Les préparatifs à l'approche de la rentrée occupent tous les esprits.
Colette organise les cinq équipes d'intervention.
Pendant la saison, lorsque les visiteurs viennent au château, les heures sont plus longues.
Chaque équipe s'occupe par rotation d'un travail dans une des ailes, côté cour ou côté jardin.
Une équipe de deux filles de chambre s'occupe des bougies.
Il s'agit de préparer tous les chandeliers pour la journée.
Puis, au fur et à mesure qu'elles se consument, il faut les remplacer.
Une fille porte la lourde boîte des bougies neuves.
Une fille porte le sac des bougies usées.
Ensuite, c'est l'équipe du linge.
Serviettes...
Nappes...
Draps…
Préparation des tables...
Faire les lits...
Dans les belles chambres du premier étage, le linge est changé quotidiennement.
Même s'il n'est pas utilisé...
Une équipe s'occupe du ménage simple, c'est-à-dire nettoyer les dégâts signalés.
Passer un coup de brosse ou de serpillière...
Une unité doit s'occuper de tout ce qui est vaisselle et verres.
Le poste de plonge, pour les rincer, est proche des cuisines.
Enfin, la dernière équipe doit s'occuper des pots de chambre.
Les vider...
Les essuyer...
Les remettre en place...
Pour les filles de chambre, c'est la position préférée.
On ne sait jamais ce qu'on peut y trouver.
Toutes ces tâches ménagères doivent être réalisées dans la plus grande discrétion.
Les invités ne doivent rien remarquer.
Ne pas être gênés...
Ne pas être interrompus...
Un jour, alors qu'elles sont toutes réunies dans la salle de bal, Colette précise...
— Pour les nouvelles, je vous préviens que vous allez voir des choses très excitantes... Vous n'avez jamais vu un homme et une femme dans l'acte de copulation... Il est tentant, voire très attirant, d'observer ce qu'ils font… Vous n'avez pas le droit..! Vous baissez le nez..! Vous ignorez ce qui est en train de se passer… Et ce, quelle que soit la nature de l'étreinte... Charmante ou monstrueuse… Si une aphrodite semble en péril… Si elle demande de l'aide, rappelez-vous que cela fait partie du jeu… C'est pour exciter son client... Les Reynes ne sont jamais en danger... La sécurité, c'est le travail des Valets… Bien… Alors, maintenant, nous allons apprendre aux nouvelles la révérence...
Les filles de chambre sont alignées face à face.
Colette surveille l'apprentissage.
— La révérence… La règle veut que vous ne passiez jamais dans le dos des personnes rencontrées... Si vous croisez une aphrodite et son compagnon, vous saluez ainsi… Jambe en arrière, on plie les genoux, on baisse le torse et la tête... La révérence doit être gracieuse... Pas de perte d'équilibre, mesdemoiselles…
Toutes essaient.
Quelques-unes savent déjà bien ce geste de courtoisie.
D'autres répètent plusieurs fois.
Florentine apprend le mouvement.
Elle n'est pas la plus gracieuse mais elle a vite compris.
Cadet Rousselle s'est fait acteur
Cadet Rousselle s'est fait acteur
Comme Chenier s'est fait auteur
Comme Chenier s'est fait auteur
Au café quand il joue son rôle
Les aveugles le trouvent drôle.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment
Cadet Rousselle est bon enfant...
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment
Cadet Rousselle est bon enfant.
Florentine est en plein exercice de répétition lorsque Blandine, une hécate en livrée noire, entre dans la salle de bal.
Toutes arrêtent de bouger.
Elles saluent la jeune femme plus âgée comme il se doit.
Blandine les ignore.
Elle traverse la salle vers le groupe des filles.
— Florentine..., ordonne Blandine, d'une voix autoritaire.
— Oui, mademoiselle..., répond l'adolescente, en effectuant un pas en avant.
— Suis-moi...
Blandine repart aussitôt.
Florentine se tourne vers la clochette.
Colette fait signe à Florentine de la suivre sans hésiter.
Inquiète d'être tirée du groupe sans raison, l'adolescente rattrape Blandine.
La jeune femme, comme tous les autres Valets, porte ses cheveux mi-longs.
Ils sont tenus par un grand ruban de velours noir.
Les gilets et pantalons sont à dominante beige.
Seules les vestes, aux beaux boutons dorés, varient de couleur selon la position.
Ces habits élaborés présentent beaucoup d'ornements de fil doré.
Les hauts-de-chausses terminent sous les genoux.
Les bas sont blancs et les souliers noirs et vernis.
Les hécates, tout comme les dianes à l'extérieur, sont plus âgées.
Elles ont une vingtaine d'années.
Blandine est très grande.
Elle marche à grands pas.
Florentine doit trotter pour parvenir à la suivre.
Elle est très curieuse de savoir où elles vont.
Florentine aimerait bien le lui demander mais le protocole veut qu'elle ne parle à une hécate que si l'hécate lui parle en premier.
À l'étage du corps de logis principal, elles longent le grand couloir des chambres côté jardin.
Blandine frappe à la dernière porte.
Elle l'ouvre.
Elle entre.
Elle annonce...
— Florentine, madame…
Sans même apercevoir la maîtresse du domaine, la jeune fille ressent un pincement réflexe au cœur.
Une forte angoisse qui la bouleverse.
Cela fait des mois qu'elle ne l'a pas vue.
La dernière fois, elle prétendait être sa mère.
Elle la conduisait à l'écurie comme pour un stage d'été.
Florentine entre à son tour dans la chambre.
Elle reste près de l'entrée.
Elle baisse le nez.
— Approche, ma petite chérie…
Florentine relève la tête.
C'est bien elle.
La mère de toutes les filles...
— Bonjour, madame...
La belle chambre à coucher est utilisée pour une séance de photos.
Elle est pleine de gens.
Madame est assise dans un grand fauteuil Louis XVI.
Une jeune femme moderne, vêtue d'une paire de jeans délavés et d'une chemise blanche cintrée qui dépasse à la taille, se tient près de son matériel photographique.
Réflecteurs, lampes et panneaux de gaze fine complètent son équipement.
Près de la coiffeuse, Églantine s'occupe du maquillage.
Elle sourit à Florentine qui avance timidement.
Sur le divan, déplacé pour l'occasion entre les grandes fenêtres, deux jeunes filles inconnues sont habillées et maquillées à la mode du dix-huitième siècle.
Elles portent de magnifiques robes de soie.
Une rose…
Une bleue claire...
Un maquillage sophistiqué…
Leurs visages poudrés sont extrêmement blancs.
Les pommettes sont très rouges.
Les lèvres, dessinées en cœur, sont particulièrement éclatantes.
Elles sont coiffées de perruques bouffantes de cheveux gris, arrangés de motifs floraux, assortis à leurs habits.
Blandine quitte la chambre discrètement.
Elle referme la porte après elle.
— Approche, Florentine..., ordonne Jacqueline.
La jeune fille, sans trop oser regarder les autres, avance humblement vers la maîtresse du domaine.
Très décontractée dans sa tenue blanche de coupe moderne, Jacqueline fume une cigarette en croisant les jambes.
Ses cheveux blonds sont tirés en arrière.
Ils sont tenus par un bandeau de velours.
Elle porte ses lunettes.
Des bijoux dorés…
— La voici..., commente Jacqueline, à l'attention des autres. Elle est ravissante... Tu vas voir, Louise… Son corps est absolument parfait...
Ne sachant trop comment se comporter, Florentine salue madame de sa première révérence.
Jacqueline sourit devant son geste gracieux.
Elle lui prend les mains.
— Comme tu as changé, ma petite chérie... J'ai vraiment bien fait de te confier à Pauline... Tes traits sont plus sauvages... Plus déterminés… Alors qu'au château, Benoîte a adouci les contours... Plus douce… Plus affamée... Tu es parfaite..! Déshabille-toi, entièrement…
La jeune fille hésite.
Elle regarde autour d'elle.
— Dépose tes habits sur le grand lit... Il n'entre pas dans la photo.
Florentine se déplace.
Elle se déshabille dans l'ordre appris.
Elle prend soin de bien plier ses vêtements.
Le foulard...
La robe...
Le busc…
Le corps baleiné...
Les poches...
Le jupon...
Toutes celles présentes la regardent faire.
Florentine sait qu'elle sera jugée.
Elle ne veut montrer aucune pudeur ou gêne.
En chemise, elle défait ses souliers qu'elle aligne soigneusement en bordure de tapis.
Elle retire ses bas.
Enfin, elle ôte sa chemise.
Elle est nue.
— Superbe… Approche-toi de moi, ma petite chérie...
Florentine avance vers Jacqueline qui se lève de son fauteuil.
La femme écrase sa cigarette dans le petit cendrier.
Elle examine Florentine sous toutes les coutures.
Elle s'intéresse particulièrement à son cul.
Elle caresse les fesses.
— Regarde, Églantine, comme elles sont lisses à nouveau… Pas une seule marque de cravache... Sublime ce cul, tu ne trouves pas..?
— En effet, madame… Vous aviez raison..., répond Églantine, de sa voix capiteuse.
— Bien... Alors, tu me la coiffes comme je t'ai dis…
Jacqueline pousse gentiment l'adolescente vers la coiffeuse où Églantine a installé son matériel.
La photographe vérifie sur son ordinateur portable les clichés déjà réalisés.
Les demoiselles costumées ne bougent pas d'un millimètre.
On croirait des mannequins en plastique dans des vitrines de grands magasins.
— J'ai soif..., déclare Jacqueline. Tu veux quelque chose, Louise..?
— Non merci, madame..., répond la photographe.
— Je voudrais un Negroni..., commande Jacqueline, à personne en particulier.
Devant la coiffeuse, Églantine installe Florentine sur le petit pouf de satin.
Elle lui sourit.
— Comme tu es jolie, Florentine…
La jeune femme caresse son sein droit.
Le mamelon de Florentine se dresse sous ses doigts.
— Merci, mademoiselle...
Après ce petit moment intime, Églantine s'attaque à défaire sa coiffure.
Trois minutes plus tard, on frappe à la porte.
Elle s'ouvre immédiatement.
Une hécate en livrée verte entre en tenant un petit plateau d'argent.
Dessus, le verre et la boisson rougeâtre du cocktail commandé...
Elle le porte jusqu'à madame, se penchant en avant d'un geste élégant, afin que sa maîtresse puisse s'en emparer.
— Merci, Héloïse...
Héloïse salue de la tête, puis repart silencieusement.
— Mets-toi debout, Florentine..., propose Églantine.
Elle inspecte son travail de coiffure qui est plutôt de la dé-coiffure.
Les cheveux de Florentine sont en pagaille.
Elle ajoute un peu de poudre sur son front et sur ses pommettes.
Pendant ce temps, Jacqueline sirote sa boisson.
Pour s'occuper, toutes regardent la transformation de Florentine.
Églantine s'intéresse ensuite au con de la jeune fille.
Elle s'empare d'un rasoir électrique qui se met à vibrer.
D'une main expérimentée, elle rase très rapidement les poils du pubis de Florentine.
Ensuite, elle applique une crème blanche sur la région intime.
Elle prend de sa trousse un rasoir de barbier.
Florentine tremble en voyant la lame effilée.
— Détends-toi, ma chérie... Je n'ai pas besoin de raser de trop près pour la photo... Écarte un peu les cuisses…
Églantine manie le rasoir avec dextérité.
En moins d'une minute, l'opération est terminée.
Le pubis de Florentine est parfaitement lisse.
Jacqueline dépose son verre sur la petite table.
Elle vient vérifier de près.
— Excellent… N'oublie pas l'accessoire..., Églantine.
— Oui, madame...
Jacqueline retourne à sa place.
La maquilleuse prend de sa sacoche un collier de chien, très épais, en cuir noir.
Elle le fixe autour du cou de Florentine.
Sur le devant, en lettres dorées, se trouve le sigle du Haras, soit les trois lettres H, O et R, imbriquées les unes dans les autres.
Une laisse de cuir noir s'attache à l'anneau à l'arrière.
— C'est bien..., déclare Jacqueline. Approche, Florentine… Mets-toi à genoux devant les demoiselles du divan...
Églantine l'aide à se positionner.
Florentine se retrouve nue, dressée sur les genoux, entre les deux jeunes filles costumées.
Jacqueline se place à gauche de la photographe qui inspecte son appareil professionnel monté sur trépied.
— Alors, Louise… C'est la scène que je veux… Deux jeunes filles nobles… Madeleine, tu tiens le bout de la laisse...
— Oui, madame..., répond la demoiselle en rose, en s'emparant de la boucle.
Madeleine la tient du bout de ses doigts fins.
Ses gants blancs sont finement brodés.
— Comme je disais..., reprend Jacqueline. Deux jeunes filles nobles et leur petit animal de compagnie… Florentine est le petit singe... Je veux que tu captures ses grands yeux effrayés... Le regard d'une bête captive… Et aussi, l'indifférence des petites aristocrates... C'est le contraste des deux qui me plaît... Tu comprends..?
— Oui, madame.., répond la photographe, avec déférence.
— À toi de faire…
Jacqueline retourne à sa place.
Florentine écoute les ordres de Louise qui arrange un peu sa position.
La femme prend quelques photos.
Elle s'occupe de l'éclairage.
Elle reprend quelques photos.
Florentine doit se tenir droite afin que l'on voit clairement le trait de son con enfantin.
Garder les yeux grands ouverts…
Afficher un air farouche de victime...
Après un quart d'heure, ses genoux la font affreusement souffrir.
Ils sont à même le parquet ciré.
Elle n'ose pas demander un petit coussin.
Elle tourne son menton dans la direction ordonnée par la photographe.
Elle obéit, sans oser regarder une seule fois vers Jacqueline qui boit et qui fume avec élégance.
Au bout d'un moment…
— C'est bon, Louise..? Montre-moi...
La photographe présente l'ordinateur à Jacqueline qui le prend sur ses genoux.
Elle fait défiler les clichés avec les touches directionnelles.
— Oui… Bien… Non… Pas celle-là… J'élimine...
Pendant ce temps, pas une des quatre demoiselles ne dit un mot ou ne bouge d'un centimètre.
— Celle-ci… C'est la bonne..., déclare Jacqueline, après un long moment de revue des clichés. C'est exactement le regard de soumission sauvage que je voulais de Florentine... Bravo…
Jacqueline se redresse.
Elle tend l'ordinateur à Louise.
— Vous me préparez le tableau suivant… Chez le Sultan, comme convenu... Églantine, tu fais en sorte qu'on ne perde pas de temps...
— Oui, madame...
— Florentine, tu viens avec moi…
D'un pas décidé, Jacqueline se dirige vers la porte.
Églantine aide Florentine à se lever.
Les bouts de ses genoux sont rouges.
Ses jambes sont ankylosées.
La jeune fille ne sait que faire.
S'habiller..?
Suivre Jacqueline, toute nue..?
Églantine, d'un geste de ses mains, l'encourage à suivre madame, en vitesse, sans se tracasser de sa tenue.