Je suis au rayon jouet des Galeries Lafayette de notre belle petite ville.
Je cherche un cadeau pour les onze ans de mon neveu.
Je suis désolé du manque de choix.
Pour les garçons, on dirait qu'il n'existe que Lego ou Playmobil ou des jouets merdiques d'importation douteuse.
Moi, ce que je voudrais, ce sont des armes…
Pistolets de cowboy ou carabines de G.I, ultra-réalistes.
Ma sœur est complètement contre mais je sais que ça plairait à son petit trésor.
De voir le visage ému de Nicolas déballant le flingue…
La tête de ma sœur outragée…
Quel délice!
Hélas, la direction de ce magasin, pourtant traditionnel, semble être dans le camp de ma frangine.
Même les maquettes de chars et d'avions de chasse ont été remisées.
Alors, je cherche une nouvelle idée pour l'emmerder…
Je circule le long des rayons colorés lorsque je pense avoir trouvé.
Une poupée!
Je vais lui acheter une belle poupée.
Une qui pleure tout le temps et qui pisse au lit (ou inversement ).
Après tout, les éducateurs conseillent d'arrêter d'offrir des jouets par genre.
Ce serait éminemment pédagogique.
Nicolas serait complètement confus.
Sa mère l'obligerait, devant tous les invités de la petite fête, à apprécier son cadeau.
Elle en ferait un cas pour qu'il joue avec.
J'imagine la scène…
Furieux, Nicolas shoote la poupée à travers le salon.
Il n'en veut pas!
Sa mère se fâche.
Le gronde.
Le prive de gâteau.
Quel délice que de semer la zizanie.
Je cherche à me décider entre deux modèles de baigneurs lorsqu'une présence vient se coller à ma droite.
Surpris, je tourne la tête pour voir une petite fille devant l'étalage.
Elle a clairement pénétré mon espace.
Elle est à quelques millimètres de moi mais sans me toucher.
Elle fixe les baigneurs mais sans les admirer.
Elle semble intimidée.
Je lui donne une dizaine d'années.
Elle est plutôt pauvrement habillée.
Pas la propreté habituelle d'une fillette de nos beaux quartiers.
Un peu gêné de l'avoir si proche, je me déplace sur le côté.
Sa main gauche agrippe aussitôt la mienne.
Une petite main poisseuse et molle.
Je me tourne vers elle.
Elle me sourit d'un petit sourire inquiet puis regarde devant elle.
Mon cœur se met à battre.
Sans oser bouger, je jette des regards aux alentours.
Personne…
Personne dans le rayon jouet à part une caissière distante qui pianote sur sa caisse enregistreuse sans motif apparent.
— Bonjour… T'es toute seule?
La fillette ne répond pas.
Que fait-elle là?
Un jour de semaine…
Un vendredi, à onze heures du matin…
Et l'école?
Et sa famille?
Est-elle perdue?
Ma première idée est de l'accompagner au comptoir de l'accueil pour informer la préposée de cette enfant égarée.
Avec toujours sa main dans la mienne, je l'observe de plus près.
Elle porte des tennis roses, sans lacets, sur des collants blancs, une jupette de velours marron et un t-shirt mauve imprimé du message équivoque de Sexy Girl.
C'est tout.
Pas de sac.
Pas de colifichets.
Mes jambes flageolent légèrement.
J'ai besoin de bouger alors j'initie un mouvement vers l'ascenseur.
Elle m'accompagne sans résistance.
— T'es perdue?
Elle ne répond pas.
Elle ne semble pas comprendre.
Peut-être qu'elle ne parle pas le français.
Je commande l'ascenseur.
Les portes s'ouvrent presque aussitôt.
Il est vide.
La fillette me suit à l'intérieur.
Ses doigts collants sont fermement attachés à ma main frémissante.
Les portes vont juste se refermer lorsqu'un type entre à la dernière seconde.
Nous sommes face à face.
Un peu surpris, je le dévisage.
Un mec d'à peu près mon âge mais en très mauvais état.
Hirsute, mal rasé…
De profondes rides sous les yeux.
Il porte un épais manteau râpé et miteux, bien trop chaud pour la saison.
Lui aussi me fixe avant de déclarer d'une voix rauque avec un léger accent:
— Vous me la ramenez ici avant seize heures…
— Ici?
— Au rayon des jouets…
— Je…
— Elle est facile… Elle sait y faire…
— Mais… Je… Je…
Je balbutie de terreur.
Ce type me fait vraiment très peur.
— C'est mille euros… Tout de suite!
— Mille euros… J'ai… J'ai…
— Il y a un distributeur au rez-de-chaussée… On y va, maintenant!
En effet, à quelques pas du stand de l'accueil est installé un distributeur à billets.
Bon sang, mon cerveau tourne à toute vitesse mais la transmission est bloquée.
Je suis en surchauffe.
Incapable d'avancer…
Je dois pourtant me décider.
Est-ce une offre qui m'intéresse?
Je regarde la fillette toujours collée à moi.
Elle me sourit innocemment.
Une enfant prostituée et son affreux mac patibulaire…
Mille euros pour un après-midi à la baiser.
Ma première pensée cohérente est que c'est pas cher…
Putain, moi qui rechignais devant un poupon en plastique à cinquante balles pour narguer mon neveu, je trouve que de sauter une gamine de dix ans pour mille euros, c'est une bonne affaire.
Quel affreux type, je fais!
— D'accord? insiste le julot.
Il a la main plongée dans sa poche droite.
Qu'est-ce qu'il tient?
Un flingue?
Un couteau affûté?
Pour me signifier qu'il ne rigole pas…
Je ne rigole pas!
Par terreur ou par envie ou je ne sais pas vraiment, je hoche la tête positivement.
Mille euros pour m'acheter du temps…
Me débarrasser de ce sale type qui lit mon âme comme si j'avais mon pire secret tatoué sur le front.
La porte de l'ascenseur s'ouvre sur le rez-de-chaussée.
L'homme passe devant.
Nous le suivons à deux mètres de distance.
Rien d'alarmant pour le moment…
Un père de famille avec sa fille ou avec sa nièce…
Un étranger qui marche un peu en avant.
Arrivés devant le distributeur à billets, je lâche la main de la gamine.
Les deux sont dans mon dos.
Ils surveillent mes moindres gestes.
Je sors ma carte bancaire que j'introduis fébrilement dans l'appareil.
Je pianote mon code et le montant tout en pensant que c'est peut-être ça l'arnaque.
Dès que je vais donner le fric au proxénète, les deux vont partir en courant dans deux directions opposées.
Je ne les reverrai jamais.
Ah, je les vois déjà en train de se fendre la gueule dans leur caravane de gitans.
Pendant que la machine compte les billets, je tourne la tête vers l'homme.
Bon sang, il n'a pas l'air facile.
Le genre à ne pas hésiter à égorger un quidam si la situation venait à s'envenimer.
Je sais…
Je vais payer pour qu'ils me fichent la paix.
Qu'ils se cassent, c'est tout...
Je serais un gros con de pigeon mais ce sera juste un mauvais souvenir, après…
Lorsque les billets jaillissent de l'appareil, retenus par la pince de la petite trappe, je me déplace de côté.
L'homme voit la liasse en attente.
Il se met en mouvement.
— Avant seize heures… Au rayon des jouets.
J'opine.
L'homme s'empare des billets et les glisse dans la poche gauche de son manteau sans les compter.
Il me tourne le dos et quitte le grand magasin par l'entrée principale.
Je souffle de soulagement.
Je retrouve un peu de calme.
Même si je tremble encore, comme le gros poltron que je suis…
Puis, je la vois.
Merde, la fillette est toujours là.
Elle ne s'est pas barrée.
Elle m'offre son plus beau sourire.
Je n'en reviens pas.
Je vais baiser une gamine.
Je lui tends la main qu'elle accepte volontiers.
Nous quittons le magasin.
Elle est finement habillée avec seulement un t-shirt mais il fait beau.
Une belle journée ensoleillée de juin…
Nous marchons le long du boulevard.
Je jubile.
Ce n'était donc pas un coup fourré.
Je viens de m'acheter quelques heures avec une petite pute.
J'ai mes fantasmes les plus interdits au bout de la main.
Que faire à présent?
Par quoi commencer?
Quatre heures de récréation perverse…
Sans surveillance et sans tabou…
Le rêve enfin réalisé.
Je n'habite pas trop loin du centre.
Nous pouvons être chez moi dans trente minutes.
Mais là, je vois les obstacles.
La concierge…
Les voisins…
Les commerçants de ma rue.
Ils me connaissent.
S'ils me voient passer avec ce genre de gamine à la main.
Danger de mort!
Non, j'ai besoin d'agir comme un habitué.
J'ai besoin d'un hôtel.
Un hôtel de passe…
Il doit certainement y en avoir du côté de la gare.
Je ne sais pas vraiment.
Mais, sont-ils véritablement accueillants si la pro n'a que dix ans?
Et puis, la gare…
C'est une trotte.
Il faudrait prendre un taxi.
Encore un témoin à charge…
Aller chez un copain?
Non!
L'idée est clairement idiote.
Je ne peux parler à personne de cette expérience.
Jamais!
À moi de ruser…
Au bout de l'avenue de Flandres, je vois l'enseigne de la chaîne d'hôtels Escurial.
J'y ai déjà séjourné lors de déplacements.
Standard correct et service anonyme…
Je me souviens qu'on pouvait réserver avec son téléphone.
J'ai déjà l'appli installée sur le mien.
Je sors immédiatement l'appareil pour lancer l'opération.
En trois clics, j'ai non seulement une chambre mais, en plus, c'est déjà réglé.
Comme c'est vendredi, j'ai même droit à un tarif réduit.
Puis, crème sur le gâteau, je reçois un email de confirmation avec le code pour entrer dans ma chambre.
Je n'ai même pas besoin de passer à l'accueil…
Je me félicite aussitôt de mon génie.
C'est fou ce que la technologie moderne favorise la prostitution enfantine.
Dire qu'il y a un siècle, il fallait remplir, à la plume, une fiche de police détaillée avec la petite manola, patientant sagement à ses côtés.
La facilité de cette aventure me détend.
Putain, je suis un mec hyper chanceux qui va s'enfiler une gamine.
Putain, c'est comme Noël en été!
La fillette qui m'accompagne semble indifférente à ma personne.
Ma Sexy Girl me suit docilement.
D'ailleurs, il faudrait qu'elle change de t-shirt, un peu trop indicatif, à mon goût.
Et puis, elle sent vraiment mauvais.
Je ne vais pas la toucher avant qu'elle prenne un bon bain et un shampoing.
Qui sait quels genres de parasites pathogènes la squattent?
Quoique…
La perspective qu'elle n'ait pas encore de poils à la chatte me rassure.
Pas de risque de morpions…
J'en rigole en pleine rue.
Putain, quelle folie!
Je sens bien que ça va être le plus beau jour de ma vie.
Devant l'hôtel, je suis au bord de l'apoplexie tant mon cœur bat fort.
Allez, courage moussaillon…
Il suffit de nous glisser discrètement à l'intérieur et de trouver la chambre 216.
À travers les grandes vitres, je ne vois pas de clients dans le hall d'entrée.
La jeune femme à la réception est occupée à pianoter sur son ordinateur de service.
Que font-elles donc à taper comme ça, toute la journée?
Enfin…
Avec la gamine contre moi à ma droite, si nous fonçons vers l'escalier, elle ne verra que mon profil.
À moi de ne pas trébucher…
L'entrée se passe bien.
Nous sommes dans l'escalier qui monte aux étages, à quelques minutes seulement de l'extase.
Je presse le pas…
La gamine trottine derrière moi.
Nous voilà devant la porte…
J'ai le code sur mon portable.
J'appuie sur les touches fébrilement.
1-1-7-4.
Merde!
Ça ne fonctionne pas.
Je recommence.
Échec!
La porte est bloquée.
Putain, c'est toujours pareil avec la technologie, c'est génial jusqu'à ce que ça ne fonctionne pas.
Ce qui semble être le cas, à chaque fois.
Que faire?
Il va falloir que je descende à la réception pour me plaindre à la réceptionniste.
Merde!
Que des emmerdes de merde!
Je ne peux pas redescendre avec la gamine.
Ni la laisser seule dans le couloir…
Quoi, alors?
Ah oui, j'ai repéré un petit coin salon dans le hall d'accueil.
Un angle mort, un peu à l'écart du comptoir de la réception.
Je vais l'y laisser quelques minutes.
Après, on remonte dare-dare pour se mettre à baiser.
Ceci fait, j'approche de la jeune femme à la réception pendant que ma petite pute a le nez dans un vieux numéro de Connaissance des Arts.
— Bonjour, monsieur. Puis-je vous aider?
— Oui… Bonjour… J'ai fait une réservation en ligne et j'ai bien tapé le code de la chambre… Mais je n'entre pas… Je veux dire que la porte ne s'ouvre pas.
— Voyons voir… C'est à quel nom? me demande la jolie jeune femme, en écartant sa frange.
— Mon nom?
Bordel!
Qu'est-ce qu'elle a besoin de savoir mon nom?
Mon code de réservation doit suffire, putain de nom de dieu!
— Gastines… Denis Gastines. Avec deux s muets… Ça s'écrit comme Gass-tiness…
Comme de juste, la jeune femme pianote furieusement sur son clavier avant de me dire:
— Oui, en effet… Monsieur Gastines… Une nuit. Payée d'avance… C'est parfait mais il n'est que onze heures trente-sept… La chambre n'est accessible qu'à partir de quatorze heures.
— Quatorze heures? Pourquoi pas maintenant?
— C'est le règlement. La chambre n'est pas prête. Le service de ménage passera un peu avant votre arrivée.
— Mince, c'est que je comptais… Il n'y a pas d'autre chambre prête? Même avec un petit supplément…
Et que je te repianote sur l'ordi!
Putain, que de temps perdu.
Cette fois-ci, elle y met tellement de temps que je pense qu'elle va me pondre un roman.
Finalement, elle me transperce de son regard mi-ange, mi-démon.
— Ah, oui… Il y a une chambre disponible mais c'est une suite… Pas du tout la même catégorie… C'est la suite nuptiale, à cinq cent euros… Je ne pense pas que vous soyez intéressé.
Ah, les enculés!
C'est toujours le même coup avec ces franchisés.
Tout pour arnaquer son monde!
Jamais je ne remettrai les pieds dans leur chaîne à la con.
Putain, et dès que je peux, j'élimine l'appli de mon mobile.
Bien fait!
J'ai déjà claqué mille euros.
Je ne vais pas rajouter cinq cent billets pour baiser à peine pendant quatre heures.
— Vous la prenez?
La jeune femme me sourit en écartant de nouveau la mèche de sa coupe de cheveux bouffante.
Je suis presque prêt à accepter lorsque je pense à ce que je fais.
Là, en ce moment…
Mon nom dans son ordinateur…
Mes coordonnées dans leur système à la con et probablement des caméras qui filment chaque recoin du hall d'entrée.
Merde, quel bleu!
Je fais vraiment n'importe quoi!
Je vais me faire gauler si je continue comme ça.
— Non… Bon, merci… Je vais me débrouiller autrement…
La jeune femme grimace de déception.
— Entendu… J'annule, alors…
— Oui… Au revoir.
— Au revoir, monsieur.
La femme n'arrête pas de me regarder.
Je m'approche de la sortie mais elle ne me quitte pas des yeux.
Merde, elle peut pas retourner à son roman?
Je lui souris bêtement en me postant devant l'issue.
L'ouverture automatique des portes coulissantes m'invite à les franchir.
J'hésite…
La femme me sourit.
Les portes se referment.
Puis, s'ouvrent de nouveau…
Merde!
Comment récupérer la petite planquée dans son coin?
Je vois alors le panneau qui pointe vers le parking de l'hôtel.
Sur un ton cabot, je déclare à la réceptionniste:
— Je préfère sortir par le parking… Ça ira plus vite.
— Comme vous voulez, monsieur.
Je devine un ton moqueur comme si elle savait ce que je faisais.
Je m'en fiche!
Je fonce vers le coin salon.
Ah, sûrement qu'elle ne va pas m'oublier, celle-là!
Mon visage gravé dans sa mémoire lors de l'interrogatoire de police.
Surtout qu'il doit y avoir des caméras dans le parking aussi.
Je suis grillé, ici!
Pas question d'y remettre les pieds.
Furax, je prends la petite par la main qui me suit, sans comprendre, mais sans résister.
Je m'en fous.
Je vais trouver autre chose.
Pour l'instant, je n'ai pas encore commis de crime.
Pas la peine de me torturer.
Têtes baissées…
Surtout moi…
Nous coupons par le parking extérieur.
Nous nous retrouvons dans une ruelle, parallèle au boulevard.
Je marche avec ma petite pute à la main, toujours en train de réfléchir.
L'hôtel, c'est cuit.
On pourrait faire ça dans une voiture mais je n'en possède pas.
Une location?
Encore un flicage garanti…
Quel pays de cons!
On ne peut plus rien faire en France sans montrer patte blanche.
Tout est interdit.
Non, je dois réfléchir.
Trouver une meilleure solution…
Je suis fébrile et j'ai l'estomac vide, la raison probable de mon manque d'imagination.
Je me tourne vers la petite pour, spontanément, lui demander:
— T'as faim?
Elle secoue la tête d'un oui enthousiaste.
Du coup, je réalise qu'elle comprend très bien ce que je lui dis.
Ou bien, a-t-elle déduit mon propos, en entendant mon estomac grogner?
Nous nous dirigeons vers la place de la mairie.
Pas loin de la statue de Jeanne d'Arc, il y a une pizzeria en service rapide, ouverte 24/7.
Parfait pour un petit en-cas avant la baise de l'après-midi.
Au jeune boutonneux du comptoir, je commande deux grosses parts de margarita et deux petits cocas.
Je règle par carte.
Le plateau en main, je nous dirige vers un coin discret.
La petite se glisse sur la banquette.
Putain, ses pieds ne touchent même pas le sol.
Elle est minuscule par rapport à moi.
Au moins, elle est heureuse de bouffer.
Elle attaque aussitôt l'immense tranche dégoulinante de fromage fondu.
Moi, je sirote mon coca en réfléchissant.
Je jette tout de même un regard circulaire pour voir si quelqu'un a des soupçons.
Ça n'a pas l'air d'être le cas.
Pourtant, nous sommes très suspects.
La différence d'âge, oui…
Mais surtout la différence d'allure…
Je porte mon costume bleu marine de travail, chemise blanche sans cravate.
Pompes cirées.
Impeccable.
La petite, elle, fait romanichel.
Le genre qui, après sa pizza baveuse, va se remettre à mendier.
Où aller?
Où aller, putain?
C'est trop con de pas trouver...
Je me creuse les méninges lorsque j'ai une super idée.
Ma sœur…
Ma sœur travaille dans l'immobilier.
Elle a sans arrêt des locations meublées dont elle a les clés.
Est-ce qu'elle pourrait me dépanner?
Mon anticipation à baiser va plus vite que mon cerveau.
Avant d'avoir véritablement pesé le pour et le contre, je l'ai à l'autre bout du fil.
— Denis, ça va?
— Salut, Béa… Dis-voir, j'appelle parce qu'il vient de m'arriver un pépin. Figure-toi qu'il y a une fuite chez moi. Je ne peux pas retourner dans mon appart'... Tu… Tu aurais pas un truc pour me dépanner? Une de tes locations… Juste pour une journée… Une nuit… Ou même juste cet après-midi…
— Une fuite de quoi?
— Quoi?
— Eau ou gaz?
— Eau… Non, le gaz… Je ne sais plus. Peut-être bien les deux! L'immeuble a été évacué. Ma concierge est furax parce qu'elle va rater son feuilleton de l'après-midi.
— Pas de problème… Tu viens à la maison.
— Chez vous?
— Ben, oui! Absolument, quelle question…
— Je ne veux pas vous déranger… Et puis, y'a Alain et Nicolas.
— Ils t'adorent, tu le sais bien. Et puis, tu aideras avec les préparatifs pour demain. Y'a les ballons à gonfler. T'as pas oublié, hein? Ça commence à seize heures. Nicolas est surexcité, je ne t'en parle pas...
Merde!
J'ai complètement oublié l'anniversaire de mon neveu.
J'ai toujours pas de cadeau pour lui.
En même temps, je regarde ma petite pute qui se régale de sa pizza sans s'occuper de moi.
Putain, dire que je vais la niquer!
— Ils ne seront pas à la maison avant quinze heures trente. Si c'est urgent… Passe à l'agence, je te donne ma clé. Tu prends la chambre d'amis. Ça te va?
L'idée de sauter une gamine prépubère chez ma sœur a quelque chose d'absolument super excitant.
Et terrifiant, en même temps…
C'est tout à fait faisable, question timing.
Ma sœur Béatrice a son agence immobilière pas loin de la place de la mairie.
Je prends sa clé.
Je monte chez elle, qu'est à dix minutes à pied…
Je baise ma petite salope avant que mon beauf et son fiston rappliquent.
Putain…
Et s'il y a un pépin?
Ils rentrent à l'improviste.
Ils me voient en train d'éjaculer dans ma petite poupée...
Le drame!
— Bon, je vais voir... J'ai encore espoir qu'ils réparent la fuite rapidement. C'est peut-être une fausse alerte.
— Ben, tu fais comme tu veux… De toute façon, on se voit demain. Je dois y aller, là… Bises, mon grand.
Ma sœur est une jeune femme dynamique et moderne.
Elle a monté sa propre affaire et elle s'y donne à fond.
Son mari est architecte et ne se démerde pas trop mal, lui non plus.
J'aime bien chez eux.
Deux cent mètres carrés avec vue panoramique…
Grand balcon.
Tout le confort moderne.
Moi, j'ai pas le quart de ça.
Un quatrième, sans ascenseur, avec vue sur un couple de retraités.
En même temps, je n'ai pas à gérer une vie de famille.
Et surtout, je suis libre, Max!
Putain, je rêvasse…
Qu'est-ce que je vais faire?
La montre tourne et je n'ai toujours pas niqué la petite.
Sexy Girl a terminé sa part de margarita.
Elle lorgne la mienne que je n'ai pas touchée.
Je la pousse vers elle.
Elle se jette dessus toujours aussi affamée.
Putain, son mac doit même pas lui donner à bouffer.
Je pense au sale type dans l'ascenseur avec son couteau dans sa poche, prêt à m'égorger si je cafte.
Si jamais je suis en retard pour la ramener…
Avant seize heures!
Merde, il est déjà midi passé.
J'ai presque perdu une plombe.
Ce n'est pas trop grave…
Par contre, je n'ai toujours pas de plan pour la sauter.
Et si j'entrais par effraction dans un appartement vide?
Un meublé à louer?
Putain, encore des crimes à commettre…
Je vais accumuler les années derrière les barreaux.
Je regarde la petite qui se bourre de mauvaises calories.
Si j'avais une fille à moi, je ne la laisserais pas bouffer cette merde.
Si j'avais une fille de dix ans, je m'en occuperais comme il faut…
Heureusement, je n'en ai pas!
Parce que je suis un gros salaud de pédo!
Un sale type, dans de sales draps…
Regardez-là…
Dix ans et toute gamine…
Belle comme un ange…
Dire qu'elle fait le tapin à son âge…
J'en reviens pas.
En même temps, c'est la chance d'une vie que de pouvoir la baiser.
Sa toute petite chatte serrée…
Mon gland gorgé devant ses petites lèvres…
Quel pied!
Non, je délire…
Je ne peux pas faire ça!
Elle est beaucoup trop jeune…
Et si je la ramenais maintenant?
Le type n'a pas dit, à seize heures…
Il a dit, avant seize heures.
Je pourrais la ramener maintenant.
Probablement qu'il surveille l'entrée du magasin…
Peut-être qu'il me surveille, en ce moment.
Je regarde autour de moi.
Rien…
Que des inconnus…
Des jeunes couples…
Des familles…
Merde, la jeune femme tatouée à la caisse me regarde bizarrement.
Elle doit commencer à se poser des questions.
Nous sommes restés trop longtemps pour ne pas attirer l'attention.
Temps de dégager!
La deuxième part de pizza est à moitié avalée que je la lui retire des doigts.
Vite-vite, je prends notre plateau et je balance tout ça dans la poubelle la plus proche.
La gamine ne dit rien.
D'un signe de la tête, je lui fais signe qu'on s'en va.
Elle me suit sans rechigner.
Je crois que la caissière a attrapé son portable pour appeler les flics.
J'accélère le pas.
Nous marchons un bon moment aux bords du fleuve.
La petite fatigue.
Elle commence à traîner des pieds.
Elle est volontaire mais ses jambes sont toutes petites comparées à mes grandes enjambées.
Nous trouvons un banc pour nous reposer quelques minutes.
Je suis convaincu maintenant que la meilleure solution est de la sauter chez moi.
Tant pis…
Je vais trouver une astuce pour l'infiltrer.
En fait, je vois bien ce qui ne va pas…
C'est son allure.
Elle est trop différente pour être avec quelqu'un comme moi.
Il suffit que je l'arrange un peu.
Faire d'elle, une petite fille modèle…
Ensuite, si on me questionne, je la fais passer pour ma nièce.
Ma concierge m'a déjà vu en compagnie de Nicolas.
Elle pourrait être sa sœur…
Putain!
L'idée de l'inceste ajoute à mon excitation immorale…
Baiser ma nièce…
Je suis un monstre!
Je ne devrais pas penser à ça.
Puis, je me rassure…
La gamine…
Je ne la connais pas.
J'ai juste payé pour la niquer.
Après, je ne la reverrai plus jamais de ma vie.
Jamais!
Bon, au boulot…
Il faut d'abord s'occuper de l'habiller correctement.
Et je connais l'endroit.
Il y a une boutique de fringues d'occasion dans mon quartier.
Je passe devant la vitrine tout le temps.
Une clientèle hétéroclite de jeunes branchés, de mères-célibataires et de vieux sans le sou…
Courageusement, la petite me suit jusqu'à mon quartier.
Au moins, elle découvre notre ville…
Quarante minutes de marche depuis la pizza!
L'horloge tourne mais j'ai encore le temps.
La boutique de fripes s'appelle Judas Défroqué.
Astuce savante que je vous laisse cogiter.
Bref, nous entrons comme si de rien n'était.
Pour s'occuper, la jeune femme à la caisse n'a pas d'ordi mais un vieux magazine Rock&Folk.
Elle ne lève même pas le nez au son de la clochette.
Nerveux, je pousse ma petite pute vers la section enfants.
Bien entendu, j'aimerais bien lui acheter des petites choses affriolantes.
Des bas résilles…
Un body en latex…
Des talons aiguilles…
Une autre fois, peut-être…
Si je deviens un client régulier.
Aujourd'hui, je me rabats sur une robe de première de la classe.
Une petite robe en velours noir avec un col blanc qui me semble à sa taille.
Je lui montre la cabine d'essayage et le vêtement.
Elle comprend.
Je ne pense pas qu'elle serait offensée si je venais la rejoindre pour la mâter en train de se changer, mais l'employée, malgré ses tatouages hard-rock et ses piercings bovins, pourrait douter de mes bonnes intentions.
Alors, je reste à l'extérieur en prenant soin de me faire remarquer en inspectant sonorement un jeu de casseroles à prix réduit.
Après une ou deux minutes, la petite ressort.
Elle a enfilé la robe qui lui va à ravir.
Ses collants blancs vont parfaitement avec la tenue.
Comme elle n'a pas réussi à remonter la fermeture éclair dans le dos, je l'aide respectueusement.
Elle est maintenant parfaite.
Il y a juste la paire de tennis roses à ses pieds qui dénote.
Je ne pense pas trouver des souliers vernis, ici…
Alors, je m'en contente.
Ce sera la petite note rebelle.
— C'est combien la robe? je demande à l'employée en montrant ma nièce.
— Euh… Cinquante euros…
Quoi?!
Putain, cinquante euros?
Elle n'a même pas regardé s'il y avait une étiquette.
De l'arnaque, je vous dis…
De l'arnaque, à longueur de journée!
— C'est bon… Nous la prenons… Elle la garde sur elle si ça ne vous dérange pas.
— Eh, mec... Une fois payée… Ce que t'en fais, ça ne me regarde pas…
Voilà, une saine attitude...
J'aime ce genre de morale douteuse, issue de la contre-culture…
Rien n'est vrai, alors tout est permis!
Je lui tends le billet.
Elle note la transaction dans son carnet à spirale.
Comme j'ai les habits de la petite à la main, je lui demande:
— Vous auriez un sac plastique?
— Oui, mais c'est cinquante centimes…
Putain, je viens de te donner cinquante euros, poufiasse!
Je rage intérieurement même si je ne le montre pas. Je cherche dans mon porte-monnaie. J'ai une pièce d'un euro.
— J'ai pas de petite monnaie, grimace la jeune femme, maquillée gothique à faire peur.
J'en étais sûr!
Putain…
Je ne suis pas prêt à remettre les pieds ici!
— C'est bon, comme ça… Bonne journée à vous.
Nous sortons de la friperie.
Une bonne chose de faite…
Maintenant, il suffit de la coiffer.
Le cheveu gras emmêlé, ce n'est pas trop le genre de la maison Gastines.
Tout en marchant avec le sac à la main, je fais une recherche dans les rues voisines à l'aide de mon portable.
Il y a un salon de coiffure à quelques pâtés de maisons.
Encore un peu de marche à pied.
Courage, ma petite chérie…
C'est pour la bonne cause!
La gamine est de plus en plus fatiguée.
Elle n'arrête pas de bailler.
J'avais pas trop remarqué tout à l'heure mais elle a comme des ombres sous les yeux.
Comme si elle n'avait pas dormi depuis un bon moment.
Putain, quel métier!
Nous arrivons sous l'enseigne Impéra-tifs.
Astuce nettement moins subtile que le marchand de fripes.
Nous entrons.
Encore une clochette…
— Bonjour, madame… Est-ce que vous pourriez prendre ma nièce? Juste un shampoing et la coiffer…
La femme derrière son comptoir me rappelle ma mère.
Moulée dans sa gaine, les balconnets bien remplis et une permanente éternelle pour la couronner…
Pour info, ma mère est décédée.
Mais, je n'ai pas le temps d'en parler.
— Quel jour?
— Euh… Maintenant…
— Maintenant, c'est pas possible…
Putain, elle a pas un client, la vieille truie!
Y'a même la shampouineuse qui s'emmerde, au fond, en feuilletant un vieux Hola!.
— Il n'y a pas moyen? Elle… Elle est invitée à un anniversaire aujourd'hui… Comme vous voyez, elle en a bien besoin.
La femme dévisage ma petite pute en troussant le nez.
— Désolé, monsieur… J'attends madame Anguissola… Mais bon, après si vous voulez…
— Dans combien de temps?
— C'est une couleur alors il faut compter une bonne heure.
Re-clochette dans mon dos.
Je sursaute comme si le commissaire de police venait d'entrer.
Madame Anguissola vient d'arriver.
Une vieille peau qu'a bien cent ans…
Quelle idée de se faire teindre à son âge?
Surtout qu'elle a déjà les cheveux gris.
— Bonjour madame Anguissola, s'enchante la tenancière.
— Bonjour, madame Lalande.
La shampouineuse descend mollement de son tabouret.
Elle colle son chewing-gum sous le lavabo.
— O, la mignonne petite fille, déclare l'arrivante… Une vraie petite madone. Comment tu t'appelles, ma chérie?
Merde!
Je ne m'y attendais pas…
— Isabel, répond ma petite compagne avec un léger accent.
Plus précisément, elle ne prononce pas I-za-belle mais I-ssa-belle…
Mais merde quoi, c'est le choc, putain!
Elle parle!
Elle parle!
Bon sang, maintenant que j'y pense…
Je lui ai même pas encore demandé son prénom.
Quel con!
— Isabel… Quel beau prénom, commente la momie.
— Alors, c'est oui? me demande la coiffeuse, impatiente de s'occuper de sa vieille cliente.
— Entendu, dans une heure… Nous repasserons dans une heure…
Je pousse la petite devant moi.
— Hasta luego, Isabel, lance fièrement madame Anguissola.
— El gris es el color de la felicidad, lui répond ma protégée.
Madame Anguissola sourit d'émotion comme si elle venait de recevoir un bouquet de tendresse.
Moi, je pousse ma petite catin vite-vite hors de l'établissement.
Putain!
Moi qui pensais que j'avais affaire à une petite roumaine.
Là, du coup, je vais baiser en Zone Schengen…
Ça pourrait ajouter à ma condamnation devant le juge!
Non, ne pas penser à ça…
Rester positif!
Arrêter de transpirer…
Je regarde ma montre.
Est-ce que je vais vraiment attendre une heure?
Mon plan est complètement chamboulé.
Même si je n'en avais pas vraiment un, au départ…
Je me demande si je ne vais pas tenter le coup sans le coiffeur.
Le hic c'est que, Isabel a beau avoir une robe correcte, elle pue comme une sardine rance.
Elle n'a pas dû se laver depuis une éternité.
Si je pouvais la faire toiletter, en attendant…
L'idée m'amuse grandement.
Il y a bien du toilettage pour chiens, alors pourquoi pas du toilettage pour enfants.
Ah, ah, elle est bonne celle-là!
Mon neveu Nicolas n'est pas toujours très propre.
Parfois, il me met ses doigts dégueulasses sur le visage.
Y'a pas à dire…
Les gamins, ça sent mauvais.
Est-ce que je vais oser lui lécher la chatte?
Je ne sais pas encore…
Par contre, pour améliorer la situation odorante, il n'y a rien de tel que l'Eau de Cologne.
Ma mère en avait toujours dans sa salle de bain.
Une grande bouteille de 4711…
Coup de chance, il y a justement une parfumerie au coin de la rue.
Une succursale de la chaîne Clarissa, bien connue.
Je pousse la porte pour la quatrième clochette de la journée.
La vie est merveilleuse, n'est-elle pas?
L'opération sent-bon est vite arrangée.
La vendeuse en blouse blanche, plutôt canon, m'apporte immédiatement une bouteille de 4711.
Le tout petit modèle…
De la qualité traditionnelle à un prix raisonnable…
Dix euros et un joli sourire gratuit par-dessus le marché…
Je reviendrai!
— Merci, monsieur… Je vous souhaite une excellente journée, déclare la jeune vendeuse en touchant ses cheveux.
Je reviendrai, définitivement…
Pour asperger Isabel tranquillement, nous allons dans le jardin public pas trop loin.
Je m'installe sur un banc avec ma petite infante debout devant moi.
C'est vrai qu'elle est jolie.
Un visage précieux.
Un peu noble…
Je l'arrose d'Eau de Cologne comme si je la bénissais.
Elle se met à rigoler quand j'y ajoute des paroles en latin de cuisine.
Puis, je prends mon mouchoir que j'humecte avec le reste de la bouteille.
Je lui frotte délicatement les mains, les bras et le cou.
Bon sang, le coton blanc est noir de crasse.
La fillette a vraiment besoin d'un bain chaud.
Chez moi, je n'ai qu'une douche.
Trop étroite pour y tenir à deux…
Je commence à regretter l'offre de ma sœur qui possède une très belle salle de bain.
Carrelages italiens, douche à vapeur et aussi une immense baignoire avec vue sur le fleuve…
Imaginer se baigner à deux…
Face à face…
Avec cette petite déesse pour me savonner le gland.
Une fois ma jolie petite catin parfumée, elle vient s'asseoir à mes côtés.
Nous regardons les enfants en bas âge qui jouent sous les regards bienveillants de leurs mamans.
— D'où tu viens, Isabel?
— Prado.
— Prado? C'est une ville d'Espagne?
— Prado.
— Je ne connais pas.
À ma grande surprise, elle me prend par dessous le bras.
Elle pose sa tête contre mon épaule.
Je la regarde.
Elle ferme les yeux.
Je n'ose pas bouger pour ne pas la déranger.
J'ai mille questions à lui poser…
La première est de savoir comment on devient une petite pute.
Quelle malchance!
Quel mauvais coup du sort…
Vendue à des dizaines d'hommes par le sale type de l'ascenseur.
Une fillette innocente…
Obligée de sucer des queues…
Se faire baiser par devant.
Par derrière…
Peut-être par deux types, en même temps…
Quelle vacherie que tout ça…
Et pourtant, c'est son destin…
Comme j'ai le mien…
Chacun sa place…
Il y a le client et il y a la pute.
C'est la vie qui le veut ainsi.
Parce que nous, les hommes, nous sommes comme ça, depuis la nuit des temps…
Nés salauds, nous mourrons des salauds…
Y'a rien qui pourra nous changer.
Alors, autant en profiter, non?
Putain!
Moi aussi, j'ai un petit coup de barre.
Je ferme un moment les yeux.
Je serre la petite main dans la mienne pour pas qu'on me la prenne…
Un ballon de foot en pleine gueule me réveille en sursaut.
Putain d'enculés de mômes!
Peuvent pas faire gaffe!
Heureusement, ce n'était pas un vrai ballon de foot mais juste un ballon en plastique mou.
Mais tout de même…
— Pardon, monsieur, déclare le mioche en récupérant nerveusement sa balle.
Quel choc!
J'étais en train de rêver…
Un truc genre voyage dans le temps, super bizarre…
Je portais une armure.
J'étais fier comme Artaban.
Je m'éveille à la réalité.
La petite s'est allongée sur le banc.
Elle a la tête sur le haut de ma cuisse.
Je regarde l'heure.
Putain, ça fait une plombe qu'on dort!
On va rater notre rendez-vous chez madame Lalande…
Je secoue ma petite salope pour la réveiller.
Je la tire par la main.
Elle trotte derrière moi tandis que j'avance au pas de charge.
Heureusement, le salon Impéra-tifs n'est pas trop loin.
Je pousse la porte.
Clochette…
— Ah, c'est vous… Nous pensions que vous n'alliez plus passer.
— Désolé… Nous nous étions assoupis…
— Ça ne fait rien… En fait, vous auriez pu venir plus tôt parce que madame Anguissola ne se sentait pas bien… On a repoussé son rendez-vous… Voilà, notre princesse! Viens ma chérie, on va t'installer… Vous avez encore le temps?
— Pardon?
— Jusqu'à l'anniversaire… C'est bien ça, non?
— C'est à seize heures… Juste un goûter… Un camarade de sa classe… Nicolas, je crois…
— Pas de problème… Elle sera jolie comme une petite mariée… Je lui fais un petit maquillage?
— Euh… Je ne sais pas… Ça va prendre combien de temps?
— Voyons voir, il est… Comptez une bonne demi-heure…
— Ça ne vous ennuie pas si je vous la confie? J'ai un truc à régler…
— Pas de soucis… Je vais juste noter votre téléphone au cas où.
— Oui… 07 12 08 15 66
— C'est parfait… Alors, à tout à l'heure…
Je quitte le salon de coiffure un peu déboussolé.
C'est la première fois, depuis ce matin, que nous nous séparons.
Je pense au maquereau avec son coupe-chou dans la poche.
Si je la perds pour de bon, ça va être l'horreur!
Mes tripes étalées, avant que je sois écaillé au couteau…
Non…
Isabel ne craint rien avec ma mère...
Qu'est-ce que je raconte, putain?
Je dis vraiment n'importe quoi…
Le truc c'est que j'ai une grosse envie de pisser après le coca du déjeuner.
Je me cherche un troquet, vite fait…
Coup de chance, il y a un rade au croisement dans l'autre direction de la parfumerie.
Je pousse la porte.
Pas de clochette, cette fois…
Dieu, merci...
Pas trop de clients, à cette heure-ci…
— Bonjour, me salue le patron, un grand type avec une moustache en guidon.
— Bonjour… Je vais prendre un petit café, s'il vous plait… Je peux utiliser les WC?
— Oui, mais c'est un euro.
Un euro?
Il se fait pas chier, lui!
Je cherche dans mon porte-monnaie…
— C'est bon… Vous réglerez ça avec le café…
— Merci.
— Au fond de la salle à gauche…
Je me dépêche vers le réduit.
Sur place, je sautille en sortant mon outil.
Putain, quelle joie que de se soulager!
Je suis surpris que la petite n'ait pas demandé à faire pipi…
Peut-être qu'elle ira chez la coiffeuse.
Ou bien, elle est allée à l'hôtel.
Les toilettes étaient juste à côté…
Tout en pissant, je calcule le temps qui me reste.
Une demi-heure pour la coiffure…
Un bon quart d'heure pour marcher jusqu'à chez moi…
Disons qu'on parle à la concierge ou à une voisine…
Ajouter cinq minutes…
On grimpe à l'étage.
Cela me laisse deux bonnes heures pour me la faire.
Sauf que je dois penser au trajet pour retourner dans le centre.
Disons, une demi-heure de moins…
Ah, j'oubliais la douche de la petite…
Et puis, avec tout ce que j'ai cavalé, j'en prendrais bien une, moi aussi…
Au final, ça me laisse une heure pour la baiser.
Une heure, ce n'est pas mal du tout…
Je peux la baiser combien de fois dans une heure?
Commencer par une petite pipe…
C'est obligatoire, non?
Après, je la prends en levrette.
Trois fois!
Oui…
Avec un peu d'effort, je peux la baiser trois fois…
Ce qui fait le coup à 333 euros et un tiers…
C'est correct, non?
Si je ne tire que deux coups, ça fait cinq cent, tout rond.
Je dirais que c'est encore valable…
Peut-être que je devrais prendre une petite pilule bleue…
Est-ce que j'ai le temps de trouver une pharmacie?
Pas la peine, avec mon envie dingue de baiser…
Et je crois que c'est sur ordonnance ces machins là…
Par contre, j'ai pas de préservatifs.
Faudrait tout de même qu'on s'arrête, en chemin…
Putain, encore dix minutes de perdu!
Et puis, merde…
Je ne peux pas acheter des capotes dans une pharmacie avec une gamine qui me tient la main…
Les gens sont cons, mais pas cons à ce point!
Ah, putain…
Mais, non!
C'est moi qui suis con…
Elle a dix ans!
Elle ne craint rien…
Et puis, si elle me refile un sale truc, je m'en fous parce que, quoi qu'il arrive…
Ça vaudra toujours le coup!
Je presse le bouton pour rincer le pissoir.
Je range ma flûte.
Je me lave les mains.
Je me regarde dans le miroir fendu.
Putain, quelle gueule!
J'ai l'air d'un fou furieux…
Complètement crevé…
Stressé…
Quelle journée!
Faut que je me calme sinon je ne vais pas en profiter.
Je retourne au comptoir du bistrot.
— Ça va mieux?
— Hein?
— Ça fait du bien…
Le patron pointe du nez en direction des WC.
— Ah, ouais… Merci.
Je jette un carré de sucre dans mon café.
Je souffle un peu.
Un expresso, ça va me relancer…
Je trempe les lèvres.
Je regarde ma montre.
J'aimerais bien passer en vitesse chez moi pour préparer le terrain.
Je ne crois pas avoir fait mon lit, ce matin…
Et puis, je n'ai pas changé mes draps depuis plus d'une semaine.
Ça doit moufter!
Quoique…
La propreté, c'est pas la priorité de la petite.
Elle a dû en voir des bouges puants.
Des matelas pisseux…
Pauvre gamine…
Tomber sur un sale type comme l'autre blaireau…
Si au moins, elle fricotait avec un mac sérieux.
Elle n'aurait pas à lever ses clients aux Galeries Labraguette…
Putain, si j'étais un vrai vicieux…
Vraiment, un sale type!
Elle serait dans de beaux draps, tiens…
— Je vous l'allonge d'une petite goutte? me propose le patron.
— Pardon?
— Un peu d'eau de vie pour vous redonner des couleurs… On dirait que vous revenez d'un enterrement.
— Non, je vais à un anniversaire… Mon neveu… Onze ans!
— Ah ben, pour sûr que vous en avez besoin.
Le patron attrape une bouteille sans étiquette de sous son comptoir et verse une rasade sur ma demi-tasse de café.
— Du normand… Je le fais venir spécialement de Domfront… J'ai de la famille, par là-bas…
— Ah, ouais? Mon père est né à Domfront.
— Pas possible… Il s'appelle comment?
— Gastines… Jules Gastines… Mais il est mort, ça fait un moment…
— Boire à sa santé, c'est plus vraiment nécessaire… Alors, à la vôtre!
Le patron soulève un petit verre. J'avale mon café au calva qui me tord l'estomac.
— Il est mort à Domfront vot' papa?
— Non… Il a vécu ici… La famille de ma mère avait une affaire… Il était marchand de bois… Domfront, j'y suis allé que deux fois… Deux fois pour des enterrements… Quand j'étais enfant… Ma grand-mère, mais je n'en ai pas le souvenir et… Et, mon oncle… Maintenant que j'y repense… C'est bizarre… Je me souviens, maintenant… J'avais dix ans.
— Désolé de ramener ça…
— Non, c'est rien… C'est que j'y avais pas pensé depuis longtemps… Je ne me souviens que de mon jouet… C'était… C'était une…
— Allez, je vous remets ça… Pour oublier.
Cette fois, j'ai le droit à un petit verre.
Je n'hésite pas.
Je l'avale cul sec.
— Un peu de potion magique pour repartir au combat!
— Merci patron… Je vous dois combien?
— Avec les WC, ça fera dix euros, tout rond.
Ah, putain…
Les normands, tous des cons!
Il me rappelle mon père, qui ne lâchait jamais rien…
Il passait sa vie au téléphone à vendre du bois qu'on ne voyait jamais.
Tout était dans sa tête.
Il fumait deux paquets de Gitanes par jour.
Et ce n'est même pas ça qui l'a tué…
Bon, là j'ai un petit moment et je suis un peu alcoolisé…
Alors, je peux y aller…
Mes parents sont morts dans un accident de voiture.
J'avais vingt-et-un ans…
Ma sœur, dix-huit…
Je me souviens qu'à l'époque j'étais à la fac à Orléans.
Je passais mon temps dans les fêtes à draguer les minettes…
J'avais déjà un plan de carrière en béton.
J'avais trouvé un bouquin qui s'appelait Bien vivre en France sans rien foutre…
Un best-seller, à l'époque…
Un truc en dix leçons que je comptais appliquer à la lettre.
La première règle d'or était de ne jamais se marier…
Surtout, jamais de mômes!
La vie de famille, c'était une galère sans fin…
Des efforts constants...
Sans compter que célibataire, on baisait qui on voulait!
Deuxième règle d'or…
Se trouver un boulot de fonctionnaire…
J'avais commencé à l'époque à m'inscrire à tous les concours de la fonction publique.
Après trois tentatives, je décrochais l'Éducation Nationale…
Pas prof, non…
Mais contrôleur financier, à l'académie…
L'Éducation Nationale, je ne vous dis pas…
C'est comme le gros lot avec la super cagnotte en plus…
La règle d'or numéro trois, c'était…
— Je vous en remets un?
— Euh, non… Là, je peux pas… Un anniversaire de gamins… Si j'arrive bourré chez ma sœur… Je ne vous dis pas…
— Comme vous voulez…
Je lui donne son billet de dix euros.
— Merci, patron… À la prochaine…
— Ouais, la prochaine fois que l'envie vous prend…
Le type se marre de son astuce vaseuse tandis que je le salue de la main.
C'est ça, mec…
Cause à mon cul, ma tête est malade!
Bon, je me retrouve dans la rue, soulagé et requinqué.
Plus qu'à aller au salon de coiffure, ramasser ma petite pute et m'envoyer sur la lune.
Rien ne pourra plus m'arrêter maintenant!
Je marche d'un pas énergique.
J'ajuste ma mèche en passant devant la vitrine.
Moi aussi, je devrais me faire couper les cheveux…
Guilleret, je pousse la porte de chez madame Lalande.
— Me voilà, je chantonne… Elle est prête ma petite pu… Puce?
— Oui, juste à temps!
La coiffeuse tourne la chaise pour me présenter ma…
Putain!
J'en tombe presque sur le cul.
Isabel est magnifique!
Ses longs cheveux soyeux, d'une teinte presque dorée, sont montés dans un chignon élaboré soutenu par des tresses et des effets de bouclettes.
La coiffeuse l'a légèrement maquillée.
Son teint est nettement plus pâle.
Il accentue la profondeur de son regard et le rose de ses lèvres…
— Alors… Comment la trouvez-vous? demande fièrement madame Lalande.
— Magnifique! Magnifique!
Isabel sourit de mon compliment sincère.
— Vous en avez de la chance d'avoir une si jolie fille…
— Euh, non… C'est ma nièce… De mon frère Philippe… Sa mère est castillane… Espagnole… C'est compliqué…
— Je pense qu'elle sera la reine de la fête…
— Oui, absolument!
Isabel saute du fauteuil.
Comme avant, elle vient prendre ma main.
— Merci, madame… Je vous dois combien?
— Cinquante euros, s'il vous plaît…
Ah, putain…
C'est la ruine!
Moi, je me fais couper les cheveux chez le maghrébin pour quinze balles.
Voyant ma gueule de radin, la coiffeuse ajoute:
— Je ne vous compte pas le supplément maquillage… Comme c'est sa première fois… Mais vous reviendrez, j'espère… Vous habitez dans le quartier?
— Rue d'Ostende.
Putain...
Quel con!
Je vais lui montrer ma carte d'identité si ça continue…
— C'est pas trop loin, ça… Alors, il faudra revenir souvent.
— Je vous remercie, madame.
Je lui tends le billet qu'elle glisse dans le tiroir devant elle.
— Merci encore et au revoir.
— Au revoir, Isabelle, s'enchante madame Lalande. Bonne fête, tout à l'heure… Amuse-toi bien!
Curieusement, la petite lâche ma main pour effectuer une révérence parfaite.
Les deux femmes du salon sont complètement sous le charme de ma petite salope.
Qui l'eut cru?
Ouf, nous sommes dans la rue et cette fois…
Tout est réglé!
J'ai une petite catin présentable avec qui je pourrais aller à l'Élysée.
Rien à voir avec la souillon que le type m'a refilé…
Bon, c'était pas mal d'efforts, mais je suis super fier de me promener avec elle.
J'ai presque envie d'aller sonner à la loge de ma concierge rien que pour la lui présenter…
Non, là, je déconne…
J'ai mieux à faire, comme vous savez…
Main dans la main, nous marchons d'un bon pas vers la rue d'Ostende.
Ce qui me laisse juste le temps de terminer mon histoire avec mes parents…
Comme je disais, un tragique accident de voiture…
Mon père ne portait jamais sa ceinture!
D'ailleurs, j'ai préféré ne pas apprendre à conduire, suite à ça…
C'est certainement lié, psychologiquement.
La peur du volant…
Bref…
Après ça, ma sœur et moi sommes revenus au bercail familial…
Nous partagions le bel appartement de mes parents.
La bonne vie!
Je ne vous parle pas des fêtes…
Une union parfaite dans la tragédie…
Je ne crois pas que je pourrais vivre loin de ma sœur…
J'admire tout ce qu'elle a fait depuis.
Sa réussite…
Son élan…
Moi, avec mon job de planqué, je ne brille pas trop en société mais j'ai su rester fidèle à mon principe de liberté.
Liberté…
Liberté, chérie!
Les choses se gâtent en approchant le rue d'Ostende.
Des types en salopettes bleues ont dressé une barricade qui nous empêche l'accès.
— Bonjour… Euh, pardon, monsieur… J'habite dans la rue… Je peux passer?
— Désolé, pas question… Toute la rue a été évacuée.
— Qu'est-ce qui se passe?
— Fuite de gaz! L'équipe d'urgence est en train de réparer mais ça va prendre un moment…
— Combien de temps?
— Plusieurs heures… Pas avant dix-huit heures.
— Mais, non! Ce n'est pas possible… Je dois absolument aller chez moi!
— Désolé… C'est qu'on ne rigole pas avec le gaz… Sauf si c'est du gaz hilarant… Mais là, je me marre…
L'employé de GDF rigole lourdement d'une blague qu'il doit user à longueur de journée.
Je sors mon portefeuille.
— Si je vous donnais un petit quelque chose… Pour les bonnes œuvres… Les petits gazés…
Le mec tire la gueule, aussi sec.
— Là, je ne rigole plus, mon gars… La situation est trop sérieuse et tentative de corruption d'un agent du service publique, ça peut aller chercher loin…
Il remarque que je suis accompagné.
— Elle est rudement mignonne la petite… Elle est à vous?
— Ben, oui… À qui voulez-vous qu'elle soit? Vous la connaissez?
La suspicion m'étreint.
Il a une sale gueule de pédo, ce mec…
Je range mon fric.
— Non, je disais ça comme ça, répond-il, en se grattant la tête. Bon, désolé… Repassez un peu plus tard ou attendez, comme vous voulez… C'est pour votre sûreté et celle de votre enfant.
Merde!
C'est complètement dingue cette histoire…
Je suis à la fois furieux, prêt à exploser de ne pas pouvoir passer…
Et…
Et complètement soufflé par mon sixième sens…
Ce midi…
J'avais dit à ma sœur au téléphone qu'il y avait une fuite chez moi…
Étais-je devin?
Putain…
Mais, non!
Quelle merde!
Tout ce que j'avais prévu tombe à l'eau!
Que faire?
Je regarde ma montre.
La seule option reste encore l'hôtel.
J'ai encore la chambre, mais c'est loin…
En même temps, c'est proche du grand magasin où je dois ramener la petite.
Peut-être la meilleure solution, après tout…
En se dépêchant, on y sera dans une bonne demi-heure…
Et si je prenais un taxi, ce coup-ci?
En compagnie d'une princesse comme Isabel, je n'ai plus rien de suspect.
Même l'employé du gaz n'a rien flairé et il a forcément du nez…
Bon, assez déconné…
Suffit de trouver une station de taxi.
Le problème d'habiter en province c'est qu'il n'y a jamais de taxi, à part deux ou trois endormis, autour de la gare…
Pour une ville de plus de cinquante mille habitants!
Putain, rien n'est facile aujourd'hui.
Comme de juste, la station de taxi de la rue de Vervins est déserte.
Appelant la centrale, j'apprends que toutes les voitures sont en service et que je n'ai plus qu'à patienter…
Putain, la rage!
La rage, je vous dis!
Heureusement, Isabel n'est pas du genre à se plaindre.
Devant chaque obstacle, elle garde le même visage impassible d'angelot bien éduqué.
Elle a dû apprendre la discipline à la dure.
Pas comme mon crétin de neveu qui sème la terreur chez lui…
J'adore ma sœur mais sa méthode d'éducation laisse franchement à désirer.
Je comprends qu'un fils unique soit choyé mais de là, à tout lui pardonner…
— Il va apprendre de lui-même… C'est l'âge, ça passera…
T'étais comme ça, toi aussi, ânonne Béa après chaque nouvelle connerie de son petit chéri.
Tu parles, Charles!
Je n'étais pas un petit con malpoli!
L'autre jour, plutôt que de me saluer correctement, son sale gamin m'avait traité de pédale de gauche…
Ah, les baffes se perdent, je vous jure…
Par comparaison, Isabel est divine.
Silencieuse.
Respectueuse.
Une pure joie que d'être en sa compagnie!
Lui reprenant la main, nous retournons vers le boulevard qui mène au centre-ville.
Avec un peu de chance, il y aura peut-être un bus…
Je n'aime pas trop le bus.
Mon boulot est à vingt minutes de chez moi.
Sur la ligne du tram…
Raison pour laquelle j'ai choisi d'habiter par ici.
Et puis, tout le monde ne peut pas se payer un appartement dans les beaux quartiers…
Quand on décide de rien foutre dans la vie, naturellement…
On monte moins vite dans les échelons.
Boulot à vie, oui…
Mais, à petit prix…
Dire que j'avais claqué mille euros, ce matin.
Quelle folie!
Pour faire quoi?
Je ne sais même pas si je suis vraiment un pédophile…
L'idée m'inspire, c'est vrai…
Comme tout le monde, j'imagine…
Braver l'interdit…
Le dernier grand tabou de notre pauvre civilisation qui part en couilles.
Et puis, on en parle sans arrêt…
Pas un mois sans un reportage odieux sur l'exploitation des enfants par des curés ou des célébrités…
Forcément, ça donne des idées…
Honnêtement, je crois que j'apprécie l'idée de la pédophilie.
C'est le concept qui me fait bander mais je ne suis pas certain de pouvoir vraiment…
Et puis, maintenant, Isabel est trop belle…
Sexy Girl, peut-être…
Vite fait…
Du genre, on se glisse dans les toilettes publiques…
Je baisse mon froc…
Elle me fait du bien avec sa petite main…
À la limite, avec sa bouche…
Quoique les pipes, je ne suis pas trop fana…
Et je vais vous dire, il n'y a que dans les bouquins que les femmes avalent.
Même pas dans les pornos…
Une fois, à une fête de jeunesse, j'avais oublié de me contrôler…
La fille était forcée d'avaler.
Qu'est-ce que j'avais pas fait!
À croire que j'étais Jack l'éventreur contre Dracula…
Tiens, ça ferait un bon film ça…
Je suis surpris que personne y a pensé.
Ou peut-être si…
Il faudra que je fasse une recherche ce soir avec mon ordi…
Ah oui, les pipes…
J'oubliais l'essentiel…
Comme je vous disais…
Ma mère est morte dans un accident de voiture…
Justement, parce qu'au même moment…
Mon père…
Elle le…
Enfin, vous comprenez…
Imaginez la scène…
Pour de vrai…
Ma sœur et moi devant le lieutenant de gendarmerie…
La cause de l'accident, qu'on lui demande, atterrés par l'épouvantable nouvelle…
C'est un peu délicat, dit-il.
La voiture était sur une ligne droite.
Rien de dangereux…
Mais il semble que vos parents étaient engagés dans un acte un peu spécial…
Un acte spécial?
Quel acte spécial?
Une…
Une fellation…
Le pire, je vais vous le dire…
Ma sœur et moi, nous avons éclaté de rire!
Là, devant le gendarme qui se retenait lui-même, pour pas se bidonner…
Vous rigolez, vous aussi, mais c'est triste de perdre ses parents qu'elle que soit la circonstance…
Je n'aurais jamais pu imaginer ça…
Surtout venant de ma mère…
Ma mère était sexy, oui…
Mais, du genre vieille France…
On en parle en famille, pour rigoler…
Mais est-ce qu'on fait grand chose?
C'est pas dit…
Et mon père n'était pas franchement un Casanova…
Bedonnant…
Il puait la cigarette.
Des dents affreusement jaunes…
Des poches sous les yeux…
Et puis…
Une pipe…
En voiture…
Une CX…
Tellement pas eux, ça…
Je croyais vraiment que c'était une blague…
Un copain de fac qui aurait monté la meilleure des pires blagues possibles!
Non, c'était pourtant bien la réalité…
Un rapport de gendarmerie, tapé à deux doigts, pour le prouver…
Le genre de cas qui fait marrer la brigade.
Un truc qu'on se passe dans les étages pour voir les clichés…
Sordide!
Affreux!
Putain de vie…
Putain de mort.
Isabel me serre la main.
Elle marque un arrêt.
Qu'est-ce qu'elle veut, maintenant?
— Baño, por favor…
Quoi?
Un bain, maintenant?
C'est ce matin qu'il fallait prendre son bain, ma chérie.
— Tengo que urgente…
Je comprends lorsque la petite pose une main devant son entre-jambe.
— Pipi? Esto pipi? je lui demande dans sa langue.
— Por favor…
Elle a l'air désespérée.
Ah, je savais que ça allait la prendre…
Voilà, elle n'a pas pris ses précautions!
On s'avale un coca et on demande seulement à pisser quand c'est l'urgence!
Exactement comme mon neveu Nicolas…
Toujours à me faire chier, celui-là!
Je regarde autour de nous.
Rien dans les parages…
Pas de sanisette.
Pas de commerce.
Juste un long boulevard gris avec des rangées d'immeubles.
Même pas d'arbres depuis que le maire a décidé de déverdir l'arrondissement pour cause de crottes d'oiseaux sur les véhicules en stationnement.
Que faire?
Est-ce que je vais sonner à une porte de concierge pour demander de l'aide?
Pour lui mimer mon manque de solution, j'ouvre mes mains en haussant un peu les épaules…
Je n'ai pas de toilettes dans la poche.
Désolé…
— Giro de vuelta…
— Hein?
Elle me fait signe de me retourner.
Je lui tourne le dos sans vraiment comprendre.
Puis, à ma grande stupéfaction, je vois la petite qui se glisse entre deux voitures en stationnement.
Du coin de l'œil, je la vois baisser ses collants blancs et s'accroupir pour pisser dans la rue.
Choqué par le son de sa miction, je regarde le ciel en croisant les bras, mine de rien...
Quel aplomb!
Voilà une petite que rien n'effraie.
J'imagine qu'il faut ça, dans son métier.
Ne pas craindre l'instant…
Trouver une solution, sans se reposer sur les autres…
Les enfants d'aujourd'hui attendent trop des parents.
Ils attendent sans arrêt des miracles!
Après une minute ou deux, Isabel reprend ma main.
Nous faisons quelques pas lorsque nous entendons:
— Ah ben, c'est du propre!
Je me retourne.
Un type en costume cravate avec une sacoche à la main enclenche la télécommande qui condamne les portes de son véhicule.
— Ah ben, faut plus se gêner maintenant… Vous lui apprenez le caniveau, c'est ça?
— Désolé monsieur, c'était une urgence.
— Faut prévoir, mon vieux… Tout de même! Ah, elle est belle la France…
Je hausse des épaules.
Nous nous éloignons.
Voilà bien le problème avec notre pays…
Tout est toujours la faute des parents.
Tout, tout le temps…
À croire que les enfants ne comptent plus dans l'équation.
Putain, c'est elle qui voulait pisser!
Pas moi…
Qu'il s'en prenne à elle…
Et pour commencer, ce n'est pas ma fille...
C'est une petite pute que j'emmène à l'hôtel pour la baiser, vieux con!
On ne peut jamais dire ce qu'on pense vraiment…
Nous arrivons complètement épuisés.
Personnellement, je ne rêve que d'une chose…
Me couler un bon bain chaud, m'y enfoncer avec un bon verre de whisky et savourer la détente.
L'envie de baiser est loin de mes pensées.
D'ailleurs, je me souviens maintenant que les hôtels Escurial ont des chambres préfabriquées avec des modules salle de bain qui n'offrent qu'une douche.
Peut-être que je devrais m'offrir la chambre supérieure, après tout…
Putain!
Cinq cent euros pour un bain chaud?
Non, faut pas déconner…
Et la petite, quoi qu'il arrive, je dois la ramener au grand magasin avant seize heures.
À moins que…
Je redonne mille euros au mac pour avoir la soirée, en plus…
Là du coup, ce serait le pied…
Tout le temps de traîner dans la suite nuptiale…
Commander du champagne…
Trinquer avec ma princesse dans un bain moussant.
L'anniversaire de mon neveu?
Rien à foutre!
Je ne vais pas me laisser dicter ma vie par un petit con mal élevé…
Ce coup-ci, je suis regonflé à bloc.
Les caméras…
Les flics…
Rien à cirer!
La vie est trop courte pour se priver.
Il faut foncer!
Les grands de ce monde ne se gênent pas…
Une petite pute dans leur jet privé, ça ne doit même plus les faire bander.
Probablement qu'ils les commandent par paquets…
Après tout, si on peut l'imaginer, pourquoi ne pas le vivre?
Si on en a les moyens, évidemment…
Est-ce que j'en ai les moyens?
Mille cinq euros de moins et mon compte sera à découvert…
Pourtant, ça doit passer…
Parce que je vous le dis comme je le pense…
Un moment de liberté de cette qualité…
Ça vaut le coup!
Nous passons les portes de l'hôtel.
Complètement vannée, ma petite compagne fonce vers le coin salon.
Elle retire ses tennis qui doivent lui faire mal aux pieds.
J'espère qu'elle n'a pas d'ampoules.
Bof, je m'en fiche…
Tant que je n'ai pas à payer de supplément pour dommages...
En chemin vers le comptoir d'accueil, ma fougue se dégonfle.
Pour commencer, ce n'est plus la même personne à la réception.
Envolée la belle jeune femme et son roman à l'eau de rose, cette fois c'est un barbu du genre costaud, ce qui me fait hésiter.
Peut-être que je devrais en rester avec le plan initial…
Je regarde l'heure à ma montre…
Putain, il est quinze heures trente!
Juste le temps pour une passe…
Et encore, ça va être juste-juste si on se lave un peu avant…
Pas le temps pour une pipe…
Mais, j'avais déjà fait une croix dessus.
Je vais juste la limer une ou deux minutes…
En fait, je n'ai même pas besoin de la déshabiller complètement…
Un coup rapide dans la chambre et on repart, aussi sec…
Pas génial, mais au moins j'aurais accompli mon devoir.
— Bonjour monsieur, puis-je vous aider?
— Euh… Je ne sais pas…
— Pardon?
— J'hésite un peu, maintenant… On m'a dit ce matin que vous aviez une suite de libre…
— Vous avez une réservation?
— Oui… Gastines… Denis Gastines…
L'homme appuie sur deux touches de son ordinateur.
Il a déjà toute la liste sous le nez…
Ah, tout de même, hein…
Les mecs, c'est quand même autre chose!
Regardant son écran, il caresse sa barbe bien taillée.
— G-a?
— S… Comme gasse… Mais on ne prononce pas le s… Ni au milieu, ni à la fin… Je sais, on pourrait simplifier mais c'est une tradition familiale…
Mon humour ne l'affecte pas.
Il garde le nez sur son écran avant de déclarer.
— Je suis désolé, monsieur… Je n'ai pas de réservation à ce nom.
— Ce n'est pas possible! J'étais ici, ce midi… La chambre n'était pas prête…
— Vous avez réservé avec ma collègue?
— Non… Avec mon portable…
— Ah, oui… Je vois… Cette réservation a été annulée.
— Par qui?
— Par vous… C'est marqué… Annulation à la demande du client… Ne vous inquiétez pas, vous serez remboursé dans deux à trois semaines…
— Putain, tout de même… C'est trop con! Merde…
— Je vais vous demander de surveiller votre langage, monsieur.
Quoi, je gêne quelqu'un?
Y'a pas un blaireau dans ton hôtel de merde!
Putain, je sais maintenant pourquoi les putes vont toutes à la gare…
Trop de cons dans le centre-ville!
— Bon, alors je reprends une nouvelle chambre… Vous me compliquez la vie, vous savez…
— Un moment, s'il vous plaît…
Ce coup-ci le mec se met à pianoter longuement.
Je me disais aussi…
Il va me pondre la suite, assurément…
Je vois déjà le titre…
Bien vivre en France en faisant chier son monde…
Après quelques minutes, qui semblent durer une éternité:
— Désolé, monsieur… Nous sommes complets.
Ah, putain, non!
Les enculés…
Quelle bande de vampires, tous!
— Bon, d'accord… Je vous vois venir… Alors, je prends la suite nuptiale… C'est pesé!
— Désolé monsieur mais nous n'avons pas de suite nuptiale… Seulement des chambres catégorie luxe ou prestige luxe…
— Mais, ce matin… Votre collègue m'a dit…
L'homme me sourit méchamment.
— Je pense qu'elle vous taquinait un peu…
Sa grimace est équivoque…
J'interprète ce qu'il veut dire.
Traduction:
— Vous êtes con, mon vieux… Vous lui plaisiez bien et vous avez raté l'indice… Une chance de b…
Merde, alors…
C'est fort possible…
C'est que j'avais d'autres idées en tête, à ce moment.
— Qu'est-ce que je vais faire maintenant? Je n'ai que jusqu'à seize heures…
— Pour faire quoi?
— Un anniversaire de gamin… C'est compliqué.
— Encore une fois, je suis désolé pour la confusion… Si vous voulez, je peux appeler notre établissement proche de la gare… Ils ont sûrement une chambre de libre.
— Ouais… Ben, non… Je n'ai plus le temps… Plus le temps… Merci, monsieur.
Je tourne le dos au mec.
Complètement crevé, je vais m'asseoir dans le petit coin salon.
Dans son grand fauteuil design, Isabel a replié ses jambes sous elle.
Elle lit la même revue que ce matin…
Je vois sur la couverture que c'est un spécial Prado, le grand musée madrilène.
C'est ça qu'elle voulait me dire…
Elle est de Madrid.
Elle doit habiter le quartier du musée.
Peut-être qu'elle a été enlevée de chez ses parents fortunés par le sale type de ce matin.
Qui l'exploite sans vergogne, en attendant de toucher sa rançon…
Putain, j'ai un début de migraine…
Je m'en fiche d'elle.
Honnêtement, je m'en fiche de tout.
J'en ai marre de cette histoire à la con!
Je sais...
On va aller dans les toilettes, juste à côté.
On va se planquer dans une stalle.
Je vais sortir mon zob et elle va me branler…
Comptons cinq minutes avec le temps de se laver les mains après.
On court ensuite vers le grand magasin.
Je redonne la gamine à son mac.
J'achète n'importe quel jouet pour mon neveu et je vais passer la soirée chez ma sœur pour bouder et râler!
Ça me botte!
Allez, c'est parti mon kiki…
Je me lève d'un bond.
Je prends le magazine des mains de la petite et je le jette au centre de la belle table de verre.
Je la tire par la main.
Elle n'a pas le temps de mettre ses tennis qu'elle tient à la main.
Nous suivons la flèche vers les toilettes.
Nous passons l'angle du couloir lorsque notre chemin est barré par un chariot d'entretien.
Une grosse femme noire est en train de donner un coup de serpillière.
— Pardon, madame… Pouvons-nous utiliser les toilettes?
— Merci de patienter dix minutes… Le temps que ce soit prêt…
— C'est qu'il y a urgence.
La femme se redresse.
Elle nous contemple.
— C'est pour la petite?
— Oui…
— Comme elle n'a pas ses chaussures… Elle peut y aller. Vous… Il faudra patienter.
— Elle a…
Je cherche un mensonge mais je commence à caler.
Elle a quoi?
Elle a besoin d'aide?
Pourquoi?
Pour pisser?
Elle n'en a même pas envie…
Moi, par contre, après mon café allongé…
La femme écarte son chariot.
— Vas-y, ma petite chérie… C'est la première porte…
Isabel me regarde, sans comprendre.
— Elle est espagnole…
— Ouais ben, c'est la même affaire dans toutes les langues, commente l'employée.
— Baño, je lui dis en montrant la porte du doigt.
— No quiero ahora…
— Bon, décidez-vous… Parce que j'ai pas toute la journée.
— Nous non plus, figurez-vous… Nous non plus!
Furieux, je tire Isabel vers la sortie.
En chemin, elle parvient à enfiler ses tennis en sautillant.
Ras le bol!
On fonce au grand magasin.
Les toilettes sont au quatrième.
Pas loin du rayon des jouets…
Merde, je me souviens qu'il y a une dame-pipi qui surveille l'entrée.
Une grosse russe qui m'effraie.
Une fois, j'avais pas laissé de pourboire, elle m'avait traitée de tous les noms dans sa langue de goulag…
Depuis, je déteste y retourner.
Je me retiens, à chaque fois...
Quinze minutes plus tard, nous entrons dans le grand magasin à marche forcée.
La grande horloge à l'entrée sonne ma sentence…
Seize heures pile!
Ma princesse sera donc épargnée.
Pas de pipe!
Pas de cul!
C'est peut-être mieux comme ça…
Pour elle…
Pour moi…
Je suis tout de même déçu.
C'est bien naturel…
Nous prenons à toute vitesse la série d'escaliers mécaniques qui montent aux étages.
Au moins, le type va être content de la reprendre…
Et moi, de m'en débarrasser.
Même si je commençais à m'habituer à avoir sa petite main dans la mienne.
Sa main va me manquer…
Nous voici au rayon des jouets et l'ambiance est très différente qu'en fin de matinée.
La clientèle active d'un vendredi après-midi…
Des gens circulent dans les allées à la recherche de bonnes affaires.
Je scrute les visages anodins.
Je ne vois pas mon type…
Je commence à transpirer.
Pour l'aider dans cette confusion, au cas où il aurait du mal à nous repérer, j'entraîne Isabel vers le rayon des poupées.
À l'endroit précis où elle m'a pris la main pour la première fois…
Nous nous plantons devant le rayon.
Je fais mine d'être un client ordinaire.
Je regarde le présentoir sans vraiment m'y intéresser…
C'est alors que je la vois…
Devant moi, une grande boîte avec une belle poupée à l'intérieur…
De la marque Infante, la poupée aux beaux cheveux dorés est habillée d'une robe de velours noire avec un col blanc et des collants blancs.
Elle est…
Elle est magnifique.
Je n'en reviens pas.
Elle est exactement comme Isabel.
Pas aussi vivante, naturellement…
Mais l'expression…
Le léger maquillage…
Le rose de ses lèvres…
Soufflé par la similitude, je me tourne vers…
— Nicolas! Putain, qu'est-ce que tu fous là?
Mon neveu est juste à ma droite. Il lâche aussitôt ma main et part en courant.
— Maman! Maman! Y'a papa qu'a dit un gros mot!
Il s'éloigne vers l'allée voisine.
Je suis perplexe en revenant sur terre…
Merde, j'ai rêvé…
Putain d'imagination!
Je le mets sur le compte d'une journée hyper stressante…
Et j'ai super envie de pisser.
Au même instant, une main ferme me prend par le bras.
Je sursaute.
— C'est elle qui te plaît?
— Quoi?
— La poupée.
Je regarde la femme qui vient de me parler.
Ma femme Béatrice avec sa coupe de cheveux moderne et son beau sourire…
Elle porte son costume de l'agence immobilière et des tennis roses aux pieds.
Ses talons hauts sont dans le grand cabas sous son bras.
— Je…
— Maman, j' veux ça!
Nicolas est de retour avec une réplique d'une carabine Winchester…
Taille enfant, mais vachement réaliste.
— J'ai dit pas de pistolets ou de jouets guerriers… Trouve autre chose… Tiens, regarde… Papa pensait t'offrir une poupée pour changer… Qu'est-ce que tu penses de celle-là? Elle est mignonne, non? Tu pourrais la mettre sur ton lit… Lui faire des petits bisous…
Le ton de Béatrice est clairement ironique.
Elle pointe vers Isabel, ma princesse désabusée, figée pour l'éternité sous son abri en plastique.
— Je veux pas de poupée! hurle Nicolas. Non, mais vous êtes trop cons, des fois!
Furieux, mon fils s'éloigne en visant de sa carabine les clients voisins comme s'il s'entraînait à liquider une high-school américaine.
— Ne parle pas à ta mère sur ce ton!
Je souris aux témoins présents, affolés par mon manque d'autorité.
— Il est de plus en plus mal poli, je commente à Béa. Je me demande d'où ça vient…
Elle me serre un peu plus près en soupirant.
— C'est l'âge… Avoue qu'à onze ans t'étais pas différent…
— J'étais complètement différent!
— Bon, on laisse tomber la poupée… L'idée n'était pourtant pas mauvaise… Tu lui prends une grosse boîte de Lego, il sera ravi… Sans compter que t'as encore les ballons à gonfler pour la fête demain… Ma sœur va passer, après tout… Son concert a été annulé. Au fait, t'as réservé la chambre pour tes parents?
— Oui… Avec l'appli… Mais non! Non! Pas question! Pas de Lego! Je suis hyper crevé, Béa… Je ne veux pas passer la soirée à tout construire pour lui… Je me voyais plutôt prendre un bon bain chaud… Je pue comme t'as dû le remarquer…
— Alors, je viendrais te savonner, ajoute malicieusement Béatrice en m'entraînant vers le rayon aux grandes boîtes bleues.
— Tu sais… C'est marrant… En regardant cette poupée… J'ai eu comme un moment… Un flash… Du coup, je me suis souvenu d'un truc que j'avais complètement oublié.
— Quoi?
— Le jour de mes onze ans… J'étais à Domfront… C'était l'enterrement de mon oncle. Je ne m'y intéressais pas du tout… Sa mort… Les gens… Ça ne me touchait pas… Je me souviens seulement de mon cadeau… Je me souviens de la boîte du jouet… Je l'avais dans les mains toute la journée… Sans jamais pouvoir l'ouvrir…
— Et c'était quoi? Une poupée?
Je souris de l'ironie.
— Non… Pas du tout… Une CX.