Aéroport du Bourget.
Dans une salle d'attente opulente pour propriétaires d'avions privés.
Jean Lassay, un homme d'une cinquantaine d'années, habillé d'un survêtement blanc d'une marque de luxe ostentatoire, Facetime avec une petite fille de sept ans qui larmoie en l'écoutant.
― Les chats sont des êtres nuisibles, explique Jean. Des mauvais esprits… Tu sais quand on est mort. Eh bien, tu vois… Si t'as été méchante dans ta vie, tu reviens en chat… Si t'as été bonne, tu reviens en chien… C'est aussi simple que ça. C'est pour cette raison qu'un chat, tu n'en veux absolument pas… Leur méchanceté est sans fin… Des chasseurs cruels… Des monstres! Les chats ne méritent pas notre respect. On peut les frapper… Leur donner des coups de pied… Les noyer. Les chats sont toujours les alliés des personnages mauvais… Tu te souviens du film qu'on a vu avec maman dans le Home Cinéma… Tu te souviens que le méchant tenait un chat sur ses genoux qu'il caressait… Eh bien, ce chat aime cet être maléfique… Un complice dans la terreur et la destruction du monde… Pense aussi aux sorcières ou aux vieilles femmes qui vivent enfermées chez elles et qui sentent mauvais… Plus t'as de chats, plus tu pues… Alors, tu comprends, ma puce, pourquoi je ne veux pas de chat à la maison… Jamais! C'est pour cette raison que tu n'en auras pas… Et ce n'est pas la peine de pleurer, Audrey. Ma décision est prise… Elle est définitive. Pas de négociation possible.
Les larmes de la petite ne font qu'augmenter.
Du coin de l'œil, Jean voit approcher une belle jeune femme, moulée dans un uniforme bleu marine, perchée sur des talons hauts.
― Je dois y aller, ma chérie… Mon avion est enfin prêt. Je t'embrasse très fort. Je t'aime très fort…
Jean souffle un baiser avant de couper la communication sans hésitation.
Les avant-bras sur ses cuisses et les genoux bien écartés, il lève le nez vers la blonde platine.
― Pardon, monsieur Lassay…
― On y va? C'est bon, maintenant?
― Je suis désolée, monsieur… Le pilote vient de nous dire que votre avion n'est toujours pas prêt à décoller.
― Merde, putain! Qu'est-ce qui se passe, bordel?
L'hôtesse pince légèrement les lèvres.
― Toujours un problème sur la turbine, côté bâbord.
Le sang monte immédiatement au visage de Jean.
― Fais chier ça… Merde, à la fin! On doit pouvoir décoller avec une seule turbine, non? C'est bien pour ça qu'on en a deux, putain!
Face à sa vulgarité, la jeune femme grimace plus clairement.
― Je ne sais pas, monsieur… Je ne pense pas.
― Quelle perte de temps! C'est bon… Je patiente encore un peu… Pas trop le choix. Quel merdier!
― Je peux vous amener quelque chose?
― Ouais, la tête du chef mécano sur un plateau en argent!
L'hôtesse force un sourire avant de s'éloigner, au son du cliquetis de ses talons sur le carrelage.
Jean admire son beau cul moulé.
La jeune femme est à bonne distance lorsqu'il propose:
― En attendant, vous pourriez peut-être me sucer?
La femme se retourne brusquement.
― Pardon? lance-t-elle, avec des éclairs dans les yeux.
― Euh… Je n'ai rien dit… Tout est OK. Merci…
Jean lui sourit en jouant l'innocent.
Elle a parfaitement compris.
Elle retourne vers son comptoir d'un pas pressé.
Jean reprend son téléphone.
Il pianote l'écran avant d'ouvrir un site de clips pornographiques.
Il s'étale davantage tout en regardant une lesbienne lécher l'anus de sa copine.
Une agitation au bout du petit terminal attire son attention.
Un homme très grand et mince, vêtu d'un survêtement blanc d'une marque de luxe concurrente mais tout aussi ostentatoire, vient d'entrer.
Il est suivi par un entourage de cinq assistants, habillés de costumes slim foncés, qui suivent leur maître à marche forcée.
Jean coupe l'image sur son portable mais feint néanmoins de s'y intéresser.
Il ne veut pas lever les yeux.
Arrivé à sa hauteur, l'arrivant le voit et s'arrête brusquement.
― Eh, salut mec, déclare l'homme qui, plus âgé que Jean, est couronné d'une chevelure grise épaisse.
Jean lève le nez vers Noël Colmont, magnat de la finance, qu'il a reconnu dès son entrée.
― Ah, tiens… Salut, mon vieux.
Sans bouger ou rectifier sa position, Jean lui tend un bras mou.
Les deux hommes se touchent le bout des doigts dans un simulacre de poignée de main.
― Qu'est-ce que tu fous là, mon con? demande Noël, d'un ton de voix particulièrement sonore.
― Mon zingue est H.S… Une connerie avec la turbine bâbord. Font chier ici, t'as pas idée… En plus, le service est lamentable. Un véritable enfer.
― T'as quoi, maintenant?
― Falcon 700… Le X… Moteurs Rolls-Royce… La première fois que ça m'arrive!
― Ah, putain! M'étonne pas! J'avais que des emmerdes avec le mien, compatit Noël. Je te conseille un Global 8000. Le petit dernier de Bombardier… Putain, mon con… Tu verras… Chaque décollage, tu vas bander comme si t'étais le Yéti qui baise la Reine des Neiges.
Jean sourit du bon mot, en exhibant ses dents hyper blanches.
― J'ai pas besoin d'aide pour ça, frime Jean. Je bande maison, si tu vois ce que je veux dire.
La pique touche au but.
Noël grimace à peine, avant de demander:
― Tu vas où?
― Je récupère la famille à L.A. pour un peu de vacances bien méritées, répond Jean en souriant de plus belle.
― Alors, t'as fini par vendre, hein? Espèce de petit enculé… Les petits jaunes ont enfin giclé… Faut dire que ta gorge profonde, tu l'as bien fait durer.
― Qu'est-ce que tu veux? Le Money Shot, c'est ce qui compte à la fin.
Jean se repose contre le dossier de cuir de son fauteuil.
Il croise une jambe pour encore mieux exposer son entrejambe.
Noël hoche la tête.
― Alors, la Dolce Vita est d'autant plus méritée… Hawaii?
― Les Marquises… J'ai loué toute une plage, rien que pour nous… Une semaine de sable blanc… Et surtout, personne pour venir me faire chier.
Une pause silencieuse interrompt l'échange.
Noël grimace plus volontairement.
La nouvelle pique de Jean a été bien reçue par le destinataire.
Noël n'a pourtant pas l'air d'être décidé à s'éloigner.
― T'amènes ton cuistot? J'ai un très, très bon souvenir de son canard truffé…
― Il est déjà sur place… Marine a un régime strict.
Noël tord sa bouche ironiquement, avant de préciser:
― C'est ce que j'ai lu, en effet… Comment va ta femme?
― Bien… Elle mitonne son petit dernier avec Daniel Craig, à ses côtés… Un remake du Sucre, tu verras.
― J'espère que, ce coup-ci, elle ne va pas nous servir une daube aux navets, ironise Noël.
À son tour, Jean grimace après le coup reçu.
― Tu viens d'où, comme ça? demande-t-il, pour changer de sujet.
― J'ai pris une semaine, moi aussi… Avant de me replonger dans le merdier.
― T'étais où?
Noël hésite à répondre.
Il se tourne vers ses assistants, à l'écoute depuis le début.
― Vous autres… Allez, devant… J'arrive dans une minute.
Le groupe d'hommes et de femmes costumés s'éloigne sans un mot.
Noël vient s'asseoir sur le fauteuil libre, proche de Jean.
Ce dernier se redresse un peu.
― J'ai passé une semaine à Calibanie, déclare Noël, en confidence.
― Connais pas…
― Une île des Caraïbes… Ah, putain! J'en reviens pas… Les meilleures vacances de ma vie. Je te jure!
― Quoi de plus?
― Extraordinaire! Putain… Extraordinaire! Et pour des mecs comme nous, c'est pas facile à trouver ça.
― Quoi de plus?
Noël jette un regard circulaire.
La jeune hôtesse derrière son pupitre est assez loin pour être hors de portée d'une conversation murmurée.
Noël approche le visage pour la confidence.
Il baisse la voix.
― Je sais que t'as déjà tout fait, mon con… Avec ton fric, t'as déjà tout essayé… Sauf ça… Crois-moi… Pas ça!
― Quoi?
Jean est très attentif.
Noël baisse encore la voix.
― As-tu déjà bouffé de l'homme? demande-t-il avec le plus grand sérieux. De la chair humaine… Préparée par un chef expérimenté… Avec un raffinement inégalé…
― Non! C'est dégueulasse! s'offense Jean.
― J'étais comme toi quand on m'a dit ça, la première fois… Je ne connaissais pas… C'est normal… Parce que c'est ce qu'on nous répète, non? La chair humaine, c'est dégueulasse… C'est immangeable! Ben, je vais te dire… C'est faux! C'est complètement faux, putain… Crois-moi! C'est même l'inverse… Je n'ai jamais rien savouré de meilleur. Meilleur que tout ce que ton cuistot t'a jamais mitonné… Et puis, t'es pas n'importe où… Calibanie, c'est le paradis sur terre! J'en ai encore plein les mirettes… J'ai fait des trucs, là-bas, que je n'oublierai jamais de ma vie. Jamais!
― Tu me fais marcher… Ça n'existe pas ton machin.
― Je vais te mettre une image dans la tête, mon con… Une seule! Si c'est pas ton truc… Ok, tu ne dis rien… Top secret… Silence complet… Mais, si c'est oui… Et que… Bien sûr… T'as assez de couilles pour essayer… Alors, tu m'appelles… Je te branche avec le mec qui organise tout ça.
― Quelle image? Quoi?
― Imagine ça… Avant de le vivre pour de vrai… T'es sur la plage… Un coucher de soleil incroyable… Un cadre tropical merveilleux… Une douce brise parfumée… T'as hyper faim… Les tables sont préparées pour un barbecue de dingue… Tu savoures un bon rhum de cent ans d'âge… Et là… Juste devant toi… Un grand feu… Le Chef qui fait tourner la broche à la main… Les flammes crépitent… Il assaisonne d'épices… Il badigeonne la viande d'une marinade sublime… La viande… La chair… Le corps d'une petite fille de cinq ans! Empalée sur la broche… Qui tourne doucement… La peau est déjà croustillante… Ta bouche salive comme jamais… Parce que, putain… C'est ton dîner!
Noël se lève d'un bond.
Il frappe l'épaule de Jean en camarade.
― Allez, je file, mon con… À la revoyure!
Noël s'éloigne d'un pas pressé.
Jean est sous le choc de la conversation.
Confus, il fronce des sourcils.
Il affiche une expression entre choc et incrédulité.
Entre dégoût et suspicion.