L’adolescente s'essuie le corps en usant de la grande serviette éponge blanche.
Elle frotte ses cheveux.
Le bain chaud l’a transformée.
Elle se regarde dans le miroir du lavabo.
Elle est telle qu'elle aime s'imaginer.
Elle est Florentine.
Brune...
Belle...
Musclée...
Elle caresse sa poitrine.
Elle caresse les poils de son con.
Le ruban rouge est déposé sur le bord de la vasque.
Elle le noue autour de son cou.
Elle se coiffe ensuite.
Elle brosse ses cheveux
Le bandeau noir est à portée de main.
Elle le glisse dans sa chevelure.
Elle est orpheline.
Elle est fille favorite.
Elle est simplement parfaite.
Florentine quitte la salle de bain.
Dans la chambre à coucher, la petite table est mise.
Une carafe d'eau et trois tranches de viande sur une assiette blanche à liseré doré...
Affamée, Florentine se jette dessus, sans se tracasser de sa nudité.
— Merci..., dit-elle aux duègnes invisibles.
Les goûts familiers provoquent un sentiment de bonheur.
Elle boit l'eau de source avec avidité.
Le goût métallique calme son appétit de sang.
Jacqueline entre dans la chambre en fumant une cigarette.
Elle porte ses lunettes.
— Ça va mieux, mon chaton..?
— Oui… Beaucoup...
— Cela me fait plaisir, que tu sois revenue... Que tu te sois libérée pour de bon... Promesse tenue de ma part… Exécution de la tienne... Tu as eu ce que tu voulais, non..?
Florentine caresse son médaillon.
Elle sourit à la femme, en acquiesçant.
Jacqueline tire un fauteuil.
Elle s'installe posément.
Elle retire ses lunettes qu'elle dépose sur la nappe blanche.
— Alors, qu'en penses-tu..? demande-t-elle.
— De quoi..?
— De la vie…
— J'ai un peu compris... Je crois…
— Qu'as-tu compris, mon petit chat..?
— La nature qui habite en nous… Je crois que je comprends mieux la différence entre le réel et l’esprit... Je me suis demandée pourquoi nous pensions… Pourquoi ce flot de conscience..? Qu'est-ce que la nature avait à y gagner..? Pourquoi ne pas rester des animaux sauvages, semblables aux autres animaux..? Vivre de nos instincts… Vivre en harmonie... Mais, non… De la matière universelle peut, suite à l'évolution, émerger la conscience... Pas une conscience simple… Une conscience double qui offre deux espaces différents... La conscience du réel… La conscience de l'irréel... De l'esprit... Les deux univers existent en même temps... On peut passer de l’un à l’autre, autant que l'on veut... Mais, comment..? Comment a fait la nature pour déclencher ce phénomène..?
— D’après toi..?
— Par la peur, je pense… La douleur... La terreur... La torture, aussi… C'est l'étincelle qui a permis de ramener de l'inconscient une pensée spontanée... Une conscience…
— Quelle est l'utilité..?
— La nature ne fait rien au hasard... Enfin, non… Je veux dire qu’elle utilise le hasard comme un outil... Le chaos est la mécanique universelle… Mais, la finalité est très claire... Elle est programmée... Quel que soit l'organisme vivant qui atteint la conscience le premier, c’est dans un but précis… L'instinct animal est alors dépassé... Il est refoulé… Maintenant, c'est à l’être conscient de réfléchir...
— Réfléchir à quoi..?
— Je pense que nos ancêtres, grâce à la souffrance, ont acquis la pensée... Un processus très lent, mais un processus tout de même… Hommes, femmes et enfants se sont mis à penser... La tribu humaine, en mouvement… C'est en chemin qu'ils ont pris le mauvais croisement... Ils auraient dû se dire… Je suis dans la nature… Je pense... Je parle... J'existe... Je suis conscient... Que vais-je faire de ce don..? L'évidence est bien la compréhension... Comprendre… Comprendre la nature, justement… Comprendre la vie par l'observation et par la science...
— Pourquoi..?
— Parce que celui qui comprend véritablement la nature est nécessairement poussé à l’admirer et à la protéger... La conscience humaine est un mécanisme d'auto-défense de la nature… Mais hélas, il n'y a pas qu'une seule conscience... Il y en a deux… Elles s’opposent… La conscience a la forme d'un octaèdre régulier... Comme deux pyramides, jointes à la base... Huit faces... Six sommets... Une pyramide s'élève... L'autre s'enfonce... Le réel, positif, visible, est féminin... L'irréel, négatif, caché, est masculin... Un monde à l'endroit... Un monde à l'envers... Comprendre la nature est extrêmement difficile... Il n'y a pas de mode d'emploi... À chacune de réfléchir... D'observer... D'étudier l'infiniment petit... L'infiniment grand... Par contre, l'homme… Et, je parle à présent du mâle… L'homme au masculin est incomplet… La génétique nous le prouve... Il est paresseux... Il est orgueilleux... Il est violent... Plutôt que de se mettre à l'étude, il a trouvé un pis-aller… Il nous a joué un tour de bateleur... Il a levé le nez au ciel pour déclarer… La nature n'a pas de mystère pour moi… Moi, je sais déjà comment tout cela fonctionne... Ce sont les dieux, là-haut dans les cieux, qui nous commandent… Un point c'est tout..! Mais, Dieu est un mythe... Une invention… Il vient de l'irréel... Hélas, le mythe est devenu vérité... Le mythe, né de l’esprit masculin, est devenu l'arme de sa domination… Faisant fi du réel, il a ramené de l'imaginaire, les pires des monstres… Des dieux vengeurs, source de tous nos malheurs… Des dieux qui nient notre humanité naturelle... Le combat est bien celui-ci... Il faut détruire tous les mythes... Les dieux, antiques ou modernes, et toutes les fausses vérités qu'ils nous imposent… Ils pervertissent l'humain... Il faut reprendre le bon chemin, celui que la nature nous a déblayé... Celui de l'observation, de la compréhension et du savoir… Malheureusement, le vice fait tellement partie du cerveau masculin que ce n'est pas chose aisée… Le mâle, en constante résipiscence, a perpétuellement besoin de s’absoudre, agenouillé devant un autel de sang… Il prie pour son salut après le meurtre de ses enfants... Comment faire pour en sortir..?
— Nous y arriverons, Florentine… Il ne faut pas perdre espoir... Si une femme, quelque part, pense aussi comme toi, c'est déjà énorme… Elle pourra changer le monde.
— Ce ne sera pas moi…
Florentine baisse le nez.
La tristesse l'étreint.
En consolation, Jacqueline pose une main sur la sienne.
— N’y pense plus… Même là où tu es, tu contribues à ta manière… Aucun destin n'est vain... Tu l’as dit toi-même… La souffrance aide à la conscience... Alors, pas de morosité… Aujourd'hui, tu dois profiter de la belle journée... Habille-toi vite, ma petite chérie... Une surprise t'attend...
Jacqueline écrase sa cigarette sur le dernier morceau de viande.
Elle se lève.
Elle se penche en avant pour poser un baiser sur les lèvres de Florentine.
Elle quitte la pièce sans se retourner.
Florentine est maussade.
Les grands discours ne servent à rien.
Elle voit sur le bout de la cigarette écrasée, le dessin d'une gitane dansante.
Elle pense à l'alacrité des filles d'écurie autour du feu de joie.
Le rire...
Le chant...
La danse...
L'euphorie de la vie...
Elle se lève à son tour.
Elle approche du lit.
La tenue y est étalée.
Un costume complet de diane noire...
Elle s'habille avec soin.
Les sous-vêtements blancs...
Les bas blancs...
La chemise blanche...
La cravate blanche...
Le pantalon blanc...
Les bottes noires...
La veste noire...
La bombe noire...
Les gants noirs...
La cravache noire...
Elle se regarde dans le grand miroir.
Elle est prise d'une violente émotion.
Elle se met à pleurer.
Des sanglots de joie amère...
Elle lève le nez au plafond.
— Merci, Jeanne… Merci de m'exaucer...
Florentine quitte la chambre.
Elle longe le couloir de marbre.
Elle s'engage dans l'escalier.
Sur le premier palier, elle s'arrête devant le grand portrait de la marquise.
— Merci, madame, de m'avoir recueillie, chez vous… Vous m'avez sauvée, malgré tout...
Elle continue la descente jusqu'au vestibule de l'entrée.
Elle pousse la lourde porte.
À l'extérieur, il fait beau.
Un ciel bleu...
Pas un nuage...
Le temps est frais mais vivifiant.
Dans la cour devant le petit château, Pauline attend.
Elle tient les brides de leurs chevaux.
Les retrouvailles bouleversent Florentine.
Elle en pleure de joie.
Elle se précipite pour embrasser l’animal qui lui a tant manqué.
Hydrogène répond de longs hennissements.
Pauline le tient fermement.
L'étalon agite la tête pour se libérer.
Florentine l'embrasse mille fois pour le calmer.
Le cheval lui rend ses baisers.
Un coup de cravache cingle le haut de sa cuisse.
— Entre dianes, nous nous saluons, mademoiselle...
Florentine se tourne vers Pauline.
Émue, les sanglots n'arrêtent pas de la secouer.
Nouveau coup de cravache...
— Une diane noire ne pleure jamais en public… J'ai vraiment tout à te rappeler...
Florentine renifle fortement.
Elle essuie ses larmes d'un revers de manche.
— Pardon, Pauline... C'est... C'est le plus beau jour de ma vie…
— Je sais...
Pauline ôte sa bombe noire.
Elle pose sa bouche contre les lèvres de Florentine.
Le baiser devient intime.
Florentine frissonne de la tête aux pieds.
Pauline cesse l'embrassade.
— Allez, on a du travail…
Pauline dirige sa jument.
Elle l'éloigne un peu.
Elle monte dessus.
Florentine se hâte d'en faire autant avec Hydrogène.
Elle est tellement heureuse d'être en selle.
Elle ne cesse de caresser son amant.
Pauline prend le devant.
Florentine la rattrape.
Elles avancent au pas, le long de l'allée boisée.
— Tu es revenue depuis longtemps..? lui demande Florentine.
— Hier soir… Mais, ne te mets pas de grandes idées en tête... C'est temporaire…
— Tu ne vas pas rester..?
— J'ai tellement de choses à faire, tu sais... Mes études vont bientôt commencer... En ce moment, je fais un stage dans un centre de recherches... C'est tellement passionnant… Tout ce qu'il reste encore à découvrir... Tous les mystères de la nature… Parfois, ça me donne le vertige...
— Oui… Mais, j'aime mieux quand tu es ici.
— Un jour, ce sera à toi de découvrir le monde… Tu viendras me voir... J'habite dans un château, moi aussi… Bon, il n'est pas que pour moi… Je dois le partager avec six autres demoiselles... Nous formons une secte… As-tu déjà entendu parler de… Élisabeth Báthory..?
— Non.
— Je te raconterai, un jour… Cette femme m'inspire comme tu n'as pas idée...
Les deux cavalières débouchent de l'allée boisée.
Elles empruntent la grande piste cavalière.
— La première arrivée au mausolée..?
Pauline n'attend pas la réponse.
Elle lance sa monture au grand galop.
Florentine a besoin d'un temps avant d'orienter correctement son cheval.
Elle donne enfin un petit coup de cravache et s'élance après elle.
La vitesse de la course est grisante.
L'étalon y va de toute sa puissance.
Pauline est loin devant mais Florentine a toutes ses chances.
Elle lâche un peu la bride.
Hydrogène prend un second élan.
Cet étalon est une véritable fusée.
À cette vitesse, Pauline ne pourra pas gagner.
Florentine remonte à sa hauteur.
Un regard rapide est échangé.
Le cheval noir de Florentine est imbattable.
Il prend le devant.
Un mètre…
Deux...
Trois...
S'avouant battue, Pauline reste en arrière.
Arrivée à hauteur de la petite colline du mausolée, Florentine ralentit.
Pauline arrive quelques secondes après.
— Qu'est-ce que je gagne..? demande Florentine, heureuse de sa victoire.
— Ce n'est pas juste… Je n'ai qu'une jument..., déclare Pauline, dépitée.
Après l'effort, les chevaux reprennent leurs souffles.
Florentine caresse le crin et le cou d'Hydrogène.
— Viens, on va aller voir, là-haut..., dit Pauline.
Elles s'engagent au pas sur le sentier sinueux qui monte doucement vers le belvédère.
Arrivées au sommet, elles mettent pied à terre.
Pauline attache son cheval à une boucle de fer proche des escaliers.
Florentine fait de même.
— T'es souvent revenue ici..?
— T'as pas idée..., répond Florentine, laconiquement.
Elles se tournent vers l’horizon.
La perspective magistrale avec le jardin à la française…
Le grand château...
L'allée des ormes rouges…
Toute cette verdure environnante...
Un véritable écrin...
— C'est tellement beau..., commente Florentine.
— Oui... C'est le summum dans tout le domaine...
— T'as travaillé dans le grand château avant d'être diane..?
— Moi..?! s'offense Pauline. Non… Je suis une fille d'extérieur, tu le sais bien...
— Tu ne sais pas ce qu'il s'y passe..?
— Je sais.
— Tu as été une Flavie, toi aussi... Une nuit…
— Oui… Cela fait partie de la vie... Une nuit, comme tu dis...
— Qu'est-ce qu'il t'a fait..?
— Pourquoi parler de ça..? Quelle importance, à présent..? C'est juste un mauvais moment à passer… Une infortune… Une mauvaise loterie... Ce qui compte, c'est ce qu'il y a, après... Tout ça, justement… Fini l'orphelinat... Et, un jour... Le monde entier, à tes pieds...
Florentine soupire lourdement.
Deux dianes rouges, deux petits points distants, avancent le long de l'allée médiane.
— Bon, assez contemplé..., ordonne Pauline, en revenant à la réalité. Le travail nous attend...
— Qu'est-ce qu'on doit faire..?
— Tu vas adorer… Le broyeur est coincé...
— Le broyeur..?
Florentine est surprise.
Un peu inquiète, aussi…
— Parfois, il faut savoir se salir les mains, ma chérie... On ne peut pas passer ses journées à galoper...
Pauline dépose un baiser sur ses lèvres.
Elle se dépêche d'aller reprendre son cheval.
Le trajet jusqu'au broyeur se fait en silence.
Florentine suit Pauline qui seule connaît le chemin secret à travers la forêt.
L'adolescente se demande ce que font les autres, en ce moment.
Les filles d'écurie…
Les filles de chambre...
Les filles de joie...
On est toujours samedi.
Cette nuit, ce sera le grand souper.
Quel en sera le thème..?
Est-ce que sa remplaçante est déjà arrivée..?
Est-ce qu'elle gagnera la loterie..?
Florentine cherche la présence d'animaux.
Est-ce que ses sœurs l'observent, en attendant..?
Est-ce que l’une d’elles s'est glissée dans son étalon..?
Est-ce qu’elle écoute..?
— Si tu es là, ma sœur… Je veux te dire merci, à toi et aux autres… Filles des ténèbres, je vous aime toutes...
— Qu'est-ce que tu dis..? demande Pauline, en se retournant.
— Rien, je parlais à la nature…
La forêt devient plus dense.
Florentine a un peu froid.
Le ciel est caché.
La luminosité baisse.
Au détour du chemin, l'édifice apparaît au centre de la clairière.
Le broyeur, lugubre édifice de bois…
Pauline met pied à terre.
Elle attache son cheval à un arbre.
— Qu'est-ce qu'on doit faire..? demande Florentine.
— Moi, rien… C'est toi la nouvelle..! Tu vas faire le travail... Descends de ton canasson pour commencer...
Pauline s'empare d’une corde de nylon attachée à sa selle.
Elle avance vers le broyeur.
Florentine met pied à terre.
Elle attache Hydrogène à un arbre voisin.
Elle le caresse une dernière fois.
Pauline pousse la lourde porte d'accès qui glisse bruyamment sur son rail.
Elle contemple l'espace.
Florentine approche timidement.
— Il paraît qu'il y a un truc qui bloque… Essaie pour voir..., ordonne Pauline.
Florentine se déplace vers la manivelle.
Elle tente de l'actionner.
Le mécanisme bouge un peu mais impossible de faire un tour complet.
— Voilà, ce qu'on va faire..., suggère Pauline. Je vais t'attacher par les pieds et tu vas glisser jusque dans l'ouverture... Avec ta dague, tu vas essayer de déloger l’objet qui bloque le mécanisme pendant que je tourne la manivelle très doucement... Compris..?
— Ma dague…
Florentine se mord la lèvre.
Sa dague, elle l'a oubliée chez elle.
Rue Lavoisier...
Elle est plantée dans la gorge de Clémence.
Une scène de massacre…
Le corps ensanglanté de sa belle-mère...
Seins tranchés…
Oreilles et doigts découpés...
Lardée de dizaines de coups de poignard...
Dans le con...
Dans le cul...
Dans le cou...
Elle frissonne.
— Ça va..? s'inquiète Pauline. T'es toute pâle, d'un coup...
— Je n'ai pas ma dague.
— Elle doit être restée dans ta chambre, au fond de la cour carrée... Tu as le numéro I, comme moi, autrefois… Tu te souviens..?
— Oui...
— Je te prête la mienne.
Pauline tire du bord de sa botte la lame noire autrefois offerte au gitan.
Elle la garde pour le moment dans sa main gantée.
— Déshabille-toi..., ordonne Pauline
— Quoi..?
— C'est un travail salissant…
Florentine hésite encore.
Pauline la cingle de sa cravache.
— Allez, mademoiselle... Pas de pudeur..! Laisse tes habits sur le bord de l'estrade...
Florentine commence à se dévêtir.
Pauline la regarde faire.
— T'es blanche comme la mort..., commente Pauline.
— J'ai pas vu beaucoup le soleil ces derniers mois...
Florentine retire ses bas.
— La culotte, aussi..?
— Tout..! Si t’es très sale après, on ira se baigner dans l’étang... C'est froid, mais ça donne un coup de fouet...
Pauline grimace malicieusement.
Florentine retire son soutien-gorge et sa culotte.
Elle est nue.
Elle ne porte que le ruban rouge autour de son cou.
Elle a froid.
Elle croise les bras sur sa poitrine.
Elle les frotte gentiment pour chasser la chair de poule.
— Ce ne sera pas long..., précise Pauline. Alors, viens près du bord... Je vais te sécuriser par le pied...
— Tu vas faire un bon nœud solide… Je ne veux pas tomber là-dedans...
— Ne te tracasse pas… Tiens, prends mon couteau de chasse dans la main... Ne le fais pas tomber..! Tu vas voir… C'est juste des engrenages... Même si tu glissais à l'intérieur, il ne se passerait rien...
— Tu es sûre..?
— Certaine... Je l'ai déjà fait… Le broyeur est essentiel pour le bon fonctionnement du domaine... Il tombe sous la responsabilité des dianes noires... Ce n'est pas marrant, je sais… Mais, c'est comme tout chez madame... Il faut bien que quelqu'une le fasse…
Pauline est sur le bord de l'ouverture en entonnoir.
Elle invite Florentine à approcher.
— Allez, viens… De quoi as-tu peur..?
Florentine serre le manche de la lame noire, fermement.
— Je ne veux pas mourir, Pauline...
— Ne dis pas de bêtises, voyons…
Nue, armée du couteau, Florentine approche du rebord.
Elle regarde le trou noir.
Fascinée...
Son corps tremble.
La coupe est semblable à une profonde morsure.
Par réflexe, Florentine ouvre la main droite pour toucher son cou.
Le couteau de chasse tombe à ses pieds.
Pauline a tranché sa gorge le long du ruban.
Le sang gicle entre les doigts de Florentine.
Sous le choc, elle se tourne vers son amie.
— La mort n'est pas une punition, Florentine… C'est un cadeau de la nature...
Pauline n'affiche plus son masque de fermeté.
Ses yeux sont humides.
Une larme coule le long de sa joue.
Florentine, incrédule, la main appuyée contre son cou sanglant, sent ses forces la quitter.
— La mort existe pour nous sauver..., instruit Pauline. Libère-toi, mon amour… Laisse la mort t'embrasser...
Pauline pose un dernier baiser sur les lèvres sanglantes de sa petite amie.
Le corps de Florentine bascule dans le vide.
Il plonge dans le trou noir.
Sa vision s'obscurcit.
Une cave sombre…
Un matelas immonde qui pue la pisse...
— Où suis-je..?
Flavie avance peureusement vers le coin infect.
Elle découvre une fille de treize ans, nue, couchée à même l'horreur.
— Qui suis-je..?
Morte, Florence s’évade enfin.