Chaque lundi, je m’attends à reprendre une vie normale.
Je pense retomber dans la routine pépère des dernières années.
Eh bien, il y a toujours quelque chose de nouveau pour me troubler.
La cause principale, c’est Julie.
Elle n'est plus la même!
Par exemple, d’habitude, je pars toujours le premier.
Julie, dont l’agence bancaire ouvre à neuf heures, malgré son trajet en bus, quitte l’appartement longtemps après moi.
À présent, ses habitudes matinales sont chamboulées.
Elle saute du lit dès que le réveil sonne.
Révolution, elle se prépare à mes côtés.
Pas que j’ai besoin d’heures pour me raser et m’habiller mais, depuis peu, je suis en compagnie de ma femme.
Elle est affairée dans des préparatifs féminins qui semblent beaucoup plus compliqués qu’auparavant.
Un matin, elle s'épile les jambes.
Le suivant, elle s’enduit le visage de crème.
Le plus étonnant est qu’elle pratique ses ablutions vêtue d’un peignoir fin, tout neuf, qui ne laisse rien deviner.
Une fois habillé, j’avale mon petit déjeuner sur le pouce.
Café noir.
Biscottes et beurre demi-sel.
Europe 1 à la radio.
Et puis là, sans gêne, Julie vient se servir une tasse tout en chantonnant des refrains populaires.
Dès qu’elle me tourne le dos, je la dévore des yeux, tout en m’interrogeant sur son comportement.
En réalité, le plus troublant n'est pas sa tenue mais ce côté joyeux, léger, insouciant, comme si la lourdeur morose de la vie s’était subitement envolée.
Le soir, lorsque je rentre, c’est la même chose.
Julie est encore dans sa tenue de travail.
Elle a parfois un verre de vin à la main.
Elle a aussi décidé que, manger sur la petite table du coin-cuisine, est dorénavant réservé pour le matin.
Pour changer, nous allons dîner le soir à la table de salle à manger avec des bougies allumées.
Je ne l’ai pas remarqué immédiatement mais Julie a pris l’habitude d’allumer des bougies le soir dans le salon.
La bougie parfumée, offerte par Valérie, trône sur sa table de nuit.
Et puis un soir, en milieu de semaine, alors que nous sommes couchés, Julie allume cette grosse bougie rouge pour la première fois.
Je suis dans mon pyjama, à lire un magazine économique, lorsque je note du coin de l’œil que ma femme ôte sa nuisette fine, récemment achetée.
Elle est nue.
― Tu ne gardes pas d'habit?
― Non, parce que tu vas me réchauffer.
Julie se glisse tout contre moi.
L’événement est de taille parce que c’est la première fois qu’elle prend une initiative amoureuse sans être sous l’influence d’une substance excitante.
C’est la première fois qu’elle indique que faire l’amour dans notre lit conjugal est un souhait et non pas une corvée.
Elle se penche au-dessus de moi pour éteindre ma lampe de chevet.
À la lueur de la bougie, je ne distingue plus que des ombres.
Julie guide ma main vers sa chatte déjà toute mouillée.
Mon Dieu, à quoi pense-t-elle pour s’exciter de la sorte?
Je baise Julie un peu rapidement et dans un style un peu routinier mais, me soulager un jour de semaine, m'emballe assez.
Après avoir éjaculé au fond de sa chatte, je l’observe à la lueur de la chandelle.
La flamme qui danse accentue les contours de sa nudité.
Son parfum est plus enivrant que jamais.
― J’ai reçu une promotion, me dit-elle, de but en blanc.
― Sur quoi? Tu veux dire, au supermarché?
― Non, pas la semaine commerciale, s’amuse-t-elle. À la banque, gros bêta… Parfois, tu oublies complètement que je travaille.
― Une promotion de quoi?
― Je ne vais plus être au guichet… Je suis assistante du directeur de filiale.
― Assistante, c’est un gros changement…
― Oui, en fait, je ne vais plus travailler à mi-temps.
― Comment ça?
― Je vais commencer plus tôt et, théoriquement, rester jusqu’à cinq heures… Mais, je sais qu’il y a des jours où on termine plus tard.
― Et t’as accepté?
― Oui.
― T’aurais pu me demander…
― C’est ma carrière, Louis… Tu ne m’as pas consultée lorsque tu as changé de service, il y a cinq ans.
― Oui, mais c’était en interne… Ça ne changeait rien du tout.
― C’est pareil pour moi. Je ne change ni d’agence, ni de ville.
― Oui, mais… Et la maison?
― On va bien se débrouiller, si chacun y met du sien.
― Je veux dire… Et, l'entretien, le linge, et tout ça…
― On va prendre une femme de ménage. Je vais être augmentée à la fin du mois.
― Combien?
― Mille cinq cent de plus.
― Brut?
― Net.
― Pas mal du tout, dis moi… Mais, tu crois que tu vas être à la hauteur?
― Oui… Monsieur Leschelet en est convaincu.
― Monsieur Leschelet? C’est qui ça?
― C’est le nouveau directeur… Il avait des problèmes avec l’ancienne assistante de Marcellin. Moi, je lui ai plu… Même beaucoup plu.
― Plu? Plu, comment?
― Disons que… Il n’est pas indifférent à mes charmes.
Joignant le geste à la parole, Julie se caresse d’un mouvement rapide, allant de ses seins à sa chatte. Le ton de sa voix me fait immédiatement bander.
― Tu… Tu…
― Ne t’affole pas, Louis. Ma chatte et mon cul te sont réservés. Je te le promets!
Je suis complètement stupéfait par cette confession.
― Tu… Tu…
― Tu quoi?
― Tu…
C’est tout ce que je peux dire…
Tu-Tu.
Comme un pipeau à une seule note.
Julie s’approche plus près de mon visage.
Dans la semi-obscurité, ses yeux brillent comme ceux d’un chat.
Elle me parle d’une voix excitée.
― Je te le dis honnêtement, Louis… Parce que c’est comme ça. Mais, monsieur Leschelet a besoin d’une femme dans la journée. Il… Il a besoin d’être sucé.
Mon cœur se met à accélérer.
― Tu le…
Tiens, côté élocution, il y a un peu de progrès.
― En général, c’est après la pause de dix heures trente. Il m’appelle dans son bureau. Je tire les stores. Je ferme la porte à clé. Je me mets à genoux devant lui… C’est tout ce qu’il demande.
― Tu le su…
Julie a la main sur mon sexe.
Plus elle se confesse, plus il durcit.
― Je le lui ai clairement dit, la première fois… Monsieur le directeur, je veux bien vous sucer mais, avec moi… C’est pas dans la chatte ou dans le cul… Sauf si mon mari est d’accord, bien entendu.
― Tu le suces?!
Julie se penche sur mon sexe et se met à recréer la scène.
De la savoir dans le bureau de son directeur d’agence, à genoux sur la moquette rase, avec la queue de ce monsieur dans la bouche, ça me rend à la fois furieux et complètement excité.
Je n’y ai jamais pensé.
Je n’ai jamais imaginé, même en fantasme, que ma femme puisse me tromper.
Non, ce n’est pas me tromper puisqu’elle me le dit ouvertement…
Quel courage d’avouer un truc pareil à son mari…
Surtout, si c’est vrai.
Et, sur le coup, j’ai un doute…
Pour une raison qui m’échappe, je ne crois plus la nouvelle Julie.
Sa confession d’enfance avec l’ami de son oncle me semble assez artificielle.
Et puis, maintenant, cette histoire de fellation fiduciaire.
Ça sonne comme sorti tout droit des pages de la revue Union.
― Tu… Tu avales? je l’interroge.
― Oui… Je ne veux pas qu’il tache mes habits ou la moquette.
― Tu… Tu fais ça avec d’autres?
― Pas pour le moment, non… Mais, monsieur le directeur pense que mes talents pourraient faciliter certaines négociations commerciales.
Plus Julie confesse l’impossible, plus mon excitation culmine.
La salope!
Ma femme est une vraie salope et ça me rend dingue de désir.
Comme si elle lisait dans mes pensées, elle accélère son pompage.
Quel pied!
Lorsque j'éjacule dans sa bouche, elle avale mon sperme.
Sans rechigner…
Puis, elle vient coller ses lèvres aux miennes pour me faire partager la saveur intime.
Qu'est-ce que je peux faire?
Une scène de ménage, une fois le plaisir passé?
Interpréter le rôle du mâle jaloux?
Mais, quoi dire si ce n’est…
― Tu laisserais ton directeur te prendre dans le cul?
Ma question amuse Julie qui se pelote contre moi, en tirant les draps vers elle.
― Seulement, si tu es d’accord…
Elle baise mes lèvres puis se tourne de côté pour souffler la bougie.
Au réveil, je me demande si j’ai rêvé.
Indifférente à ma confusion, Julie est plus guillerette que jamais.
L’idée qu’elle va sucer ce monsieur Leschelet à dix heures trente ne me quitte plus l’esprit.
À chaque fois que j’y pense, je bande comme un enragé.
Avec cette histoire en tête, je pense ni à Chloé, ni à Valérie.
Je suis obnubilé par ma femme et son extraordinaire espièglerie.
Me faire ça, de but en blanc, comme ça, sans avertissement…
Après quinze ans de mariage!
Je vous le dis, c’est comme si j’avais divorcé et, après une recherche rapide sur le site de rencontres baisemoicommeunesalope.fr, je m’étais remarié avec une femme complètement délurée.
Sauf que, dans mon cas, c’est toujours la même personne!
Et encore, je ne sais rien de la vérité…
Est-ce du fantasme? Est-ce un stratagème pour m’exciter?
À l'usine, je n’en peux plus.
Je veux me rendre sur place.
Rouler à tombeau ouvert jusqu’au centre ville pour une visite surprise à ma femme sur son lieu de travail.
Je veux la voir, à genoux, avec le sexe énorme de ce monsieur au fond de la gorge…
En réalité, j’ai bien trop peur de m’humilier.
Dans l'une ou l’autre version du scénario, qu’elle suce son patron ou pas, je suis risible.
Risible d’y croire.
Risible d’attendre sagement dans une salle d’attente pendant que toutes les autres employées me dévisagent, en pouffant de rire.
Naturellement, je ne fais rien…
Rentré le soir de bonne heure, j'accroche mon pardessus à la patère.
Julie vient à peine d’arriver.
― Je crois que j’ai besoin d’une voiture, déclare-t-elle en premier.
― Pardon?
― Je vais m’acheter une voiture.
― Pourquoi faire?
― Pour aller au travail, pardi.
― Mais…
― J’ai vu une Clio qui me plaît vachement.
― Une Clio?
― C’est un modèle très féminin, tu sais… D’ailleurs, le vendeur m’a soufflé à l’oreille que, dans le métier, on disait Clito…
― Clito?!
― Clitoris…
― Tu veux rouler en Clito? Je veux dire, en Clio…
― Je pensais choisir une couleur éclatante… Ils ont un rouge flamme.
― T’as déjà vu un vendeur? Il t’a soufflé dans l’oreille?
― J’ai le droit, non? Le concessionnaire Renault est sur mon chemin. Le type était vraiment rigolo. On arrêtait pas de faire des blagues. Il m’a presque décidé sur le moment. Mais, je voulais quand même t’en parler…
― On en reparlera, Julie.
― En même temps, je ne veux pas trop attendre, à cause des délais de livraison.
― Et le crédit?
― Monsieur Leschelet m’a dit que, pour moi, c’était déjà approuvé. Il y a tout de même des avantages à travailler dans une banque.
― Et à sucer le directeur d’agence!
Bon, ça je ne l’ai pas dit…
Je suis bien trop déstabilisé pour ce genre de répartie.
J’ai faim.
J’ai soif.
Je suis crevé.
― Et le dîner? je finis par demander.
― Je ne mange pas ce soir, me répond Julie. J’avais un déjeuner avec des clients de l’agence.
― Et moi?
― Fais-toi, un truc... Regarde dans le réfrigérateur... Il y a un peu de jambon et un reste de crudités.
Sans se soucier de mon confort personnel, Julie se dirige vers notre chambre à coucher.
Une métamorphose complète, je vous dis…
Je suis subjugué.
J’allume les lumières du salon.
Je m’installe dans le coin cuisine avec la bouteille de vin entamée et un verre à pied.
Ma femme qui roule en Clito…
Rouge flamme de surcroît.
J’en rigole…
L’humour me redonne courage, surtout après une première gorgée.
Elle peut bien s’acheter une voiture si ça lui chante.
Mais, je ne vais m’occuper de rien.
Qu’elle se débrouille avec l’assurance et tout le tralala.
Et puis, je ne vais pas la laver!
Je me ferais un point d’honneur de ne jamais la laver.
Pris d’une impulsion, je me lève vers l’entrée.
J’entends Julie sous la douche.
J’ouvre la porte du placard.
J’attrape ma vieille mallette.
Avec tous ces bouleversements, j’ai complètement oublié ma collection.
Après cette déconvenue maritale, j’ai une envie terrible de les voir.
De les toucher.
Et, surtout, de les sentir…
Je m’enferme dans le cabinet de l’entrée.
J’ouvre la mallette.
Je prends la petite culotte à chatons de Chloé que je n’ai usée qu’une seule fois, chez elle.
Je me la colle sous le nez pour retrouver un peu d’équilibre…
Pour me rassurer sur mon existence.
Je me masturbe en douceur, en pensant aux mots de sa mère.
― Elle vous aime…
Moi?
Son premier amour secret?
Amour…
Un drôle de mot qui englobe un peu tout et n’importe quoi.
Est-ce qu’on m’a déjà aimé?
Est-ce que Julie m’a aimé?
N'a-t-on qu'un seul amour dans la vie?
Est-ce, invariablement, le premier?
Une seule Agnès, que je ne peux plus jamais oublier…
Pas l’amour physique…
Pas le moment grotesque à chercher son trou.
Mais, les mois…
Non, les années à l’observer…
À la désirer…
À boire ses paroles comme d’un calice sacré.
Aimer un être, qui est complètement indifférent à votre sujet…
Aimer celle que vous n’aurez jamais.
J’inspire encore à fond dans la petite culotte mais mon sexe refuse de se gonfler.
Je n’arrive pas à bander comme si, avec cette histoire de voiture, toute ma masculinité avait été dérobée.
Résigné, je remets les articles dans la mallette.
Je fais la chasse d’eau.
Je me lave les mains.
Lorsque j’ouvre la porte, Julie est devant moi en train de se sécher les cheveux d’une serviette éponge.
― Qu’est-ce que tu faisais?
― Je ne voulais pas utiliser les toilettes quand tu y étais.
― Et ta mallette? Tu repars au bureau? Ou est-ce qu'on manque de papier?
― Très drôle, madame… Non, j’avais des dossiers à vérifier.
Mon mensonge est grand comme le monde entier…
Mais, je n’ai rien trouvé de mieux.
Julie m’observe avec suspicion, puis ajoute avec entrain:
― Je vais te faire une omelette mais, je t’assure que… Un jour ou l’autre, il faudra bien que tu apprennes à casser des œufs.