De retour tard, après la visite chez mes parents, nous avalons un bout de pain et nous buvons un verre de vin avant de nous préparer pour aller nous coucher.
La culotte de Julie, restée dans la boîte à gants de la voiture, est oubliée.
C’est seulement le lundi matin, en roulant vers le bureau, que je réalise qu’elle s’y trouve encore.
Quel élan de bonheur!
J’ai presque l’envie de me pencher pour me la coller illico sous le nez.
La Sécurité Routière m'oblige à me freiner.
Par contre, une fois garé sur le parking de l’usine, je n’ose pas m’en approcher.
Trop de collègues circulent aux alentours.
Tout de même, je savoure intérieurement la joie de ma série complète.
C’est aussi satisfaisant que lorsque j’étais enfant et que je collectionnais des portraits de sportifs à coller dans un cahier.
Chloé.
Valérie.
Julie.
Trois cartes maîtresses.
La perspective de m’en délecter est assez pour me dynamiser.
L'anticipation est le plus puissant des excitants.
Du coup, pendant ma journée de travail, je suis en pleine forme.
Je vois les problèmes sous un nouvel angle.
Je suis plus créatif.
Je participe mieux.
Je partage mes opinions.
En même temps, je ne pense qu’à rentrer à la maison pour savourer mes trésors intimes.
Le soir venu, je gare la voiture devant mon immeuble.
M’assurant que personne espionne, j’ouvre la boîte à gants.
Le plus discrètement possible, je glisse la culotte de Julie sous mon nez.
Je respire une grande bouffée…
Bon sang, c’est comme avaler un whisky trente ans d’âge.
Quel fumet.
Quelle vivacité.
Un chef d’œuvre de transpiration, d’urine, de foutre et de sperme.
Le tout a séché dans une fusion parfaite.
Le bouquet s’est bonifié en grand crû, charpenté et puissant.
Une seconde bouffée et je bande déjà comme un enragé.
Je n’ose plus sortir de la voiture de crainte qu’un observateur puisse détecter mon érection de sauvage.
Je glisse la culotte dans la poche intérieure de mon pardessus.
Je reste encore quelques minutes à me calmer.
Finalement, je quitte la C5.
La voie est libre.
Je traverse la cour jusqu’à l’entrée de l’immeuble.
Je pousse la porte vitrée.
J’ouvre la boîte à lettres.
Dans ce nouveau monde informatisé, il y a de moins en moins de courrier postal.
À part quelques factures exceptionnelles, ce sont des dépliants publicitaires que je jette aussitôt dans la corbeille, installée à cet effet.
Le gardien la vide tous les matins et, tous les soirs, elle déborde.
Ce soir-là, il y a une lettre parmi mon courrier.
Une vraie…
Elle n’est pas affranchie.
Sur l’enveloppe, une main, encore maladroite dans son écriture, a inscrit: Monsieur Gorron.
Je la décachette aussitôt.
J’en tire une photo.
Chloé…
Mon cœur se met à convulser.
Il manque de ne plus redémarrer.
Je tiens entre les doigts une photo de Chloé en vacances.
Elle a les cheveux décoiffés comme si elle revenait de la baignade.
Elle est assise sur une chaise en plastique blanc du genre de celles qu’on aligne autour des buvettes de plages.
D’ailleurs, derrière elle, on devine un carré de sable.
Chloé regarde droit dans l’objectif du photographe.
Elle affiche un grand sourire chaleureux et confiant.
Le plus extraordinaire de la photo, c'est que la petite fille est entièrement nue.
Ce n’est pas une photo sexuelle pour autant.
Assise sur le bord du siège, elle garde ses jambes fines serrées.
Avec ses épaules penchées vers l’avant, on ne distingue rien de son intimité.
Par contre, sa petite poitrine est découverte.
Deux reliefs bourgeonnants qui me mènent droit à la syncope.
Je tourne la photo.
Au verso, Chloé a écrit au feutre noir: Merci pour mon cadeau d’aniverssaire. Mille bisous. Ta Chloé...
La faute d’orthographe est telle quelle.
Il n’y a rien d’autre dans l’enveloppe.
Debout dans le hall d’entrée de mon immeuble, concentré sur le cliché, je suis à des années lumières de la réalité.
Je suis sur une planète extraordinaire où le merveilleux enchante quiconque y met les pieds.
Cette photo…
Ce petit mot…
C’est dingue!
À quoi joue-t-on?
Est-ce seulement réel?
Suis-je encore dans le monde des vivants?
Ou bien, suis-je déjà mort, au paradis des hommes pervers?
Réalisant ma situation, à découvert dans un lieu de passage public, je glisse la photo dans l’enveloppe.
Je la cache dans une poche de mon pardessus.
Ma main tremble en appelant l’ascenseur.
Cette carte de remerciements implique tant de choses.
D’abord, Valérie a parfaitement compris mon intention.
Elle lui a donné mon cadeau.
Est-ce Chloé qui a souhaité m’écrire ce petit mot de remerciements?
Ou est-ce Valérie qui l’a instigué?
Et pourquoi pas juste un mot?
Pourquoi cette photo?
Qui, des deux, l’a choisie?
Et la signature?
Ta Chloé…
Elle implique tant de choses.
Et puis, bon sang de bonsoir, que fait une petite fille de onze ans, nue, dans une buvette de bord de plage?
Où a-t-elle été prise?
Et par qui?
Évidemment, ce cliché redonne une valeur inestimable à la petite culotte de Chloé.
Je m’imagine déjà en train de me la coller sous le nez avec la photo dans l’autre main.
Nom de Dieu, il va me falloir trois bras pour me branler!
En passant la porte de mon domicile, je suis fébrile.
Je referme le loquet.
Je m’attends à la remarque habituelle de Julie qui demande si c’est bien moi qui vient d’entrer.
Mais, ce soir, la routine n’est pas au rendez-vous.
Silence glacé.
J’avance vers le salon éclairé.
— Julie, ma chérie? C’est moi… T’es là?
Je vois le mot sur la table basse, à côté des télécommandes.
Louis,
je suis au cinéma avec des amis. Je rentre vers 10:30. Ton dîner est dans le four. Prends un gant de cuisine avant de le sortir.
Bises, Julie.
Comment?
Julie au cinéma?
Elle n’est pas sortie sans moi depuis…
Au moins, trois années.
Et des amis?
Quels amis?
Elle n’a pas mis de e à amis.
Amies?
Amis?
Que se passe-t-il, bordel?
En même temps, je réalise que c’est une véritable aubaine.
J’ai l’appartement pour moi tout seul.
Mais, d’abord les priorités…
Je sors la mallette du placard.
J’y dépose mes trésors du jour.
Puis, une fois débarrassé de mes habits de bureau, ne conservant que mes sous-vêtements, je coupe le four à chaleur tournante.
Pas la peine de manger immédiatement.
J’ai des appétits plus pressants…
Il est à peine huit heures.
J’ai le temps de tout savourer.
Mais tout de même, au cas où Julie reviendrait plus tôt, je glisse ma clé dans la fente de la serrure de la porte d’entrée.
Cette action empêchera quiconque d’entrer.
Julie sera alors obligée de sonner.
Me sentant enfin en liberté chez moi, je prépare le terrain.
Je mets un peu de musique douce sur la stéréo.
J’ouvre le vin.
Je me remplis un grand verre ballon.
Puis, je ramène la mallette au salon.
Je n’ai pas envie de m’enfermer dans les toilettes.
Je m’installe au beau milieu de notre canapé.
J’étale mes trésors devant moi sur la table basse.
Les trois culottes, parfaitement alignées…
Sans oublier la photo de Chloé.
Je suis obnubilé par ce cliché.
Ce regard…
Ce sourire…
Ce petit corps en développement.
Cette poitrine naissante, ornée de petits cônes enflés.
Je ne peux plus attendre.
Je me colle la petite culotte de Chloé sous le nez.
J’inspire intensément.
Malheureusement, avec le temps, elle a déjà un peu perdu de sa saveur.
Les parfums intimes commencent à s’estomper.
Je baisse néanmoins mon slip.
Je ne me suis encore jamais masturbé dans notre salon.
Un interdit social de plus…
D’ailleurs, qui ose une chose pareille?
Des pervers et des détraqués.
Bienvenue au Club.
Levant le nez, je vois que les rideaux ne sont pas tirés.
Rien à craindre, il n’y a pas de vis-à-vis.
Tout de même, cette exhibition augmente la rudesse de ma mise en scène.
Fixant la petite fille sur la photo, je commence à me masturber en imaginant mon scénario de vacances.
Nous sommes tous les deux nus, allongés sur une plage où tout est permis.
Je caresse son bras fluet tandis qu’elle frotte délicatement ma queue de sa petite main.
Hésitante, encore un peu inexpérimentée, elle se concentre sur sa besogne.
Puis, je me penche en avant pour lui souffler à l’oreille le désir qui me vient à l'esprit.
Doucement, elle approche sa petite bouche de mon…
Drrrrrrrrrring!!!
J’ai pensé à tout, sauf au téléphone…
Merde!
Le combiné du salon, en plus.
Il est à un mètre de moi.
Un vrai coup de sang.
Une injection massive d’adrénaline.
Sur le coup, j’ai surtout peur que ce soit les flics, capables de me voir avec leurs drones, leurs satellites espions et leurs machines à lire les pensées criminelles.
Ouf, le cadran indique le correspondant.
C'est Julie…
Qu’est-ce qu’elle me veut, celle-là?
Elle ne peut pas s’amuser toute seule avec ses amis sans e?
J’ai presque envie de ne pas répondre mais, en même temps, je sais que si je ne décroche pas, elle recommencera dans dix minutes.
Elle doit bien imaginer que je suis rentré.
Ne pas répondre est encore plus suspect.
— Oui… Qu’est-ce que tu veux? je lance, franchement énervé.
— Louis, ça va? T’as vu mon mot?
— J’espère que tu ne m'appelles pas pour me demander si j’ai lu un mot écrit en gros et que je ne pouvais pas rater.
— Tout va bien? T’as l’air en colère… Tu t’es brûlé avec l’assiette chaude?
— Non.
— Ça va? Tu ne dis rien… Ça ne te plaît pas?
En fait, je n’ai même pas regardé sous le papier d’aluminium.
Je ne sais pas ce qu’il y a à dîner.
Du coup, je me hâte vers le coin-cuisine avec mon slip entre les chevilles et ma queue, à demi bandée, qui gigote devant moi.
— Oui, c’est très bon, ma chérie… Je vais bien me régaler, je lui dis, pour meubler le temps.
— Tu n’as pas encore mangé?
— J’allais justement commencer… Je suis en train de déboucher le vin.
J’ouvre la porte du four.
Je prends l’assiette à pleine main.
— Aaaaaagh! Putain de nom de Dieu de merde, je hurle de douleur, en secouant ma main droite.
— Qu’est-ce qu’il y a? Qu’est-ce que t’as fait? s’affole Julie.
— C’est rien, je réponds, en soufflant sur mes doigts. C’est juste que j’ai renversé du vin en tirant le bouchon. C’est pas facile de tout faire à une main.
Je soulève délicatement la feuille d’aluminium.
Mon plat préféré…
Poulet à la crème et pommes dauphines.
J’en ai immédiatement l’eau à la bouche.
— C’est gentil pour le poulet, je la rassure.
— Ça me fait plaisir.
— Et toi? Qu’est-ce que tu vas voir avec tes amis?
— Je suis encore dans la file d’attente… On hésite entre… entre… entre deux comédies romantiques.
J’entends clairement pouffer de rire dans son dos.
— T’es avec qui?
— Martine, de l’agence de voyages et… et…
— Et son nouveau petit ami, je parie… Tu ne m’as pas dit que c’était un vrai con?
— Non, on n'est rien que des filles.
— Ah, bon? Parce que, sur ton mot, t’avais écrit amis… A-m-i-s. Sans e… Alors…
— C’était assez spontané… En fait, c’était une idée de Valérie… Elle est passée et…
— Valérie?
— Oui, la voisine…
Ma queue débande, à tel point que je crois qu’elle va remonter se cacher à l’intérieur de mon ventre.
— T’es avec la voisine, en ce moment? je m’affole.
— Oui, et aussi une de ses collègues de boulot… Djamila.
Bonjour la douche froide.
Quatre femmes en virée…
Que vont-elles se raconter?
Que vont-elles raconter sur moi?
Et la photo de Chloé?
Ce n’est pas une épée de Damoclès tout ça, c’est un immeuble que je vais me prendre en pleine poire.
Je me la joue La Tour Infernale, hurlant au milieu des flammes avec toutes les issues de secours bloquées.
— Tu les salues bien de ma part, je lui dis, avec une voix aussi neutre que possible.
— Oui, bien sûr. Elles aussi te…
J’entends de nouveaux rires à travers le combiné.
Des rires de femmes qui s’amusent!
Qui gloussent!
Qui se foutent de ma gueule!
Furieux, je coupe la ligne sur le combiné.
Merde!
Quel con…
Quel con!
Toujours avec mon slip coincé dans le bas des pieds, je sautille pour attraper le gant de cuisine.
Je pose l’assiette chaude sur la petite table.
Mon envie de me masturber est complètement envolée.
Je remonte mon slip.
Après avoir pris une fourchette du tiroir, je m’assois dans le coin-cuisine.
Je me mets à manger.
Si Julie et la voisine deviennent des grandes copines, c’est extrêmement dangereux.
Et Valérie, complètement barge avec ses strings roses, va-t-elle parler de…
De la petite culotte de Chloé?
D’Ô de Lancôme?
De ma fixation sur sa gamine?
Ou bien, est-ce une arme secrète qu’elle garde pour plus tard?
Un plan extorsion…
Un chantage.
Ouais, je vois le genre…
Bientôt, elle va me demander du pognon.
Un coup classique de mère célibataire pour payer son loyer.
La salope!
La grosse putain!
C’était donc un coup monté.
Il existe des femmes assez vicieuses pour faire chanter des hommes sur le seul truc qu’ils ne peuvent jamais avouer.
Le truc qui fait tout perdre.
Famille.
Emploi.
Réputation.
Le truc qui t'emmène droit en prison, sans passer par la case départ.
Merde!
Combien va me coûter son silence?
Cinq cent?
Cinq mille?!
Cinquante mille?!!
Quel gros con…
Je me suis fait piéger comme un bleu.
Je ne savoure pas mon plat préféré.
Je mange mécaniquement.
La soirée est gâchée.
Sans même l’envie d’avaler un yaourt sucré, je laisse l’assiette en plan.
Je retourne vers le salon.
Mes trésors sont toujours étalés sur la table basse.
Je prends un sac plastique dans lequel je glisse la culotte de Julie.
Je range soigneusement tout mon matériel dans la mallette.
Puis, je regarde encore la photo de Chloé.
Je relis son message.
Qu’elle est mignonne d’écrire ça.
Mille bisous…
C’est gentil, les bisous.
On dit ça à quelqu’un qu’on apprécie.
Peut-être bien que je lui plais?
Et…
Ta Chloé…
Ta…
Elle est donc à moi?
Ta, c’est aussi un signe d’amour sincère.
La preuve que je ne suis peut-être pas si affreux que ça.
Je termine mon verre de vin.
Je range la photo avec les culottes.
Je ferme la mallette.
Je brouille la combinaison.
Je la remets dans le placard de l’entrée sans oublier de reprendre ma clé dans la serrure.
Je vais me préparer avant d’aller me coucher.
Seul.