.
— Viens t'asseoir, Florentine… Viens t'asseoir à mes côtés.
Florentine grimpe sur le tabouret à sa gauche.
— Ils sont assommants, tu ne trouves pas..?
— Qui, monsieur..?
— Ces hommes… Tu ne parles pas notre langue… Si seulement tu pouvais entendre ce qu'ils disent… Ils s'y croient... C'est incroyable avec quelle facilité ils se mettent dans la peau de leurs ancêtres… Comme si toute cette mise en scène était la réalité… Comme si vous étiez des petites juives, juste bonnes pour la chambre à gaz… Ils se croient de la race des seigneurs... Quand je vois ça, je pense que mon plan n'est peut-être pas le bon… Je n'ai pas envie d'épargner tous ces gens...
Capucine dépose devant l'homme un grand verre de Cognac.
Elle laisse la bouteille à portée de main.
— Comment faire pour nous débarrasser de tous ces imbéciles..?
— Je ne sais pas, monsieur.
— Si tu pouvais tuer des hommes… Lesquels choisirais-tu..? Comment rendre l'homme meilleur..? Qu'est-ce qui ferait de nous des êtres véritablement supérieurs..?
Florentine lui sourit.
— Phi…, répond-elle, doucement. La force... L'intelligence... L'invention...
— Qu'est-ce que tu dis..?
— Ce sont les trois traits de la supériorité... Il n'est pas nécessaire de tuer les autres... Il suffit de les laisser en paix.
— Ils détruisent notre planète, Florentine... Ils sont trop nombreux… Nous allons tous suffoquer... Tous crever..!
— La nature s’en fiche... Elle a toujours une réponse... Laissons-la œuvrer…
— Comment..?
— Je ne sais pas comment... Je pense qu'il ne faut pas la diriger… Étudier, oui... Comprendre, oui… Mais, pas pour la dominer... Il suffit d'apprécier sa perfection... Elle sait ce qu'elle fait...
— Dois-je abandonner mon plan..?
— Forcément… Il est vain... Il est inutile... Il ne fonctionnera pas... Le plaisir est de regarder le spectacle... De prendre de la hauteur… Vus du ciel, nous sommes très petits... Minuscules… Nous n'en valons pas la peine... Pourquoi se tracasser de changer le monde..? Il faut se tracasser de soi-même… Se débarrasser des mauvaises idées... Les balayer…
— Comment être heureux, Florentine..?
— Il suffit d'aimer un cheval... De le regarder dans les yeux…
— Un cheval..? C'est tout..?
— Oui...
— Et qu'est-ce que je vais voir dans ses yeux..?
— La noblesse.
Capucine écoute leur conversation avec attention.
— Je ne comprends pas..., s'énerve Wolfgang. La noblesse… C’est quoi la noblesse..?
— La noblesse est perdue… Il appartient à nous de la retrouver... Qu'est-ce qui nous rend nobles..?
— Je ne sais pas.
— La force… L'intelligence… L'invention... Il ne s'agit pas de les imposer aux autres. Il s’agit de les vivre par soi-même… Ainsi, lorsqu'un être vous regardera au fond des yeux, il la verra… La noblesse...
— Qu'est-ce qu'il y voit, aujourd'hui..? Qu'est-ce que tu vois dans mes yeux, en ce moment..?
Florentine fixe les yeux gris derrière les lunettes de Wolfgang.
— L'horreur.
L'homme termine son verre d'un trait.
Il s'en verse un second tout en méditant les paroles de Florentine.
Une agitation dans le hall d'entrée attire leurs regards.
Les invités se sont regroupés.
— L'horreur..? rigole Wolfgang de toutes ses dents. Viens, je vais te la montrer…
Il abandonne son verre.
Il prend la bouteille par le goulot.
Il tire Florentine par la main.
Capucine ne bronche pas.
Elle affiche juste un léger sourire au coin de ses lèvres.
Escortés par les hécates, les officiers et les filles déportées se dirigent bruyamment vers les sous-sols.
Gretchen ne fait pas partie de la troupe.
Son bourreau l'a déjà emmené à l'étage.
Florentine suit le mouvement.
Elle se demande où ils vont tous comme ça.
Au premier sous-sol, Blandine et quatre de ses consœurs allument des torches.
Un passage est ouvert.
La troupe emprunte un tunnel souterrain.
Le chemin n'est pas trop long.
Ils débouchent dans une vaste cave voûtée aménagée pour l'occasion.
Le niveau de luminosité est très bas.
Les torches sont fixées dans les quatre coins.
Des divans et des fauteuils sont arrangés au centre.
Des statues d'aigles sur des demi-colonnes décorent les parois.
Drapant les murs, des drapeaux nazis...
L'attraction principale émane d'un projecteur de cinéma qui cliquette bruyamment.
Sur un grand drap tendu, des images authentiques de camps de concentration…
Wolfgang boit au goulot de sa bouteille.
Il défait le bouton de son col.
Il ouvre sa veste.
Il s'installe sur un fauteuil avec Florentine sur ses genoux.
Tous sont fascinés par les images projetées.
Ce ne sont pas des séquences d'actualité, filmées par les alliés à la fin de la guerre.
Ce sont les archives secrètes, filmées par les tortionnaires eux-mêmes.
Des images extrêmement rares...
Florentine se demande comment madame a pu se les procurer.
Elle aussi regarde avec fascination la cruauté humaine.
Des enfants en larmes, poussés de force dans des chambres crématoires…
Des exécutions sommaires de femmes âgées...
D’adolescents…
Un bébé arraché des bras de sa mère, jeté à terre, le crâne écrasé par la botte d'un soldat…
Un chapelet de scènes muettes plus abominables les unes que les autres...
Ces images d'une rare violence excitent les invités.
Les verges bandent.
Les filles doivent s'en occuper.
Les pantalons sont baissés.
Les bouches sont grandes ouvertes.
Les cons sont pénétrés.
Wolfgang murmure à l'oreille de Florentine.
— La voilà notre noblesse, ma chérie… Tu comprends… Nous nous sommes trop éloignés de la nature... Nos idées… Nos mythes... Nos fausses croyances ont fait de nous des monstres universels... Nous ne pouvons plus être sauvés... Nous devons tous périr… Maintenant, plus que jamais..! Ces images te le prouvent... Nous devons nous dévorer entre nous jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un seul de nous vivant…
Fasciné par les images, Wolfgang ouvre le haut du pyjama à matricule de Florentine.
Il caresse ses seins nus.
Elle peine à regarder ces séquences de torture et de mort.
Elle pense à la torture de la petite Constance.
Elle pense au client mort dans son lit.
Au gitan qui lui demande pitié.
Ne peut-on sauver qu'en tuant..?
Ne peut-on se sauver qu'en mourant..?
Avancer au milieu de l'horreur...
Comme un équilibriste qui progresse très lentement, les pieds nus, sur le fil d'une lame de rasoir infinie.
Tuer ou mourir, le résultat est le même.
L'un trouve la paix.
L'autre, le tourment...
Qui sont les véritables victimes à l'écran..?
Ceux qui partent ou ceux qui restent..?
Wolfgang positionne Florentine comme il l’entend.
Elle a le réflexe de sortir un préservatif de sa poche.
La verge de l'homme bande furieusement.
Elle habille son sexe avant de lui offrir son cul, à genoux sur le fauteuil.
Un retournement...
L'homme de ses rêves souhaite l'enculer pendant qu'il regarde les images d'horreur.
La douceur qu'il lui témoignait la veille est annihilée.
L'homme la sodomise sans retenue.
Florentine laisse échapper un râle de douleur.
Elle se redresse.
Elle voit à l'écran une jeune fille de son âge.
En pleurs, l'adolescente est terrifiée.
Elle porte des habits démodés.
Un fichu sur la tête...
De gros souliers…
Des soldats lui arrachent sa petite valise.
Ils déchirent ses vêtements.
Elle cherche à dissimuler sa nudité.
Ses seins lourds…
Sa toison épaisse...
Les soldats la palpent.
Ils la pincent.
Ils lui assènent des claques sur les fesses.
Sur la poitrine...
Le visage...
Partout...
Elle se retrouve à terre.
Les hommes ont une corde.
Ils la suspendent par un seul pied.
Elle est pendue à l’envers.
Une jambe ballante...
Un officier nazi entre en scène.
Il pourrait être le frère jumeau de Wolfgang.
Il tient une dague dans sa main gantée.
Les soldats élèvent la victime un peu plus.
L'homme agrippe les cheveux de la fille.
Il les coupe à la limite de la scalper.
Il pince violemment un sein.
Il le tranche.
Le sang noir gicle de l'image aux tons sépia.
Il n'y a pas de bande sonore mais on perçoit les cris horrifiés de l'adolescente.
Le visage contorsionné par la douleur...
La jeune fille hurle à mort.
L'officier vêtu de noir passe au second sein.
Il le tranche plus doucement, savourant sa torture tout en souriant à la caméra.
L'officier fait signe aux soldats d’abaisser un peu la victime, ce qu’ils font immédiatement.
Il se place derrière la jeune fille avec sa jambe écartée qui pendouille grossièrement.
Il plante doucement sa dague dans son con.
Il avance centimètre par centimètre pendant que la victime se débat longtemps.
Le sang coule le long de son corps.
De ses seins…
De sa tête…
Une mort lente, non censurée…
Archivée sur pellicule pour l’éternité...
La victime cesse enfin de s'agiter.
L'homme se positionne crânement devant sa proie.
Il croise les bras avec fierté.
Il sourit à la postérité.
Au même instant, Wolfgang éjacule de plaisir dans le cul de Florentine.