Je fais la connaissance d'une femme par l'intermédiaire d'une agence matrimoniale.
Parce que la solitude me pèse.
Parce que j'espère un nouveau départ.
Parce que l'annonce publicitaire me met au défi.
Découvrez l'homme qui sommeille en vous.
Geneviève est plaisante dès notre premier rendez-vous.
Elle ne me cache rien.
Elle a cinquante-huit ans.
Un peu boulotte, elle est veuve d'un homme qu'elle adorait plus que tout.
Elle est d'une bonne famille de Paris.
Elle ne travaille pas mais elle est financièrement indépendante.
De mon côté, je présente nettement moins bien.
J'ai cinquante ans.
Je suis divorcé depuis trop longtemps.
Ma famille est plutôt médiocre et je suis né en province de surcroît.
Pour gagner ma vie, je suis gérant-salarié d'un fast-food dans un centre commercial d'une agglomération à cent kilomètres de la capitale.
Dans un café du boulevard Saint-Germain, je raconte mon passé à Geneviève qui ne se formalise pas de nos oppositions.
Elle accepte une deuxième rencontre.
Elle me plaît alors je lui sors le grand jeu après avoir cassé ma tirelire.
Un théâtre à la mode, un souper fin et, selon l'envie, une nuit dans un palace parisien.
Lorsqu'elle se déshabille devant moi, je suis un peu sous le choc.
Célibataire, j'ai gardé la forme et la ligne.
J'ai surtout passé ces dernières années avec des jeunes femmes fraîchement divorcées.
Séduites par un beau physique masculin.
Faciles à cueillir, faciles à jeter.
Geneviève a huit ans de plus que moi et, nue, elle fait plus que son âge.
Disons qu'elle s'est laissée aller…
Je n'ai encore jamais baisé de touffe grisonnante.
Je n'ai jamais excité des seins flasques et fripés.
Mais bon…
Au point où j'en suis, pourquoi ne pas se lancer.
Après une baise rapide, Geneviève est pleine d'amour pour moi.
Elle m'invite chez elle pour le week-end.
Cette fois, c'est moi qui tombe amoureux.
Geneviève a hérité de son mari d'une propriété exceptionnelle.
Château du XVIIIe.
Vingt hectares de forêt.
Piscine.
Tennis.
Écurie.
J'en suis baba.
Le domaine a perdu pas mal de son cachet depuis qu'elle est veuve mais tout de même…
Je suis ébloui.
J'admets que j'ai toujours rêvé de la vie de château.
Au volant de la 2CV familiale, je longeais avec envie les murs de celui pas loin de chez nous.
À vingt ans, étudiant en sciences économiques, je m'imaginais y arriver…
Chef d'entreprise ou agent de change.
Faire de mon rêve une réalité.
La vie n'est pas un rêve, comme vous le savez.
Par manque d'efforts et de soutiens, je ne suis pas arrivé au diplôme.
J'ai laissé la médiocrité congénitale m'étouffer.
Et puis, j'ai eu un pépin…
Un casier judiciaire, c'est toujours emmerdant.
Geneviève m'adore.
Elle veut être tout le temps avec moi.
J'accepte ses invitations.
Je rencontre ses amies.
Toutes me trouvent charmant, élégant et poli.
Je passe les épreuves du savoir vivre de la bonne société.
D'un commun accord, nous nous marions dans la foulée.
Pas une grande noce…
Geneviève a déjà donné.
Le portrait de son premier mari trône toujours sur le piano à queue.
Notre union est scellée devant le maire du petit patelin.
Je n'ai même pas invité mes parents.
Comme témoin, j'ai contacté un vieux copain parisien à qui je compte en mettre plein la vue.
Le con ne se déplace même pas alors je me rabats, en catastrophe, sur le secrétaire de mairie, toujours prêt à dépanner.
Me voici l'époux de madame.
La vie de couple démarre immédiatement.
Geneviève me montre ma chambre.
Elle n'aime pas dormir avec un homme à ses côtés.
J'accepte…
Geneviève préfère aussi une union d'inspiration traditionnelle.
Comme il n'est pas question, à nos âges, de faire des enfants, elle m'explique que l'amour physique n'est pas vraiment nécessaire…
D'ailleurs elle n'a pas eu de rapport avec son premier mari les dix dernières années en couple.
Le sexe ne l'intéresse pas du tout.
Elle croit à l'union des âmes.
Au respect des époux.
J'accepte, encore une fois…
Je l'avoue.
Je ne suis pas très porté sur les femmes âgées.
En sa compagnie, je devais faire pas mal d'efforts pour bander.
Comme elle a assez d'argent pour nous deux, elle me propose de quitter mon emploi.
Là encore, je n'hésite pas une seconde…
Je brade tout ce que je possède pour m'équiper de neuf, en plus bourgeois.
J'ai bien compris ce que Geneviève veut de moi.
Lors de mes premières visites chez elle, elle m'avait mis à l'épreuve en me demandant gentiment de changer une ampoule, de réparer une poignée de porte ou de brosser une jument.
L'équitation, ça me connait, puisque mon père était palefrenier dans un haras normand.
Un point très important lors de ma sélection à l'agence...
Sans compter que j'ai fait un stage de sommelier lorsque j'étais serveur dans un grand restaurant des alentours.
Je présente bien.
Je sais recevoir.
Disons-le franchement, Geneviève a besoin d'un homme de main.
Un homme à tout faire…
Pour entretenir son domaine.
Pour meubler ses soirées devant la télévision.
J'apprends que son premier mari était la perfection née.
Cavalier hors pair.
Peintre.
Musicien.
Gestionnaire de la haute finance mais aussi capable de démonter un moteur de Lancia.
Le défi est relevé...
Je m'y donne à fond.
Je m'organise un emploi du temps rigoureux.
Je reprends l'écurie en main.
Je répare tout ce qui bloque ou rouille ou ne fonctionne pas.
Je dirige les domestiques encore présents, un vieux couple de locaux, retraités, dont la femme est notre cuisinière et le mari notre jardinier.
Ils ne sont pas payés mais logés, habillés et nourris sans compter qu'ils grattent toutes les allocations que notre bon pays daigne leur attribuer.
Après deux ans, le domaine tourne parfaitement.
J'ai même redémarré la vieille Rolls-Royce de 1930.
Je voiture madame au marché du village et à la messe du dimanche.
Le lustre est enfin de retour.
Pour les amies de ma femme, je suis la perle rare.
Le mari parfait.
Ce qui confirme bien que toutes ces héritières préfèrent épouser des larbins et se faire sauter par des intellos.
Ces derniers, Geneviève les fréquente régulièrement…
Nous avons un pied-à-terre à Paris et elle y passe beaucoup de son temps.
Expos.
Vernissages.
Dédicaces de livres.
Elle papillonne.
Elle vit sa vie mondaine en sachant que tout va bien chez elle puisque son bon mari veille au grain.
En effet, je veille.
Je surveille.
J'espionne, un peu…
Je déniche les vieux livres de compte de monsieur.
Je refais les calculs.
Le fameux mari qui, accrochez-vous bien, est mort d'apoplexie après un déjeuner trop arrosé en compagnie de sa maîtresse à la Grande Cascade à Paris.
Traqué par le fisc, il avait précautionneusement tout mis au nom de sa femme.
On peut dire que sa mort précoce sauva les meubles.
Mais ce n'est pas le plus important.
À présent, je dois vous présenter Charlotte…
Charlotte est la fille unique de Geneviève et de feu, Xavier de Saint-Victor.
La trentaine, elle est de ces femmes qui sont belles et laides, tout à la fois.
Compliquée.
Pinailleuse.
Arrogante.
Souvent hystérique, puis maussade à mourir.
Elle vient voir sa mère pour de l'argent.
Parce qu'elle s'ennuie…
Ou pour se chamailler.
Je m'occupe de sa jument qu'elle affectionne plus que tout.
Charlotte ne me parle pas.
Pour elle, je suis un larbin ou, à la limite, un aventurier d'un milieu inférieur qui lorgne son héritage.
Elle ne sait pas que j'ai passé un après-midi entier dans un bureau d'avocats parisiens pour signer un contrat de mariage qui, en cas de divorce, ne me laissera absolument…
Rien.
Pour m'amuser de Charlotte, je multiplie le charme.
Je joue au mari merveilleux.
Je câline ma femme.
Je fais preuve d'un amour débordant juste pour voir sa fille gâtée verdir de jalousie et sa mère briller comme jamais.
Charlotte est divorcée.
Deux fois, déjà.
Pourtant, elle cherche...
Elle se tâte.
Elle sélectionne, elle aussi.
De ce passé, la bague au doigt, elle ne garde rien, si ce n'est son fils, Benoît, un petit garçon de six ans.
Benoît…
Benoît…
Benoît est le cheveu sale tombé dans la noble soupe.
Il n'a rien pour plaire à ces femmes, à commencer par le fait qu'il est métissé et légèrement handicapé.
Il n'est pas trisomique ou autiste mais on devine que quelque chose dans sa tête ne fonctionne pas…
Il est différent.
Très différent...
Il a aussi le don d'énerver autant sa mère que sa grand-mère qui se le refilent comme on joue au ping-pong.
Lorsque les deux femmes sont présentes au château, je les laisse en paix à se crêper le chignon.
Je préfère le calme de l'écurie.
Parfois, Benoît vient voir ce que je bricole.
Je lui parle gentiment mais il ne répond jamais.
Il semble perdu dans son monde.
Au déjeuner, il mange avec nous à la grande table mais ses manières ne sont jamais à la hauteur.
Geneviève l'a constamment à l'œil.
Elle le corrige cent fois pendant le repas.
La première fois que ça arrive, je suis choqué.
Charlotte nous a laissé son petit garçon quelques jours, ce qui a rendu Geneviève furieuse, obligée de rater un vernissage parisien.
Lorsque Benoît fait tomber au sol sa fourchette chargée de petits pois, Geneviève bondit comme une tigresse.
— Mais ça suffit, cette fois… Tu le fais exprès! Je sais que tu le fais exprès… Quel sale petit machin, celui-là… Cette fois, je te la donne immédiatement… Je te l'ai dit, ce matin… Encore une fois comme ça et c'est cul-nu comme avant… Et je me fiche de ce que dit ta maman!
D'un geste brutal, Geneviève le tire par la main.
Le petit garçon se met aussitôt à pleurer.
L'ayant debout face à elle, la grand-mère n'hésite pas.
D'un geste rapide, elle tire sur son petit pantalon.
Elle baisse le slip dans la foulée…
Sans hésiter, elle le fesse violemment.
Le garçonnet agite les mains pour se protéger mais Geneviève les écarte en les tenant par devant.
De sa main libre, elle le fesse cinq ou six fois.
Je suis sidéré.
Je n'ai jamais vu ça!
Je n'ai rien contre corriger les enfants mais, à ce point…
Pourtant, je ne fais rien.
Je ne dis rien.
Je regarde la scène.
Je regarde les petites jambes blanches qui trépignent.
Je fixe le bas du ventre du gamin et le petit sexe bandé.
Il bande!
Il est droit comme un petit crayon et moi…
Moi…
Je n'ai jamais rien vu de plus beau au monde.
Après la fessée, Benoît est mis au piquet.
Cul-nu, il continue de geindre avec sa culotte au bas des pieds pendant que nous terminons notre repas.
Je fais semblant d'ignorer son petit cul rosé.
Geneviève entame un long monologue sur l'éducation d'un enfant arriéré, entre les mains d'une mère idiote…
Sa fille ne comprend rien à rien.
Elle manque de bon sens et surtout d'autorité…
Et puis, quelle gourde, de se laisser baiser par le premier maghrébin venu…
Un peuple de dégénérés!
Les mois passent.
Benoît s'en va et revient.
Les punitions pleuvent.
Puisque je ne dis rien...
Puisque j'approuve par mon silence la main autoritaire de mon épouse...
Geneviève ne se retient plus.
Benoît est régulièrement soumis à des séances cul-nu.
Pour avoir mangé une crotte de nez.
Pour s'être mal essuyé les fesses après son caca.
Je note aussi combien Geneviève aime le corriger.
Le délice de sa cruauté…
De sa propre injustice…
Et puis, moi aussi j'aime ça.
Dès qu'elle fesse le petit garçon devant moi, je me mets à bander.
Une nuit de pleine lune, je suis réveillé par une petite main qui me couvre la bouche.
Benoît est dans ma chambre.
Il serre son nounours et affiche un regard affolé.
Il veut me couvrir la bouche pour m'empêcher de parler.
J'allume.
Je sors du lit.
J'observe le petit garçon qui baisse le nez.
J'ai vite compris en voyant le bas de son pyjama.
Il a pissé au lit.
Je le dirige silencieusement vers sa chambre pour qu'il me montre les dégâts.
Il a mouillé le drap et la couette.
Rien de grave.
Ce n'est pas la première fois, mais il préfère éviter la fessée.
Son matelas est bien entendu recouvert d'un drap plastifié.
Je m'en occupe rapidement.
Je défais ce qui devra être lavé.
J'entraîne ensuite Benoît dans la salle de bain mitoyenne.
Il ne dit rien.
Il se laisse faire.
Comme il est trempé, je le soulève par les bras et je le dépose debout dans la baignoire.
J'ôte son haut de pyjama.
J'enlève le bas.
Je jette son linge avec les draps.
Je fais couler un peu d'eau chaude.
Avec la pomme de douche, je lui mouille d'abord les pieds pour qu'il s'habitue à la température puis je remonte le jet vers son bassin.
Sans hésiter, j'avance la main.
Je n'ai ni gant ni savon.
Juste ma main…
Je le frotte comme si je le lavais.
Je passe entre ses jambes.
Je caresse son sexe tendrement qui, mécaniquement, se met à bander.
J'observe cet enfant qui, malgré sa légère tare, est magnifique avec ses cheveux noirs frisottés et ses yeux d'un gris foncé.
J'ai tellement envie de lui…
Je coupe l'eau.
Je l'essuie.
Je lui demande s'il a un pyjama de rechange.
Il hausse des épaules comme il le fait sans arrêt.
Je vais chercher sa robe de chambre.
Je serre la ceinture.
Je le prends par la main et je le ramène vers ma chambre.
— Tu peux dormir là, cette nuit… Je vais m'occuper des draps.
J'ouvre le côté froid de mon grand lit.
Il se recroqueville.
Je le couvre bien.
Je l'embrasse sur la bouche.
J'éteins la lampe de chevet.
Je m'empare du linge pisseux.
Je descends à la buanderie.
Je démarre un cycle court.
En attendant, je fume une cigarette en me confessant à moi-même…
Oui, j'ai toujours eu ce genre de pulsions.
Surtout pour les petites filles...
Comme vous l'avez peut-être deviné, j'ai été condamné pour attouchements sur mineures lorsque j'étais accompagnateur de randonnées.
Je ne sais pas pourquoi…
Les petites filles venaient vers moi…
Naturellement.
Elles cherchaient ma compagnie.
Elles se battaient pour être assises à côté de moi dans le car ou à la cantine.
Pour rigoler…
Pour se sentir bien avec moi…
Je plaisais.
L'événement m'avait complètement surpris.
Une petite fille de huit ans dans un sous-bois qui se jette à mon cou…
Elle a un gros chagrin.
Je la tiens contre moi.
Je la console.
Je glisse une main sous sa jupe…
Sur ses fesses…
Pour remonter et frotter le bas de son dos…
Cela suffit à me faire condamner.
J'étais vu.
J'étais pris.
Sous la pression d'un interrogatoire serré, la petite jurait que j'avais bien la main dans sa culotte.
Les autres du groupe se souvenaient de papouilles…
De jeux câlins.
Affaire classée.
Pas de prison ferme mais beaucoup d'interdictions à la clé.
Je n'avais rien dit à ma première femme.
Elle voulait des enfants.
Après des années d'échec, on découvrait ma stérilité qui, par usure, allait provoquer notre divorce.
Est-ce que ma stérilité venait de mon passé?
C'est ce que je pensais…
Un jugement divin.
Par précaution...
Juste.
Et voilà que, dans ma nouvelle vie, j'avais un petit garçon dans mon lit…
Et une femme, dans la chambre à côté, qui ne dormait jamais sans somnifère.
J'attends la fin du séchoir, allongé sur le canapé du grand salon.
Lorsque le linge est prêt, je refais le lit.
Benoît dort.
Je l'habille de son pyjama encore chaud.
Sans regarder.
Sans toucher.
Je le recouche dans son lit.
Le lendemain, personne ne sait rien.
Charlotte déboule en ouragan.
Elle repart avec Benoît sous le bras.
La nuit venue, je me branle plusieurs fois en pensant à lui dans mon lit.
Ce que je lui fais…
Les mois passent.
Les grandes vacances arrivent.
Geneviève possède un deux pièces à Deauville avec vue sur la plage mais elle n'a pas envie d'engager un palefrenier pour l'été…
Nos chevaux sont tellement mieux traités par mézigue...
J'accepte de me dévouer.
Geneviève déclare que je suis un ange.
Pour me récompenser, elle m'achète un petit cabriolet anglais de collection afin que je me promène dans les alentours, cheveux au vent, pour faire le vieux-beau.
— Quand elles vont te voir passer, toutes les gamines vont mouiller, me lance-t-elle, en me tendant les clés.
Je suis de glace.
Que sait-elle de mon passé?
Cette tâche noire que je cache à l'humanité.
A-t-elle engagé un détective privé?
Ou est-ce une simple provocation comme elle les affectionne?
Geneviève aime lancer des piques pour voir son petit monde gesticuler.
J'ai beau circuler sur toutes les routes des alentours, je croise peu de gens.
Des vieux, en majorité...
La campagne française se désertifie.
Il y a bien longtemps que les jeunes filles ont décampé.
Une relation extra-conjugale, tant que je suis discret, ne gênerait pas Geneviève.
Nous n'avons fait l'amour que deux fois et je suspecte qu'elle l'a fait pour estimer ma musculature.
Pour ouvrir ma mâchoire et regarder mes dents...
Et puis, je suis trop isolé dans ma cambrousse pour entreprendre quoi que ce soit.
Seul dans mon domaine, je vis la vie dont j'ai toujours rêvé.
Je nage à poil dans ma piscine à l'eau cristalline.
Je galope dans l'allée cavalière de ma forêt.
Puis, la nuit venue, je me masturbe en rêvant des cuisses d'un garçonnet.
Coup de théâtre de la mi-août, Charlotte débarque à l'improviste, seule, un peu surprise de me trouver sur place.
— Vous n'êtes pas à Deauville?
— Non.
— Pourquoi pas?
— Chien fidèle, je monte la garde. Grrrr…
— Pfff… Quel con!
Mot final qui, en général, termine nos conversations.
Charlotte s'installe chez nous comme si elle revenait vivre à la maison.
Elle s'étale.
Se lève à midi.
Passe ses nuits dans le Home-Cinéma.
Elle regarde des films gore d'épouvante.
Des histoires de jeunes filles qui hurlent la nuit.
J'entends les basses sonores malgré l'isolation de l'ancienne cave à vin.
Nous ne parlons pas de Benoît, puisque nous ne nous parlons pas du tout.
Seul changement à mes habitudes, j'enfile un slip de bain quand je vais me baigner.
Je gâte Charlotte, néanmoins.
Tous les matins, je vais lui acheter du pain frais et des croissants.
Lorsque le soleil se couche, je lui prépare son cocktail du soir, Cosmopolitan ou Manhattan, que je lui porte sous la véranda.
Un peu éméchée après son troisième verre, elle déclare sur un ton taquin:
— Comme vous faites bien le service, Firmin… Si vous voulez… Je veux bien vous sucer.
— Vous vous ennuyez donc tant que ça?
— Quel con! me répond-elle, en haussant les épaules.
Cette fois-ci, elle n'en reste pas là. Elle embraye…
— Je dois tout de même admettre que vous avez de l'endurance… À croire que vous êtes né pour porter les valises de ma mère…
— Chacun son destin… Je ne me plains pas.
— Vous savez qu'à Deauville… Elle est pas toute seule… Je vous donne le nom et le numéro du type, si vous voulez… Pour aller lui casser la gueule.
— Je ne suis pas du genre jaloux.
— Vous devriez… Vous savez que les gens se moquent de vous.
— Les gens? Quels gens?
— Tous les amis de ma mère qui défilent ici… Ils sont au courant, croyez-le bien...
— Au courant de quoi?
— De ce que vous êtes vraiment…
Charlotte me fixe de son regard de vipère.
Petite sueur froide…
— Qu'est-ce que je suis vraiment?
— J'allais dire un pauvre con mais je crois que c'est plus que ça, maintenant… Vous êtes passé à la catégorie au-dessus… Je veux dire que vous êtes… Un moins que rien… Un zéro à gauche, comme ils disent en Espagne… Ma mère est folle de joie de vous avoir rencontré. Un moins que rien… Elle en rêvait… Parce que papa c'était une autre classe...
— Votre père… Il était comment?
Charlotte force le rire.
— Mon père, s'il vous avait rencontré… Il vous aurait écrasé comme on écrase une merde… Et puis, il pesterait après, parce qu'il aurait souillé ses belles bottes de cavalier…
— Une merde, c'est mieux que rien… Je bois à ça… Et à votre santé, Charlotte… Je regrette tout de même de ne pas avoir fait la connaissance de votre papa… D'après ce que j'ai lu dans ses dossiers, il en connaissait un rayon…
— Quoi? Que savez-vous?
— Rien… Je ne sais rien du tout… Je suis un zéro à gauche… Vous le savez.
Charlotte fronce des sourcils.
Elle se méfie à présent.
Son héritage tient à un fil…
Je le sais.
Geneviève revient enchantée de la côte normande.
Elle me jure, un jour, de m'y emmener…
Le lendemain, je vaque à mes occupations dans l'écurie lorsqu'un bruit dans mon dos me fait sursauter.
Je me retourne effrayé.
C'est Benoît, de retour de je ne sais où…
Il me sourit.
Enchanté de le savoir de retour parmi nous, je le salue affectueusement…
En lui serrant la main.
Dès la première grosse dispute avec sa mère, Charlotte repart...
En l’abandonnant.
Geneviève est furieuse d'avoir le petit sur les bras.
Elle voulait qu'on aille à Paris…
Elle se sent coupable de m'avoir abandonné tout l'été.
Elle veut me gâter…
M'acheter les choses dont j'ai envie.
— Comment faire avec un mioche dans les pattes? souffle-t-elle comme une baleine.
Je déclare que je n'ai besoin de rien.
J'ai tout ce qu'il me faut, ici.
Par contre, Geneviève ne doit pas rater la rentrée littéraire…
Ces jeunes écrivains bourrés de talent, c'est trop important!
Folle de joie, elle s'attaque aussitôt à son emploi du temps.
Le soir même, elle est repartie...
Je me retrouve avec Benoît.
Je fais avec lui tout ce qui lui est d'ordinaire interdit.
Je le laisse courir dans la maison.
Je l'emmène au McDo le plus proche.
Je l'emmène au cinéma du patelin voisin.
Je lui achète des éclairs au chocolat.
Je l'encourage à essuyer ses doigts sales sur son polo tout blanc.
Benoît apprécie nos virées.
Il aime bien être à côté de moi dans le cabriolet.
Il n'a pas de réhausseur.
Il ne voit que le sommet des arbres, le ciel et les nuages…
Moi, je lui souris de complicité et, parfois, je caresse sa petite cuisse potelée.
La deuxième nuit, le petit garçon s'infiltre dans ma chambre.
Pas de pissou nocturne, il est venu de lui-même.
Il se glisse dans mon lit.
Il me tourne le dos.
Je m'approche lentement.
Nos corps se touchent.
Je bande mais ça ne le dérange pas.
Il se blottit contre moi.
Je l'écoute respirer.
J'ai envie de toucher sa petite queue mais je n'ose pas.
Je fais de mon mieux pour me contrôler.
Alors, j'approche très lentement ma main libre que je porte à mon gland.
Je me masturbe très, très lentement, à deux doigts...
J'éjacule dans mon poing serré puis je me tourne de côté.
Je feins d'aller faire pipi.
Lorsque je reviens dans le lit, Benoît dort innocemment.
Je le transporte dans son lit.
Si le garçon ne parle pas, il rit volontiers.
Je fais n'importe quoi pour le faire rigoler.
Des grimaces.
Des jeux enfantins.
Dans la piscine chauffée, je lui apprends à nager.
Je l'essuie.
Je le caresse.
J'effleure son petit sexe.
Je le tiens contre moi.
Je lui apprends aussi le cheval.
Je pousse ses petites fesses pour le faire grimper.
Je tiens sa taille serrée pendant la balade.
Parfois, j'ai la main posée plus bas…
Les nuits, le rituel recommence sauf la fois où sa petite main se déplace vers moi.
Il veut sentir l'étrange objet contre ses cuisses.
Il effleure ma queue bandée à travers le tissu de mon pyjama.
Elle s'agite de plus belle mais il ne dit rien.
Enhardi, j'avance ma main devant l'ouverture de son pyjama.
Je sens le petit doigt dressé.
Il bande, lui aussi…
Je le caresse un peu mais je ne vais pas plus loin, préférant me masturber contre lui.
L'idylle dure une dizaine de jours puis Benoît doit s'en aller.
C'est alors que je décide de ne pas rester.
Je ne me fais pas confiance.
Je ne suis pas fait pour cette vie.
Lorsque Benoît est absent, je ne pense qu'à lui.
Comment aller plus loin?
Comment franchir l'interdit?
J'ai le besoin insensé de sucer son petit sexe…
De lécher son anus.
De me planter en lui…
De jouir en lui…
Puissamment…
Abondamment.
Un jour, je pars sans explication.
Je laisse tout tomber.
Sans prévenir...
Sans laisser un mot.
Je n'amène rien qu'un peu d'argent liquide, pour me donner le temps de fermer la parenthèse.
J'atterris dans un hôtel miteux aux abords de la gare de l'Est à Paris.
J'ai le sentiment que beaucoup de mes confrères y séjournent, eux aussi.
Couché sur mon lit, je fume des cigarettes en pensant aux bouleversements au château.
Que font-ils sans moi?
Qui gère?
Comment?
Retrouvant un peu de liberté, je déambule dans le quartier, à la tombée de la nuit.
Je traîne surtout dans les sex-shops.
Je vais voir des films pornos au coin de la rue.
Pour quelques francs, je mate du cul à longueur de soirée.
Les hommes entrent et sortent en milieu de séance.
Moi, je reste…
C'est permanent.
Parfois, je dors dans la salle.
Le gérant me secoue en fin de programme pour me dire de filer.
Sa femme, qui tient aussi la caisse, est déjà à l'œuvre avec son grand seau, sa serpillière et ses grands gants de caoutchouc.
Elle me rabaisse d'un jugement muet.
Moi, j'envie leur couple…
La fortitude, vous comprenez.
À genoux sur le lit de ma piaule, je me masturbe devant des magazines hard.
Je cherche les mannequins les plus jeunes possibles.
Des adultes qui feignent d'être adolescents...
Voire des adultes avec des couches pour bébés qui sucent leur pouce dans des parcs à enfants.
Je ne sais pas comment Geneviève me retrouve.
Un après-midi, elle passe la porte du café où je prends régulièrement mon casse-croûte.
Avec son allure de bourge, elle dénote dans le quartier, encore plus dans ce troquet sordide.
Elle me tire vers une table éloignée.
Elle tient son sac à main sur ses genoux.
— Qu'est-ce que tu fais là? Qu'est-ce qui s'est passé?
Je ne sais pas quoi répondre.
Rien.
Il ne s'est rien passé.
C'est peut-être ça le problème...
J'aurais peut-être préféré qu'elle entre à l'improviste.
Qu'elle me voit en train d'enculer son petit-fils…
Bien à fond!
Pendant qu'il chiale tout ce qu'il sait…
Là, elle serait fixée…
Elle ne viendrait plus me faire chier comme elle le fait à présent.
— C'est à cause de Charlotte? Tu sais bien qu'elle raconte n'importe quoi pour m'emmerder… Depuis qu'elle sait marcher… Du venin… Elle en crache partout, sur tout le monde, parce que… Parce qu'elle est déboussolée… Elle n'a pas eu l'enfance qu'elle voulait. Moi, je ne voulais pas m'en occuper… C'est la faute de son père, tu comprends… Il avait des goûts… Il avait des envies… Je ne savais pas... Je ne voulais pas savoir...
Geneviève se mord la lèvre.
— C'était un gros salaud… Un porc! Je le détestais, comme t'as pas idée… Il a cassé notre fille et maintenant elle est complètement déglinguée… Elle ne s'en rend même pas compte… Elle nie... Elle croit pouvoir oublier… Par contre, elle aime faire le mal autour d'elle comme pour se venger… Parce qu'elle ne peut pas se venger de celui qui lui a fait le plus de mal… Tu comprends? Je ne t'en veux pas s'il s'est passé quelque chose avec elle… Charlotte n'a pas de sentiments… Pas comme moi…
Geneviève jette le sucre dans le café que vient de lui amener le serveur.
Elle tourne sa cuillère sans arrêt.
— C'est vrai que je ne suis pas la femme que tu pensais épouser… Moi aussi, je suis pas mal déglinguée… Pas comme ça… Mais un peu comme ça, aussi… J'ai des besoins, moi aussi, mais je n'ose pas en parler… Pas avec toi… Parce que tu vois, j'ai commencé à t'admirer… À vraiment t'aimer! Tout ce que tu fais pour moi… Pour les autres… Tu es bon, François… Tu es bon pour nous trois. Tu nous apportes la joie. Et tu sais quoi? Le petit Benoît s'est mis à parler. D'un coup… Un déclic miraculeux… Tu sais ce qu'il dit à longueur de journée? Il dit… Il est où François? Il est où? Pourquoi est-ce qu'il est parti? Tu vois… Tu nous fais du bien, mon chéri… Nous avons besoin de toi… Nous t'aimons… C'est toi qui est parfait… Nous ne pouvons pas vivre sans toi.
Geneviève pose une main sur la mienne.
Les soiffards du comptoir nous regardent comme au spectacle.
Une petite bourgeoise un peu rondelette, encore pas mal, qui aime un pauvre cave dégénéré, comme moi…
On aura tout vu!
Alors, j'écrase ma cigarette.
Je me lève lentement.
Sans un mot, sans un regard, je me barre de là, en abandonnant ma petite femme chérie qui s'est mise à pleurer...