Assise sagement sur sa chaise de la salle commune, Florentine attend le service de l'après-midi.
Pas d'Hydrogène…
Pas d'amant…
Comment vivre sans son étalon..?
Son amoureux...
Sa raison d'exister...
Florentine est désespérée.
Elle a envie de s'enfuir.
Est-ce possible avec cette surveillance exacerbée..?
Les dianes, à l'extérieur, qui épient le moindre déplacement autour des bâtiments.
Les hécates, à l'intérieur, qui circulent sans arrêt autour des accès.
À la moindre tentative, elle serait châtiée sans pitié.
Une tristesse profonde s'empare de Florentine.
Elle réalise la chance qu'elle avait avec Pauline.
Les chevauchées au galop à travers le domaine...
Le sentiment de liberté inégalé...
Tout est perdu…
Pauline...
Cheval...
Renard...
Elle a le sentiment d'avoir diminué de taille.
De chat perché, elle est devenue petite souris, comme ces filles de chambre toutes menues.
Des petites mains entraînées à ramasser les miettes...
Le premier après-midi, Florentine suit Benoîte comme son ombre.
Elle lui montre l'organisation des balais et des torchons.
Les placards...
Les meubles...
Les vernis...
Les encaustiques...
— Tout est naturel..., lui assure Benoîte. Pas de chimie dans la maison…
Le château possède des points d'eau qu'elles appellent des fontaines.
Benoîte lui en montre un.
Un placard carrelé avec une pompe à bras.
Des seaux et des brosses...
— Il n'y a pas de chiottes pour les invités..?
— Que veux-tu dire..? interroge Benoîte.
— Des lieux d'aisance…
— Non… Pour pisser et chier, il n'y a que les chaises ou les pots… Dans les chambres des dames, on les appelle des bourdalous... Ils sont très précieux, tu sais… En porcelaine décorée... Surtout ne pas les casser..!
— Pour les invités, aussi..?
— Cela fait partie du jeu… Mais, je pense que pour ces messieurs, ils ont des installations plus modernes du côté du club sportif... Je ne sais pas qui fait le ménage, là-bas...
Florentine apprend que chaque pièce du château possède un placard dissimulé.
À l'intérieur, des petites pelles et des brosses...
Des chiffons…
Des produits pour détacher...
Lorsqu'elles croisent une jeune femme en livrée, elles se redressent.
Elles baissent le nez en saluant d'un...
— Bonjour, mademoiselle...
Les hécates se comportent comme les dianes.
Elles sont hautaines.
Elles commandent.
Elles claquent des doigts.
— Au moins, elles n'ont pas de cravaches..., commente Florentine.
— Elles te tirent par les cheveux ou elles te tordent le bras..., corrige Benoîte. Crois moi, ça ne fait pas du bien...
La première journée de travail se termine dans un tourbillon d'informations.
Florentine ne se souvient de rien.
Elle ne sait même plus comment elles ont fait pour revenir sur leurs pas.
Toujours abattue par sa situation, elle boit un peu d'eau avec Benoîte, à la grande table de la salle commune.
— Tu verras, tu vas t'habituer vite… Ce n'est pas si difficile...
Benoîte est gentille avec Florentine.
Elle pose une main réconfortante sur la sienne.
Ses doigts sont droits, longs et minces.
Elle est si délicate.
Elle lui fait penser à une porcelaine fine.
Ces petites statuettes romantiques qui ornent les cheminées du château.
Colette fait tinter sa clochette.
Les filles se regroupent.
— Bien, mesdemoiselles… Avant d'aller faire votre toilette et d'aller vous reposer, je vous rappelle que demain, nous attaquons l'argenterie. Nous travaillerons au sous-sol... Alors maintenant, pour ne pas manquer à la tradition, nous devons accueillir Florentine comme il se doit... J'espère que vous y avez pensé…
Florentine s'inquiète d'une tradition qu'elle ignore.
Elle voit une tapette à tapis en rotin, accrochée à un clou dans un coin.
— Florentine, tiens-toi debout… Bien droite, en bout de table..., ordonne Colette.
La jeune fille obéit.
Toutes la regardent.
— Chantons, mesdemoiselles...
Les filles se lèvent pour interpréter la chanson.
Tant que je verrons ce pot...
Composée naguère par Élisabeth Jacquet de la Guerre...
Une chanson à boire de l'ancien régime...
Les filles de chambre l'interprètent avec une harmonie et un timbre de voix particulièrement harmonieux.
Florentine est enchantée.
— Bravo… Merci, mesdemoiselles... C'était magnifique..., s'enthousiasme Florentine.
Elle se penche en avant pour les saluer.
— Et maintenant le pot..., déclare Colette, en présentant un pot de chambre, à bout de bras.
Un nouvel enthousiasme traverse la salle.
Colette pose un pied sur sa chaise.
Elle écarte sa robe.
Elle expose sa vulve.
Quelqu'une a taillé les poils de son pubis en pique de carte à jouer.
Elle pisse un filet d'urine.
Elle passe le pot de chambre à la suivante.
Stupéfaite par le rituel, Florentine les regarde faire, une après l'autre.
Parfois, le jet est dru.
Parfois, ce ne sont que quelques gouttes ou bien la fille de chambre fait semblant.
Le pot se remplit, tout de même.
C'est Benoîte, la dernière en lice, qui le lui porte.
Florentine s'en empare à deux mains.
Les bords sont un peu chauds.
— À ta santé, Florentine..., se réjouit Colette. Bienvenue chez les filles du pot et du balai... Les filles de la pisse et de la merde... Bois, maintenant…
Les filles se mettent à battre dans leurs mains en répétant, en chœur...
— Bois..! Bois..! Bois..!
Florentine regarde au fond du pot de chambre toute l'urine qu'elle doit ingurgiter.
Sont-elles sérieuses..?
Doit-elle vraiment tout avaler..?
Ou juste faire semblant..?
L'odeur de la pisse bien jaune lui monte au nez.
D'un regard appuyé, Benoîte l'encourage à le faire.
Florentine y trempe les lèvres.
Elle ferme les yeux.
Elle pense à tout ce qu'elle a déjà fait au Haras des Ormes Rouges.
Branler un cheval pour avaler son sperme…
Sucer la verge d'un renard...
Bouffer le cul de Pauline…
Lécher son sang...
Florentine boit l'urine.
Elle avale d'un trait sans penser à l'origine du contenu.
En le faisant, elle a le souvenir d'une bouteille jaune, un jour d'été.
Lors d'un pique-nique, sa mère, souriante, lui tend une bouteille arrondie de boisson gazeuse.
Elle est alors toute petite.
Elle la soulève à deux mains.
Une bouche assoiffée qui s'approche de son petit con.
Florentine lève la tête.
Les filles se sont arrêtées de frapper dans leurs mains.
Florentine a tout avalé.
Elle sourit.
Elle montre fièrement le pot vide à l'assemblée.
— Bravo Florentine..., s'enthousiasme Colette, impressionnée. Tu es bien des nôtres, à présent...
Tour à tour, les filles approchent pour venir l'embrasser.
Pour la toucher…
Pour la serrer dans leurs bras...
Un moment sincère d'affection et de solidarité...
Dernière en lice, Benoîte embrasse ses lèvres.
Florentine la serre contre elle à l'étouffer.
— Cela suffit, mesdemoiselles..., déclare Colette, en faisant tinter sa clochette. Allez vous préparer pour la soirée... Benoîte, occupe-toi de coiffer Florentine un peu mieux... Les tresses, c'est pour les écuries… Nous n'en voulons pas ici...
Toutes s'éloignent par petits groupes.
Elles se dirigent, main dans la main, vers le dortoir.
Florentine réalise que les filles de chambre sont plus unies que les filles d'écuries.
Elles s'activent volontiers en groupe comme si elles ne faisaient qu'un.
Bien avant le coucher du soleil, le moment est arrivé de se déshabiller.
Florentine est contente d'ôter le corps baleiné qui lui serre la taille depuis le matin.
En chemise, Benoîte revient vers elle pour lui montrer comment organiser ses habits pour le lendemain.
Les filles de chambre changent de chemise une fois par semaine.
Les gants blancs sont changés quotidiennement.
Un grand panier en bout de dortoir reçoit les habits sales.
Colette, qui surveille les préparatifs du soir à la manière d'une maîtresse d'école, dépose une paire de gants propres sur chaque pile de vêtements bien ordonnés.
Benoîte coiffe ensuite Florentine qui s'est mise à genoux sur le lit.
Elle défait ses tresses.
Elle brosse doucement, en chantant à la claire fontaine.
Elle brosse délicatement.
Rien à voir avec l'énergie de Pauline...
Benoîte prend son temps.
— Tu sais que tu sens encore le cheval…
— Ça me manque beaucoup de ne pas monter.
— Je n'aimais pas trop les poulains, à l'orphelinat… J'avais un rat...
— Un rat..?
— Il était très intelligent... Je lui apprenais des tours... Il s'appelait Balthazar... Il est mort, depuis… Ici, on voit surtout des souris...
— Il faudrait un chat.
— Non, surtout pas..! Il les tuerait… Ici, on n'aime pas les chats... On n'aime que les minous…
Benoîte ouvre le tiroir de la table de chevet.
Elle tend le petit miroir à main à Florentine.
Elle trouve quelques épingles à cheveux dans le fond.
— Les épingles, tu les gardes précieusement si tu en trouves dans le château... Les filles de joie aiment bien nous en laisser... Aussi des rubans, parfois…
— Qu'est-ce qu'elles font exactement ces filles de joie..?
— Tu le sais bien… Elles font plaisir aux hommes... Tu verras… J'espère que…
— Tu espères, quoi..?
— Un jour, être l'une d'elles… Si madame le veut, bien entendu… Tu vas voir comme elles sont belles quand elles sont fardées et portent leurs grandes perruques... Je crains, hélas, de ne pas avoir assez de beauté… Je pense qu'après mon temps au château, je serai lavandière ou fille de ferme... Ce qui serait bien, aussi…
Florentine regarde son nouveau visage.
Avec les cheveux relevés et coiffés, elle est plus féminine.
Après des mois habillée en garçon, la voici plus fille que jamais.
— N'oubliez-pas votre toilette, mesdemoiselles..., informe Colette, en passant entre les lits. Je reviens, après la mienne… Pas de chahut...
Benoîte range le miroir et la brosse à cheveux dans le tiroir.
Elle retire sa chemise.
Elle est nue.
— Tu commences par moi..? demande-t-elle, de sa voix mélodieuse.
Le corps de Benoîte est extrêmement fin.
Florentine est séduite par sa délicatesse.
Elle l'amène à s'allonger sur son lit.
Sans hésiter, elle la lèche partout.
L'instinct sauvage, qui semble l'habiter, lui donne une envie subite de mordre sa petite amie.
Elle a un désir irrésistible de voir Benoîte saigner.
Elle se contrôle pourtant.
Elle partage son expertise, en usant d'une langue ferme.
Les plis…
Les creux...
Les vallons...
Benoîte n'a pas de poils sur le pubis.
Elle est glabre comme une enfant.
— Tu n'as pas de poils..., commente Florentine.
— À la clinique, elles m'ont dit que je n'en aurai jamais...
— Tu es si douce… J'adore ton petit con...
Florentine se surprend dans son élan.
La douceur enfantine de Benoîte est séduisante.
Lorsqu'elle gamahuche son con, la jeune fille pousse des petits cris de plaisir.
Son foutre est sucré.
Le plaisir de Benoîte est ponctué d'un râle à peine audible.
Puis, les rôles sont inversés.
Avec Benoîte sur elle, Florentine réalise combien elle a grandi depuis son arrivée.
Ses bras sont musclés.
Son ventre est tendu.
Ses cuisses sont fermes.
Sa poitrine est saillante.
Par comparaison, Benoîte fait demi-portion.
Sa petite langue est tout de même efficace mais elle regrette la fermeté d'une adulte comme Pauline.
Préfère-t-elle les femmes plus âgées..?
Elle pense aux hécates.
Elle aimerait bien se faire fouetter par une femme en livrée.
Puis, à son tour, fouetter les beaux seins de Capucine.
Cette idée l'aide à foutre.
Après la toilette, Benoîte est blottie contre Florentine.
— Ton cul fait très peur… Pourquoi te punir si méchamment..?
— Parce que je ne fais pas partie de tout ça… Je ne suis pas une orpheline, comme toi... Je n'ai pas grandi au haras...
— T'as grandi où..?
Florentine pense à Flavie, l'adolescente blonde qu'elle ne connaît plus.
— Dans un pensionnat… En Suisse, je crois...
— Ce devait-être beau… Moi, j'ai appris à parler le flamand... Madame, une fois, m'a dit que je sortais tout droit d'un tableau de Vermeer... Que j'étais une petite dentellière…
— Tu la connais..? Madame…
— Elle m'a emmenée, une fois, dans sa maison… Quand j’avais sept ans... Pour faire une chose avec quelqu'un… Mais, je n'ai pas le droit d'en parler...
La clochette tinte.
— Mesdemoiselles, retrouvez vos lits..., ordonne Colette, en chemise, longeant le passage du dortoir. Je vais distribuer les chandelles... Seulement une demie, ce soir... Pas de lectures licencieuses… Vous devez vous reposer... Demain, nous avons une grosse journée à frotter de l'argenterie.
Benoîte se lève.
Elle enfile sa chemise.
Elle pose un baiser sur les lèvres de Florentine et regagne son lit.
Florentine se prépare pour la nuit.
Elle ajuste sa tenue.
Elle ouvre sa couche.
Colette approche.
Elle pose une demie bougie dans le bougeoir.
— Le briquet est à gauche de la porte, en entrant...
— Colette… Est-ce que je pourrais avoir un livre..?
— Qu'est-ce qui t'intéresse..?
— Les fables de la Fontaine...
— Toute la bande des Amours revient au colombier… Les Jeux, les Ris, la Danse ont aussi leur tour à la fin... On se plonge soir et matin dans la fontaine de Jouvence…
Colette pose un baiser sur ses lèvres.
— Tu l'auras demain… Bonne nuit, Florentine...