Florentine s'éveille toujours au sommet du mausolée.
Une sensation immatérielle…
Un œil flottant au-dessus de la pyramide dorée...
Elle voit loin.
Elle voit dans toutes les directions simultanément.
Le premier mâle dans sa périphérie est le premier animal dans lequel elle s'introduit.
Le phénomène a sa propre logique.
Pas d'insectes, de reptiles et de batraciens...
L'animal doit avoir du sang chaud.
Plus l'animal est de taille, plus l'instinct est fort et plus il est difficile de le contenir.
Une fois que le mâle est sous son contrôle, elle peut le diriger.
Si, en chemin, elle croise un autre mâle capable de la recevoir, elle peut s'y introduire par la pensée.
Ainsi, par projections d'une bête à l'autre, Florentine est parvenue à s'introduite dans Hydrogène.
Il est toujours dans le box XXI.
Delphine, sa remplaçante, s'en occupe très correctement.
Il est vivant.
Elle est rassurée.
Revoir l'écurie l'insuffle d'un sentiment de mélancolie.
Elle aimerait s'y promener librement.
Elle aimerait monter à cheval comme avant.
Tout ce qu'elle peut faire c'est observer le travail de Delphine sans jamais savoir quand elle mènera son amant pour un tour de piste de galop.
De plus, un cheval a tendance à s'endormir à longueur de journée.
Dès que le sommeil le prend, même pour un instant, Florentine ne peut plus demeurer dans son esprit.
Elle est de retour au sommet du mausolée.
Avec le temps, Florentine a essayé toutes sortes d'animaux.
Son préféré est le renard qui lui rappelle Pauline.
Elle aime surtout la chasse avec lui.
Le jeu de piste...
Le piège...
Le sang frais...
Une fois, elle s'est glissée dans le corps d'un sanglier particulièrement libertin.
Elle a expérimenté le plaisir de la bête qui éjaculait dans sa compagne.
Un plaisir tellement différent...
Florentine est arrivée à la conclusion que tous les mâles sont plus ou moins pareils.
Ils ne pensent qu'à ça.
Leur programme mental se limite à boire, manger et forniquer.
Si elle laisse l'animal faire, elle ne va jamais très loin tant la recherche d'une femelle l'occupe à temps complet.
Il en est de même du mâle humain.
Inspirés par le théisme, les peintres s'acharnent à représenter des scènes religieuses édifiantes où les femmes sont nues.
Les écrivains rédigent des romans moralisateurs où les personnages féminins, émotifs et lascifs, terminent dans un lit.
La femelle occupe, en permanence, les pensées du mâle obsédé.
Pas étonnant alors qu'elle subisse tant de contraintes.
En imaginant le pire pour leur vertu, les hommes fabriquent, au nom de leur protection, les chaînes de leurs servitudes.
Cela ne s'arrête jamais.
Le programme de supervision masculine est implacable.
De l'adolescence jusqu’au jour de leur mort, le quotidien féminin doit être encadré.
Réglé...
Légiféré...
Parce que la nature est fondée sur le chaos, les hommes doivent polluer des femmes de leur sperme.
S'ils ne le font pas régulièrement, avec des partenaires variées, ils en deviennent pervers.
Ils cherchent les images de leurs humiliations.
Ils les rendent responsables de toutes leurs mauvaises pensées.
Leurs âmes tourmentées s'excitent grâce à une pornographie mentale toujours renouvelée.
Cette addiction à l'imagerie sexuelle ouvre leurs esprits aux fantasmes débridés où ils mettent en scène toutes celles qu'ils peuvent croiser.
Mère…
Fille…
Amie…
Inconnue croisée dans la rue…
Peu importe...
Elles y passent toutes, en esprit.
La seule défense est peut-être l'âge.
La laideur...
L'handicap...
Et encore...
Pour peu qu'ils devinent un signe d'encouragement de la femelle rencontrée, ils passent à l'acte.
Violer leur propre fille devient une pratique moralement justifiée.
C’est la petite qui le voulait.
L'amour m'y a poussé.
À s'introduire dans la tête des mâles du domaine, Florentine confirme le point essentiel de la nature.
La femelle est importante.
Le mâle est trivial.
Afin de se distraire d'une sexualité qui les rend fou, les hommes ne sont véritablement heureux qu'à la chasse et à la guerre.
Les mâles n'arrêtent pas de se battre entre eux.
Territoire...
Rivalité...
Domination…
Tout est dans l'instinct.
Quand foutre ne les occupe pas, les hommes se font la guerre.
Ils aiment ça.
Florentine se demande alors si le monde moderne n’a pas volé à l’homme sa mission primaire.
La civilisation pense évoluer vers un monde d'hommes savants.
Des hommes civilisés…
Elle ne crée qu'un monde de frustrés et d'obsédés.
La société idéale est, naturellement, organisée par les femmes.
Les hommes ne sont conservés que pour la procréation et pour le spectacle.
En effet, si les femmes règnent sur l'humanité, alors seul un petit groupe de jeunes hommes est suffisant.
Les laisser vivre jusqu'à l'âge de vingt-trois ans…
Ensuite, il suffit de les euthanasier ou de les regarder mourir dans des arènes de sang.
Des gladiateurs, pour divertir la caste des femmes dominantes…
Florentine imagine les jeux du cirque du prochain millénaire.
Un groupe d’une vingtaine de jeunes mâles esclaves entrent dans une arène.
Ils sont nus.
Chacun reçoit une dague à double tranchant.
Un combat à mort…
Un seul vainqueur...
Le plus vaillant aura le droit au prix de la victoire.
Une jeune vierge de quinze ans...
Pour ce genre de récompense, les mâles sont prêts à tout sacrifier, surtout si la copulation leur a été interdite un long moment.
En bêtes affamées de sexe, ils se battent dans l'arène plus assoiffés de sang que jamais.
Les spectatrices applaudissent de voir tout ce sang.
Après le massacre, le vainqueur est mené au Temple de Lilith.
Sous la surveillance de matrones, le jeune champion vide sa semence dans la pucelle.
Il a le droit au vin.
À un buffet somptueux...
Au repos du guerrier...
L'union dure jusqu'à ce que la jeune femme tombe enceinte.
Ensuite, elle a le droit de tuer son premier amant, après un ultime acte de fornication.
Elle a le droit de boire son sang.
Florentine est très excitée par sa vision futuriste.
Si seulement tout cela pouvait exister.
Une planète de femmes…
Une planète de beauté, nullement dénuée d'excitation et de volupté...
Des couples de femmes libres, audacieuses et aimantes...
Travailleuses et entreprenantes...
Motivées par l'harmonie et non par le profit...
Florentine partage pleinement la vision de madame.
Elle est contente de savoir que Jeanne y travaille depuis presque trois cent ans.
Cette femme est justice, armée à la fois pour se défendre et pour passer à l'offensive.
Un bouclier et une épée…
ϕ
Les hommes, vulgaires fornicateurs, ne réalisent pas combien leur sperme a si peu de valeur.
Chaque jour, il est produit et gaspillé en quantité phénoménale.
Les hommes ne valent pas mieux que la pollution qu'ils abandonnent dans une cuvette de WC.
L'unique valeur naturelle vient de la femme fertile.
Les ovocytes sont autant de pépites d'or.
Ce sont les femmes qui donnent la vie et non l'inverse.
La semence de l'homme n'est qu'un code.
Un logiciel simplet, basé sur la chance, qui, sans matrice, n'est d'aucune utilité.
La machine à créer, c’est la femme féconde.
Dans le domaine de Jacqueline, le lieu qui intrigue Florentine le plus est la clinique.
Le centre de recherche des Laboratoires Moreau est beaucoup trop éloigné.
Elle n'arrive jamais à l'atteindre.
L'expérience de transmutation animale est liée au mausolée.
Si elle s'éloigne trop loin du point d'origine, l'effet cesse.
Tout le chemin est à refaire.
Elle ne peut donc jamais quitter le Haras des Ormes Rouges.
Mais, dans ce rayon d'environ trois kilomètres, la clinique est accessible.
À vol d'oiseau, Florentine y est en quelques minutes.
Le lieu est mystérieux et impossible d'accès.
Les fenêtres sont systématiquement fermées.
Elles sont recouvertes d'un filtre teinté qui, de l'extérieur, produit un effet de miroir.
Pas moyen d'espionner par une fenêtre pour voir ce qui s'y passe.
Par le toit, les accès sont limités.
Les climatiseurs sont grillagés.
Idem pour les bouches d'aération...
Les petits mammifères font à peine mieux que les oiseaux.
En mulot, Florentine a fait le tour du bâtiment sans trouver la moindre ouverture.
Les sorties de secours, situées à chaque extrémité du bâtiment, restent fermées.
Il n'y a jamais une employée qui sort pour prendre l'air ou pour fumer une cigarette.
L'entrée principale est située du côté du parking.
Trois marches pour accéder à une série de portes vitrées...
Les passages sont fréquents.
Quelques hommes, mais surtout des femmes, entrent et sortent régulièrement.
L'escalier, avec ses marches ajournées, est trop élevé pour un petit rongeur.
Un chat serait idéal pour se faufiler mais il n'y en a pas sur le domaine.
Un oiseau ne pourrait pas entrer sans immédiatement se faire remarquer.
Dans le corps d'un mâle pie, parce que ce sont des volatiles avec une vision performante, Florentine se pose sur une branche pour observer l'entrée de la clinique.
Le corvidé n'arrête pas d'envoyer un signal mental de faim.
L'envie pressante de s'envoler pour chercher de la nourriture...
Florentine reste concentrée.
Elle le contrôle.
Il ne peut pas bouger.
Les pies sont des oiseaux bruyants.
En contrepartie, elle le laisse exprimer sa colère d'être immobilisé.
Il chante sa fureur.
Florentine n'est pas à la clinique par hasard.
Lors du dernier souper, tandis qu'elle léchait les testicules de son client, une idée folle lui est venue à l'esprit.
Elle est déterminée à l'essayer.
Elle fixe l'entrée de la clinique sans bouger.
Après un temps qui lui semble infiniment long, elle est récompensée.
Une belle voiture noire vient se garer sur le parking des visiteurs.
Un chauffeur ouvre les portières arrières.
Un homme sort le premier.
Il est habillé d'un costume sombre.
Chemise blanche...
Pas de cravate…
Il a des cheveux noirs et une barbe bien taillée.
Il fait le tour du véhicule.
Il vient ouvrir la portière opposée.
Une femme, habillée d'un costume oriental coloré, descend à son tour.
Florentine est euphorique.
La femme porte dans ses bras un bébé.
Il est enveloppé d'un simple linge blanc.
Le moment rêvé...
Florentine applique la technique de déplacement mental.
Elle fixe le sujet ciblé et relâche l'emprise sur l'hôte du moment.
Un peu comme sauter au-dessus du vide entre deux murets…
Si elle tombe, rien de grave.
C'est retour à la case départ du mausolée.
Florentine ne sait pas si cela va fonctionner.
Après tout, il s'agit d'un être humain.
Elle a déjà essayé avec des filles.
Elle voulait vivre dans la tête d'Angeline.
Pas moyen…
La règle ésotérique est stricte.
L'animal visité doit être masculin.
S'il y a bien des invités mâles présents au château, alors c'est impossible puisqu'elle est comédienne de théâtre libertin.
Elle dort dans son tombeau.
Aujourd'hui, c'est différent.
Une chance sur deux...
Quelle est la part d'esprit d'un nouveau-né..?
Sa conscience est-elle formée..?
N'ayant rien à perdre, Florentine se lance dans la fraction de temps qui lui est donnée.
La sensation est étrange.
L'arrivée dans ce corps nouveau s'effectue mollement comme si elle avait sauté sur un matelas rempli d'eau.
Un effet de vagues…
De chavirement...
Une difficulté à trouver son équilibre...
Pourtant, elle voit.
Elle entend.
Elle ressent physiquement ce que ce petit être éprouve.
La pression de la mère sur son corps...
La chaleur de la couverture de laine...
Elle entend les voix basses d'une langue qu'elle ne comprend pas.
L'homme parle doucement.
La femme sanglote.
Florentine discerne ses tremblements.
Sous cet angle de vision, elle découvre le visage attristé de la mère.
Le dessous de son menton...
Le bord de sa joue…
La femme utilise un parfum exotique très capiteux.
D'instinct, Florentine est pleine d'amour pour elle.
Le couple arrive à une première porte de verre.
Le son d'une ouverture électrique qui libère la serrure.
Ils entrent dans le sas.
La seconde porte de verre s'ouvre peu après.
Ils sont dans la clinique.
Florentine a les yeux grands ouverts.
Elle ne peut tourner le visage que d'un centimètre.
Elle doit aussi gérer les lancements électriques du cerveau où elle habite.
Le nourrisson n'a pas d'instinct animal.
Son cerveau en formation n'est pas capable de l'expulser.
Elle s’y accroche mentalement mais laisse le corps s'agiter.
Bouger les bras…
Serrer les mains ou tendre les jambes...
L'expérience est complètement différente de tout ce qu'elle a pu expérimenter depuis qu’elle a ce pouvoir.
Le couple parle longuement à une femme qui répond dans leur dialecte.
Un nouveau mouvement…
Subitement, la mère la porte un peu plus haut.
Elle serre son bébé contre son sein.
Elle suit son conjoint vers une salle.
Ils passent la porte.
Un mouvement rapide vers le bas…
Florentine devine qu'ils sont assis à attendre.
La mère penche le nez vers elle.
Elle la regarde.
Son visage entier apparaît.
Un visage de femme défaite…
Elle ne porte pas de maquillage.
Ses larmes sont constantes.
Des longues coulées qui ne semblent pas se tarir.
Elle renifle à répétition.
Elle se frotte la joue pour les sécher.
Florentine ressent un doigt qui lui caresse tendrement la joue et la bouche.
Le bébé ne répond qu'en déclenchant une série de spasmes qui le font s'agiter.
Florentine essaie de parler.
Rien à faire…
Ce bébé mâle a si peu de capacités que, par comparaison, une pie fait preuve de génie.
De l'agitation dans la pièce…
La femme se lève brutalement.
La vision change subitement.
Des paroles…
Cette fois-ci, c'est l'homme qui s'approche.
Il s'empare du bébé en usant de ses mains puissantes.
La femme résiste à peine.
Elle laisse échapper un cri déchirant.
Ses sanglots redoublent.
Florentine est touchée par la scène de séparation.
Elle aussi a envie de pleurer.
Le bébé est arraché à sa mère.
L'homme fait deux pas en avant.
Il le dépose dans un petit lit en plastique transparent.
Le linge blanc est enlevé.
Le bébé se retrouve nu, sur le dos.
Le changement de température provoque une réaction.
D'instinct, il se met à pleurer.
C’est assourdissant.
Florentine entend en superposition les cris distants de la mère qui hurle son chagrin.
Florentine use de son esprit pour calmer le petit corps.
Elle pense à un sein maternel gorgé de lait.
Les cris de l'enfant se calment un peu.
Un mouvement sec…
Monté sur roulettes, le petit lit est en déplacement le long d'un couloir.
Florentine voit les lumières du plafonnier qui défilent.
Le lieu est clair et stérile.
Libre de ses mouvements, elle en profite pour essayer de contrôler le corps.
Lever un bras…
Bouger une jambe...
Elle n'y parvient pas.
Elle ne reçoit que l'information des sens.
Le bébé a faim et soif.
Par un effet incontrôlé, il se tord vers l'avant.
Il n'a pas la force de soulever sa propre tête mais le petit bassin est flexible.
En un éclair, Florentine voit le petit bout de son sexe.
Elle se doutait bien qu'elle était garçon.
Elle en a la confirmation.
L'idée l'amuse.
La question que se posent toutes les filles de la terre.
Être garçon, c'est comment..?
Un être qui grandira.
Pour devenir quoi..?
Un tyran..?
L'intérieur d’un ascenseur…
Un immense visage se penche au-dessus de Florentine.
Il est si proche qu'il lui fait presque peur.
— Il est mignon… Il vient d'où..? demande la voix féminine.
— Du Golfe Persique, je crois…
Florentine ne distingue pas le visage de la seconde femme.
— Ils veulent le voir, après..?
— Non, ils sont déjà repartis… Rien de nouveau… Un test de paternité a suffit... Depuis que le labo a lancé la campagne de publicité pour les kits à la maison, ça n'arrête pas de défiler…
— T'as plus d'infos sur les parents..?
— Le mari est l'héritier d'une chaîne d'hôtels... L'honneur… Toujours l'honneur... Ce genre d'homme n'apprendra jamais...
— T'es bien certaine qu'ils ne veulent pas le voir, après..?
— Je vois où tu veux en venir, ma chérie…
— C'est normal, non..?
La porte de l'ascenseur s'ouvre de nouveau.
Un mouvement plus doux…
Florentine voit un nouveau plafond défiler.
Une nouvelle salle…
Une sonorité différente...
La femme se penche en avant.
Elle soulève le bébé.
Le mouvement est trop rapide pour que Florentine découvre quoi que ce soit.
Elle se retrouve couchée sur une surface très froide.
Le changement de température déclenche une tempête électrique dans le cerveau enfantin.
Il se met à hurler de nouveau.
Le son puissant vrille ses oreilles.
Le bébé s'agite dans tous les sens.
Les femmes parlent entre elles mais les cris du nourrisson couvrent leur conversation.
Florentine pense de nouveau à un sein maternel.
Rien à faire…
Florentine n'arrive pas à le calmer mentalement.
L'agitation bruyante se poursuit.
Des mains la soulèvent.
La sensation sur sa peau lui indique que les gants sont en latex.
Les cris du bébé sont à leur maximum.
Par contre, Florentine voit mieux ce qui se passe.
Une femme la tient sous les bras, au-dessus de la table en inox.
La seconde femme entre, cette fois, dans son champ de vision.
Une femme d'une quarantaine d'années...
Habillée d'une blouse blanche...
Bien coiffée…
Légèrement maquillée...
Un beau visage...
Elle parle à sa collègue.
Elle décroche le poste téléphonique fixé au mur.
Elle échange quelques paroles avec son correspondant.
Florentine grogne intérieurement.
Ce satané bébé qui ne cesse pas de crier.
Elle ne peut rien apprendre dans ces conditions.
La femme revient.
Elle aussi enfile une paire de gants en latex.
Elle se penche un peu.
Elle se redresse en tenant un scalpel.
Florentine angoisse instinctivement.
Elle sait pourtant qu'elle n'a rien à craindre.
Elle n'est qu'un esprit passager.
Ce n'est pas sa vie.
La lame du scalpel avance rapidement.
Florentine ressent la coupe profonde juste au-dessus du pénis du bébé.
La douleur dans le petit corps est violente.
Le mouvement simultané est troublant.
Le nouveau-né s'élève.
La femme vient coller son visage contre le petit sexe qu'elle engorge.
Les cris explosent.
La douleur est insoutenable.
L'expérience pour Florentine est un tourbillon de sentiments.
Elle sait que la femme boit le sang du bébé qui coule à flots de l'incision.
Florentine a très faim, elle aussi.
Encore un mouvement…
Les femmes bougent.
Elles s'échangent le nourrisson.
Les cris et les douleurs s'amplifient.
La vision de Florentine se trouble derrière les larmes abondantes.
Le corps se rebelle sauvagement devant une mort imminente.
Le bébé est violemment couché sur la table.
L'aorte est tranchée.
Il suffit d'aspirer pour se régaler à deux.
Florentine se moque des douleurs irréelles du nourrisson.
Elle a tellement faim qu'elle en est presque jalouse.
Elle aussi a envie de tuer des bébés pour se nourrir.
Du sang, par pitié…
Du sang..!
Une lourdeur se fait sentir.
Les pulsions électriques cessent petit à petit.
Un calme revient.
Une grande lassitude...
Le bébé se tait.
Un silence presque parfait.
Florentine n'entend plus que les longs bruits de succion des deux femmes.
Le noir l’enveloppe.
La petite vie est prête à céder.
Une des femmes déclare entre deux gorgées...
— On se fait un tennis, après le boulot..?
Florentine meurt.
Elle ne se réveille pas au mausolée.