Devant le miroir mural de notre salle de bain, j'admire pour la première fois de ma vie le corps d'une femme.
Le plus extraordinaire est qu'il est complètement à moi.
Je l'habite si bien que je peux l'adorer.
Le caresser...
Le chérir.
L'aimer.
Après la séance d'épilation intime, je suis fascinée par ce sexe dénudé.
Ma poitrine me plaît aussi mais rien est comparable à l’espace magique entre mes jambes.
Trop curieuse.
Trop à bout.
Trop excitée.
Je m'allonge sur le tapis de bain moelleux.
Je découvre de mes doigts fouineurs l'intimité profonde de ma femme.
J'écarte les cuisses en grand.
Je laisse s’épanouir l'origine du monde.
Je fais ce que chaque homme rêve de faire.
Stimuler un corps féminin de l'intérieur pour en comprendre, avec certitude, les sensations les plus intenses.
J'écarte les grandes lèvres.
Je caresse les petites.
Je masse l'urètre.
Je tourne autour du clitoris gorgé de désir.
L'effleurement féminin n'a rien à voir avec la masturbation masculine.
Chez l'homme, c'est trop facile.
Quelques secondes à se tripoter, l'érection arrive automatiquement.
Après un massage plus ou moins rapide de la verge, on a un résultat.
Plaisir rapide de l'éjaculation.
Sperme épais qui confirme le succès.
À l'instar du caractère féminin, le vagin est autrement plus compliqué.
Plus mystérieux.
Plus profond.
Contrairement à l'homme, primate pervers qui ne pense que par sa queue, c’est le cerveau féminin qui mène la danse.
Le toucher seul ne suffit pas.
J'ai besoin d'une image érotique sensible pour me stimuler.
Je pense aussitôt aux deux êtres dans ma vie.
Julien m'horrifie.
Je ne peux pas imaginer faire l'amour avec ce double lubrique de mon ego.
Docteur Jekyll transformé en Mister Hyde.
Affreux!
Avec ma sœur, c'est pire.
Notre baiser incestueux m'a chamboulé.
La caresse était trop psychologique.
Trop personnelle, pour y projeter un fantasme véritablement érotique.
Affligeant!
Qui puis-je aimer?
J’avoue que je complique la chose…
Après tout, j'ai devant mes yeux l'être sexuel désiré.
J'ai Mathilde sous mes doigts.
Ma propre femme…
Soumise.
Ouverte.
Pour autant de temps que je le désire.
Il suffit d'auto-aimer celle qui m'a tant séduite.
Qui m'a tant fait bander.
Pour ce faire, je dois être moi-même et, en même temps, l'autre.
Je dois libérer Mathilde de son esprit.
Je ne parle pas de la Mathilde d’avant.
Pas celle que j'ai épousée.
Je parle de la Mathilde que j'ai imaginée.
La Mathilde de mes fantasmes.
Elle existe en moi.
À présent, elle est de chair et de sang.
Je peux la faire jouir à volonté.
Et, chaque fois qu'elle jouira, je prendrai mon pied.
L'amour parfait!
Évoquer cette pensée déclenche une production de sucs sensuels.
Je touche à la raison.
Je touche à l'émotion.
Les deux unis en même temps dans le cercle vicieux de ma vulve.
Mathilde doit être libérée.
Chaque souffle devient un son…
Son que j'amplifie en DJ érotique.
Entendre ma voix s'extasier est particulièrement provocant.
Dans l'excitation vocale et la stimulation tactile, je me parle comme j'ai toujours rêvé de le faire.
— Aime-moi, mon chéri… Aime-moi, Julien… Baise-moi… Fais-moi jouir… Oui, là… Enfonce ton doigt bien loin, mon amour… C'est bon… C'est bon… J'aime ce que tu me fais… Je t'aime, tu sais.
Un long soliloque de plaisir…
Mathilde exprime de vive voix sa brûlante sexualité amoureuse sous les doigts de son mari.
Résultat, je me fais jouir plus vite que je ne l'imaginais.
Jouir…
Jouir, enfin.
L'orgasme féminin est bien plus plaisant que celui du mâle.
Il est plus vif.
Il touche des nerfs qui me sont étrangers.
Un écho.
Une onde.
Un ressac marin qui monte et qui se retire, à chaque fois un peu diminué.
Mon souffle revient après le violent râle de jouissance que j'ai laissé échapper.
Mathilde dans l'extase.
Quelle jubilation.
Face au miroir, je suis restée les yeux dans mes yeux.
Pour témoigner de cet instant où la jouissance voile le regard.
L'orgasme traversant l’âme de l'être aimé.
Lorsque Julien rentre du bureau pour se préparer, je suis fin prête.
La Mathilde commandée.
Tenue chic, hyper BCBG.
Bijoux.
Accessoires.
Parfum.
Cheveux brillants.
Teint frais.
Dents éclatantes.
Tout y est.
La satisfaction de Julien est totale.
Il pose un baiser chaste sur ma joue.
Il me laisse patienter dans le salon, se dépêchant d'aller se préparer de son côté.
L'occasion des trente ans de mariage de ses parents implique un cadeau.
Julien s'en est chargé.
Il a ramené une grosse boîte vermillon avec un nœud de velours noir.
Pas de marque.
Pas de nom de boutique.
Pas de signe d'origine.
Posée sur la table basse devant moi, je suis très curieuse de savoir ce qu'elle contient.
Son père apprécie les poisons masculins traditionnels.
Whiskys écossais.
Cigares cubains.
À l'occasion, un peu de cocaïne de Pantin.
Sa mère affectionne les poisons féminins.
Champagnes.
Sucreries.
Un peu d'herbe pour se mettre en forme.
Je l'ai déjà vue fumer en compagnie de ses enfants adultes.
Elle allume un joint qu'elle passe à la ronde.
Mathilde décline.
Par obligation maritale, je refuse également.
Mathilde était contre les substances illicites.
Elle faisait systématiquement le reproche à sa mère de se conduire indignement.
Marie-Pierre lui soufflait la fumée au visage.
Elle aussi a un goût pour la provocation.
Pour fantasmer, je l'ai souvent imaginée l'après-midi chez elle dans son grand lit blanc.
Un joint dans la main.
Ses jambes bien écartées…
Une touffe pubienne bien noire, bien abondante.
Devant elle, une gamine du tennis club en jupette blanche en train de la lui lécher.
La cocaïne du père, je ne l'ai jamais vue.
Une allusion faite par Mathilde en passant.
Nous étions dans une soirée.
Un collègue de bureau nous en a proposé.
Cette fois, j'en ai pris un peu, juste pour essayer.
Après, Mathilde m'a vertement corrigé en arguant que, comme son père, la poudre ferait de moi un homme creux.
Que peut bien contenir ce cadeau?
Julien déboule en tenue de soirée.
Bien coiffé.
Bien rasé.
After-shave et tout ce qu'il faut.
À ma grande surprise, il ne porte pas de cravate mais un foulard de soie autour du cou à la manière de Philippe, le demi-frère aîné.
Il a mis du gel dans les cheveux.
Julien conduit.
Je garde la grosse boîte sur mes genoux.
Après vingt minutes de route, nous sommes devant la belle maison du Vésinet.
Nous sommes un peu plus tôt que les invités qui viendront, sous peu, pour les cocktails et le buffet préparé par un traiteur réputé.
Un majordome, engagé pour l'occasion, en livrée et gants blancs, nous ouvre la porte.
Il nous débarrasse de nos manteaux.
En traversant le vestibule, j'ai le cœur qui bat à mille coups la minute.
Le trac d'une comédienne de second plan avant de monter sur scène.
Vais-je bien interpréter mon personnage?
Pour Julien, c'est facile.
Il n'a qu'un rôle de figurant.
Chez les De Lombarès, j'ouvre rarement la bouche sauf pour répondre à une éventuelle question de culture générale.
En général, on me demande juste de passer un plat ou d'approcher un fauteuil.
Je suis systématiquement tenu à l'écart.
Marie-Pierre nous accueille de ses grands bras ouverts.
Elle porte une robe saumon moulante au décolleté plongeant.
Des tonnes de machins aux bras.
— Ma petite chérie… Te voilà, enfin.
Ma mère me fait la bise.
Elle me serre contre elle.
J'ai son eau de parfum plein le nez.
Shalimar de Guerlain.
Après une bise du bout des lèvres à Julien, elle entame son compte-rendu de la situation.
Tout va mal.
Très mal.
Les canapés sont nuls.
Le champagne n'est pas assez frais.
Pas assez de viandes froides pour le buffet.
Les serveurs lui rappellent des voyous de Sartrouville.
Et puis, Joseph est très mal luné.
Une gueule d'enterrement depuis des jours.
D'ailleurs, il veut me voir immédiatement dans son bureau avant que les premiers invités arrivent.
Julien me jette un coup d'œil méfiant.
Je tends la boîte à ma mère.
— C'est pour vous, je me réjouis, toujours dans le mystère. Joyeux anniversaire de mariage, maman.
— C'est trop gentil, ma chérie. Il ne fallait pas. Pose le sur la table avec les autres cadeaux. Regarde moi toutes ces boites qu'on a déjà reçues… J'adore ça! C'est comme si ton père et moi, on se mariait encore et encore et encore…
Elle nous embrasse une seconde fois.
Je dépose la boîte rouge parmi les cadeaux déjà présents.
— Suivez-moi Julien… Je vous offre une flûte. Vous meublerez le salon, en attendant. Il y a la vieille tante de Morlaix qu'est déjà là… Tenez-lui compagnie, si vous pouvez… Elle est sourde comme un pot. Enfin, faites de votre mieux… Et toi ma chérie, va vite retrouver ton père. Peut-être que tu sauras lui remonter le moral. Une gueule, qu'il nous fait, celui-là… Je ne com-prends-pas.
Marie-Pierre entraîne Julien vers le salon tandis que j'avance dans le couloir.
Je cherche à me remémorer le lieu.
J'ai mis les pieds dans le bureau du paternel qu'une seule fois.
Au tout début…
Un jour où Mathilde et moi étions seuls dans la grande maison.
Elle m'avait tout montré de la cave au grenier.
La demeure hyper bourgeoise où elle avait grandi.
Le bureau de son père est un lieu sacré.
Elle m'avait d’ailleurs révélé l'énorme coffre-fort derrière une peinture de Drouais, une reproduction de la Comtesse du Barry en flore.
Mathilde jure que c'est l'original.
Qu'au Louvre, ils n’ont qu’une copie.
Franchement, j'en doute…
Le bureau de papa est un petit Versailles.
Boiseries grises.
Dorures.
Meubles de style Louis XV.
Sur la table basse, des grosses boîtes à cigares.
Le seul endroit de la maison où fumer des havanes est autorisé.
Même si ça empeste partout au rez-de-chaussée…
En m'approchant de la grande cage d'escalier, je me souviens de la porte.
J'y frappe timidement.
Je n'attends pas de réponse.
Je la pousse doucement.
Ils sont là tous les deux.
Joseph, mon père, derrière son grand bureau, digne d'un Choiseul.
Philippe, mon demi-frère, est face à lui.
Il est assis dans un des grands fauteuils.
Il a les jambes croisées.
Un cigare à la bouche.
— T'es enfin là, se réjouit mon père. Viens, mon bébé… Entre… Pourquoi diable as-tu frappé à la porte?
— Je pensais que tu étais avec quelqu'un.
— Les autres clowns, c'est pour après… Entre… Viens, ma chérie.
À présent debout, mon père fait le tour du bureau pour venir me faire la bise.
Trois fois dans leur famille.
— Tu vas bien?
— Oui, ça va, je lui dis le plus naturellement possible. Bon anniversaire de mariage, papa chéri.
C'est vraiment très bizarre de parler à cet homme sur ce ton.
Un homme tellement à l'opposé de mon vrai père.
Tellement plus hautain…
Joseph n'est pas laid.
Rugbyman dans sa jeunesse, il est costaud malgré l’embonpoint.
Dans son ensemble blazer, chemise blanche et pantalon gris, il est élégant.
Il devait être très bel homme dans sa jeunesse avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus.
— Je te remercie, me dit-il. Mais, tu sais… C'est ta mère qui en fait tout un foin. Moi, tous ces tralalas… Si tu savais comment elle me casse les pieds depuis une semaine… Y'a pas assez de ci… Y'a pas assez de ça… Comme si j'en avais quelque chose à foutre de sa soirée de pique-assiettes.
Philippe est maintenant debout.
Je m'avance vers lui pour l'embrasser comme Mathilde le fait.
Souriant à peine, il me tire vers lui en glissant une main dans mon dos.
Un peu trop près car nos deux corps viennent se toucher.
Il pue le cigare mêlé à une eau de toilette trop citronnée.
— Ça va? me demande-t-il, en me retenant.
Son regard inquiet.
Le ton de sa voix.
Je devine immédiatement qu'il a vu la vidéo de mes malheurs à la GBF.
Le souvenir me fait frémir.
J'en rougis naturellement.
Je baisse le nez.
— C'est rien, tu sais, me chuchote-t-il à l'oreille.
— Tu voulais me parler? je demande à mon père, en m'éloignant de Philippe, décidément trop collant.
— Oui, assieds-toi, ma chérie… C'est sérieux.
— Ah, bon? Qu'est-ce qu'il y a?
Je prends place sur le second fauteuil d'époque, face au bureau.
Mon père se dirige dans un coin de la pièce vers le petit bar installé sur une table roulante dorée.
Tout en parlant, il sert trois verres de whisky d'une carafe à long cou.
Il me tend le premier.
— Écoute, Mathilde… Avec Philippe, on a revu ta situation. Le moment est venu, hélas, de prendre une décision. Ça ne peut plus continuer comme ça… Ce que tu fais, c'est pas bien… C'est pas bien du tout!
Je ne sais pas de quoi il parle.
J’accepte le verre.
Lorsqu'ils ont les leurs en main, j’élève le mien.
— Tchin-tchin, je dis un peu ironiquement, en imitant la formule habituelle de Mathilde.
— Y'a pas de quoi trinquer, Mathilde, me répond mon père sévèrement, avant d'avaler une première gorgée.
Penché en avant avec son verre à la main et son cigare entre deux doigts, Philippe ne dit rien.
Il me regarde intensément comme s'il cherchait à décrypter la moindre de mes réactions.
— On a refait les comptes, poursuit mon père. Deux fois! J'ai encore parlé hier à ton banquier… Rien à faire! Ils sont décidés, cette fois… À partir de demain, ils te coupent les crédits. Toutes tes cartes de paiement ne valent plus rien.
— Quoi? je réplique, par automatisme.
Sincèrement, je suis choquée.
— En un mot, ma chérie… La faillite. Le dépôt de bilan. Depuis que t’es mariée, tu vis complètement au-dessus de tes moyens et il faut que ça s'arrête… Bon, ta maison de Louveciennes, c'est pas le pire… On va la revendre et couvrir la plus grosse partie de l'hypothèque… Tes deux bagnoles en LLD, il faudra que tu les redonnes à la fin du mois… Ta dette personnelle, il va falloir qu'on mette sur papier un plan de redressement. Ton imbécile de mari, il ne peut pas t'aider un peu? En attendant? Prendre un crédit?
Mathilde et moi avons un contrat de mariage sous le régime de la séparation des biens.
Ce n'était pas ma volonté.
À l'époque, c'était une condition émise par Joseph.
Je pensais que c'était pour protéger la fortune personnelle de Mathilde que j'imaginais infinie.
À présent, je me demande si ce n'était pas pour d'autres raisons.
Les deux hommes attendent un avis.
Je suis trop bouleversée pour répondre.
C'est tellement inattendu.
Mathilde, couverte de dettes?
— Bon, ça tu verras avec Julien, enchaîne mon père, face à mon silence. Tout de même… Va falloir qu'il y mette un peu du sien. Comme il n’a qu’un petit salaire, va falloir diminuer votre train de vie… La fête est finie, Mathilde. Que tu le veuilles ou non, tu dois comprendre qu'il y a une limite à l'argent… J'ai bien voulu signer des garanties pour que tu démarres dans la vie… Mais ces garanties, je ne veux pas avoir à les couvrir… Donc, on a établi un calendrier de remboursement avec ta banque… Ta paye actuelle… Tes huit mille euros nets serviront pour l’échelonnement des dettes… Il va falloir que tu vives… Que vous viviez sur le salaire de ton mari… Vous louez un deux pièces à Saint-Germain-en-Laye. Vous prenez le RER pour aller au boulot… Vous achetez chez Aldi.
— C'est… C'est pas possible.
— Un tel niveau de dettes, Mathilde… Enfin, quoi? Merde! Qu'est-ce qui t'a pris? Tu ne pensais pas qu'on allait les éponger? Déjà ta baraque à la con, j'étais pas trop d'accord… Au moins, c'est une opération neutre… Mais, tes dépenses là… Ton quotidien… Tes relevés de banque… C'est du délire, Mathilde… Du délire!
Je ne me rends pas compte.
Mathilde a toujours acheté comme elle l'entendait.
Je n'ai jamais mis le nez dans ses affaires.
De mon côté, j'ai profité d'une certaine largesse de sa part pour économiser.
Avec un salaire à peine le tiers du sien, primes comprises, j'ai continué à investir dans mon portefeuille boursier.
Assez conservateur, il s’élève tout de même à soixante-quinze mille euros.
La faillite personnelle de Mathilde, je ne pouvais pas anticiper.
Je ne savais pas que tout était à crédit depuis que nous étions mariés.
Des emprunts.
Des découverts…
Elle venait de heurter un mur.
Je ne sais pas trop pourquoi mais ces révélations financières me touchent émotionnellement.
D'un coup, je suis dans la peau de la petite fille qui se fait sévèrement gronder par son papa adoré.
C'est plus fort que moi.
Je culpabilise….
Du coup, je ne peux plus cacher ma réaction profonde.
Des larmes coulent le long de mes joues.
Cette démonstration émotive trouble Philippe en premier.
Il me regarde comme si j'étais un oiseau mystérieux.
Un spécimen rare.
Mon père lève les bras au ciel de surprise.
— Allons Mathilde, c'est pas toi ça… Tu ne vas pas te mettre à chialer… Tu sais bien qu'il y a toujours une solution… Use de ta tête, bon sang de bois! Écoute, t'en a bien profité de ce fric, non? Donc, c'est pas le problème… Tu sais, on est tous passé par là… Et puis, un jour, on a repris notre sérieux… On a mis le nez dans les comptes. C'est grave mais c'est pas la fin du monde… Ce n'est que du pognon, après tout!
Le plus grave c'est que je ne peux plus me contrôler.
J'ai des hoquets de gros sanglots.
Philippe m'a tendu son mouchoir de lin blanc.
J'ai son monogramme sous le nez.
Pour sécher mes larmes.
Pour cacher ma honte.
Sérieusement affecté par ma réaction, mon père me tend les bras.
— Allons, viens… Viens, que je te parle… Viens, là…
Je sais ce que ce geste représente.
Il veut que je vienne contre lui.
Que je m'assois sur ses genoux.
Ces démonstrations affectives paternelles m'ont toujours choquée.
Une femme adulte sur les genoux de son père, ce n'est pas naturel.
C'est presque révoltant…
Sur le moment, noyée dans ce chagrin incontrôlé, je n'ai pas le choix.
Je suis obligée.
Je repense à ma condition de femme.
Mon plaisir devant le miroir de la salle de bain.
Je me répète en litanie interne:
— Tu es Mathilde. Tu es Mathilde.
Je fais le tour de son bureau.
Je pose mon séant sur sa cuisse.
Je me positionne comme j'ai vu Mathilde le faire.
Je passe un bras autour de son cou épais.
Il me serre contre lui.
Je m'installe dans l'étreinte monstrueuse.
Une situation repoussante.
— C'est rien, mon bébé, me dit-il. C'est rien… Allons, ma chérie… Avec Philippe, on va mettre un plan solide sur pied. On va voir pour la maison… Peut-être qu'on peut se débrouiller… Allons, ne pleure pas comme ça, ma petite chérie… Ce n'est rien.
Penchée vers lui, j'ai la tête contre le haut de sa poitrine.
Il pose une main apaisante sur mes cheveux.
J'ai presque envie de retrouver la sérénité en glissant un pouce dans ma bouche.
— Allez, ma toute petite… Aujourd'hui, c'est jour de fête… Ta mère me rend heureuse, tu sais, surtout parce qu'elle t'a mise au monde. Tu es à moi… Tu es mon bébé chéri et ça, rien ne pourra jamais le changer.
Rien ne pourra jamais le changer…
Si seulement, il savait.
Si seulement, il devinait la supercherie.
Je frémis de tout mon corps si bien qu'il m'étreint de plus belle.
Pour ma défense, il est vrai que je suis à bout de nerfs.
Je suis, à juste titre, bouleversée.
Mais, ce n'est pas tout...
En fait, j'en suis sûre.
Je le sens bien sur le bord de mes fesses.
La queue de mon père est tendue.
Il bande.