Après ce premier verre, l’atmosphère commence à s’éclaircir.
Julie et Valérie monopolisent la conversation en évoquant le sujet, ô combien important, de la circulation alternée dans la rue du Maréchal Leclerc.
Toutes deux ont une capacité extraordinaire à parler pour ne rien dire.
De mon côté, je veux lancer:
— Alors Valérie? Racontez-nous plutôt votre vie. Votre vraie vie… Comment avez-vous fait pour débarquer dans notre ville? D’où venez-vous? Et puis, ce décor de merde, ça veut dire quoi?
N’osant pas parler à Chloé et, encore moins, la regarder, je laisse mon regard de nouveau se balader.
Et là, d’un coup, c'est le choc!
La table basse de Valérie est composée de deux plaques de verre épaisses tenues par des coins en métal chromé.
Très, années soixante-dix…
Entre quelques objets de l’étage supérieur, je distingue, par transparence, quelques objets rangés au niveau inférieur.
C’est ainsi que je découvre le dernier numéro de la revue Union.
Union!
Le célèbre magazine de fesse français.
L’un des piliers de notre république de la baise.
Union, ce n’est pas une publication à l’américaine, bourrée de créatures irréelles qui semblent débarquer de la planète Vénus.
Union, c’est la France bien gauloise avec des photos crues prisent par de vrais amateurs.
Union, c’est des couples qui partagent leurs moments intimes avec, pour illustration, une photo de madame, bien en chair, qui écarte les cuisses afin d’exposer sa chatte caverneuse.
Union, c'est des confessions de fermiers qui se tapent la postière aux gros nichons.
Des confessions de femmes au foyer qui se font ramoner le cul par le démarcheur en vin.
Union, c’est un érotisme égrillard jumelé à une grossièreté bien de chez nous.
Bref, Union, c’est une institution!
Chez le marchand de journaux, il est toujours rangé sur l’étagère supérieure.
Lorsque j’achète Le Point ou Paris Match, j’aime bien me rincer l’œil avec la couverture.
En général, elle présente une jeune femme en petite culotte avec des seins pendants et le regard ahuri d’une biche coincée, de nuit, dans les phares d’une voiture qui fonce sur elle.
Ou bien, c’est le visage gourmand de la nouvelle secrétaire de mairie qui, bien que bête comme ses pieds, se laisse gentiment peloter le cul par ses collègues.
Union, c’est aussi mon frère Hervé qui en cachait une petite pile sur le haut de son placard.
J’aimais les lui piquer quand il partait en vadrouille.
Union, c’est un peu la gourmandise défendue de ma jeunesse.
C’est aussi…
Merde, Union, c’est surtout la grosse honte!
Qu’est-ce qu’il fait dans le salon de Valérie?
Il est là, à mes pieds, à peine dissimulé, à portée de toutes les mains.
N’importe qui peut tomber dessus.
À commencer par Chloé…
Merde, quoi, Valérie!
À portée d'une fille mineure…
Est-ce que la mère indigne laisse des revues cochonnes traîner dans tous les coins?
Du coup, j’avale une énorme gorgée de bière.
Putain, que j’ai soif!
— Je vois que vous appréciez la bière belge, Louis… Je vous en sers une deuxième.
En effet, sans réaliser, j’ai éclusé toute la bouteille.
Valérie décapsule la seconde.
— Merci, madame, je lui dis, confusément, encore sous le choc de ma découverte.
Julie me fusille d’un regard rempli d’interrogation et de reproche.
Interrogation, du fait que je n’aime pas la bière.
Reproche, de faire l'abruti et de ne toujours pas participer à leur conversation.
En fait, je n’ai même pas écouté ce qu’elle m'a dit.
— Pardon?
— Mais, qu’est-ce que tu en penses, Louis?
— De quoi?
— Tu n’as même pas écouté…
— Désolé.
— Valérie me dit qu’ils vont agrandir la zone piétonnière de la rue Beaumarchais.
— Ah, bon?
— On te demandait justement ce que tu en pensais.
— Ben, euh, pas grand chose… En fait, si possible, j’évite toujours le centre… Je vote U-M-P.
— C’est quoi U-M-P? lance Chloé, de but en blanc.
— Union pour un Mouvement Populaire…
Ayant connaissance de la revue à mes pieds, je réalise subitement combien ma petite blague est fameuse.
Évidemment, je suis le seul à savourer toute la finesse.
J’éclate aussitôt d’un fou rire que je ne peux plus contrôler.
Vous savez, un fou rire…
Un vrai fou rire causé par la nervosité du moment jumelée à une astuce tellement débile que vous ne pouvez plus vous arrêter.
Julie s’assombrit devant mon comportement totalement incompréhensible.
— Pourquoi vous riez? demande Chloé, très amusée.
Je ne peux pas lui expliquer.
D’ailleurs, je ne peux pas parler.
Je suis littéralement mort de rire.
J’en transpire.
Mes joues brûlent.
J'étouffe.
Le rire étant contagieux, Chloé m'imite sans comprendre pourquoi.
Valérie glousse un peu.
Elle est clairement amusée par mes pitreries inexpliquées.
Julie est blême, mortifiée par mes singeries indignes.
Mon fou rire dure, au moins, trois bonnes minutes.
Trois minutes…
Trois minutes, c’est une éternité lorsque toutes vous regardent dans une démonstration physique grotesque que vous ne pouvez plus contrôler.
J’en suis complètement honteux.
Surtout qu’elles ne peuvent pas comprendre.
Et, je ne vais surtout pas leur expliquer.
Enfin, parvenant à me dominer, j’essuie avec une serviette en papier les gouttes qui ruissellent de mon front.
J’avale encore plus de bière pour ne pas y penser.
— T’es vraiment bizarre, tu sais, me lance Julie, choquée.
— Moi, je suis ravie que vous soyez de bonne humeur, tranche Valérie. Le rire, c'est excellent pour la santé.
Chloé rit encore en sourdine, tout en me fixant.
Ses yeux brillent.
Elle caresse le médaillon autour de son cou.
Je lui réponds d’un clin d’œil complice.
— La musique! s’exclame Valérie, d’un coup. On a oublié la musique. Chloé chérie, tu nous choisis un CD?
— Je m’en charge, je réponds, à brûle-pourpoint.
Pas mécontent de m’éloigner des femmes, je fonce vers la chaîne stéréo pour reprendre mes esprits.
U-M-P.
Union…
Pour un mouvement populaire.
Elle est bonne celle-là!
Je ne suis pas prêt de l’oublier.
Puis, me concentrant sur la pile de disques compact en désordre, j'y cherche quelque chose d’audible, à la fois entraînant et doux, un truc idéal pour une soirée à bavarder.
Valérie n’a que de la variété française.
Le choix est assez limité.
C’est alors que je tombe sur un disque que je n’ai pas entendu depuis des années.
C'est comme un choc émotif.
Anthologie du groupe Il Était une Fois.
La photo présente les cinq membres de profil.
Seule la chanteuse est tournée vers l’objectif.
Sans réfléchir, je l’ouvre.
Je glisse le disque dans le tiroir du lecteur.
Le volume est plus fort qu'anticipé.
Les premières notes du piano tonnent, suivies de la voix du chanteur qui entame:
— J’ai encore rêvé d’elle… C’est bête, elle n’a rien fait pour ça…
J’ajuste le volume à un niveau raisonnable, genre musique de fond de supermarché.
Valérie cesse immédiatement sa conversation avec Julie.
Elle tend l’oreille.
Elle me fixe gravement comme si j’avais réveillé quelque chose de son passé.
Je baisse le nez sur la photo du disque.
La chanteuse ressemble à Valérie, en plus jeune, les dents de lapin en moins.
Moi aussi, cette chanson me ramène dans le temps.
Il y avait cette fille dans ma classe de seconde qui s’appelait Joëlle.
Un jour, nous apprenions la nouvelle de sa disparition.
Elle était partie, sans dire un mot à personne.
Elle n’était jamais revenue…
— Une nuit, juste, pour elle et moi… Et demain, matin… elle s’en ira…
Le souvenir mélancolique chasse mon allégresse.
Merde, j’aurais dû choisir un truc plus léger, du genre Polnareff !
— Je nous ai préparé de quoi grignoter, déclare Valérie, en se dressant d’un bond. Chloé, ma chérie… Tu peux aller jouer.
Chloé saute de son siège comme un pantin jaillissant d’une boîte.
Elle n’attendait visiblement que ça.
Mais, plutôt que de passer devant Julie, elle fait le grand tour et vient vers moi.
Elle cherche dans la pile de disques puis, sans hésiter, en tire un.
C’est Ma Déclaration, des tubes de France Gall, à la sauce Jenifer.
— C’est mon préféré, dit-elle, en me le tendant.
Je lui prends le disque des mains.
Chloé se mord la lèvre une dernière fois puis quitte le salon, presque en courant.
Si Maman si…
À présent seuls dans le salon de Valérie, Julie et moi échangeons un long regard.
Elle ne m’adresse pas la parole.
Elle profite de l’intermède pour ajuster sa tenue et examiner ses ongles.
Valérie revient vite avec un plateau de petits canapés.
— Chloé m’a aidé à les préparer.
— Elle est vraiment très mignonne votre fille.
— Oui… Et je ne sais pas ce que je ferais sans elle.
Valérie parle autant à moi qu’à Julie.
Je feins de m’intéresser encore à la musique.
Puis, alors que Julie aide Valérie à faire de nouveau de la place sur la table basse, je reviens vers le canapé.
— Pardon, Valérie. Puis-je utiliser les… Le petit coin?
La bière fait son effet.
— Oui, bien entendu… Mais, la chasse d’eau de celui de l’entrée est cassée. Prenez la salle de bain du fond… Vous devez deviner où elle est.
— Chez vous c’est presque comme chez nous, je déclare pour me rendre intéressant. Mais inversé… Comme vu dans un miroir… C’est familier et, en même temps, c’est complètement différent.
Julie me lance un nouveau regard noir.
Malgré mes bévues, je sens que mon plan initial fonctionne à la perfection.
Julie ne passe pas une bonne soirée.
Je longe le couloir qui s’enfonce vers les chambres.
En réalité, l’appartement est assez différent du nôtre, qu’on a fait refaire il y a huit ans.
Chez Valérie, c’est encore le plan original, vieux de trente ans.
Usant de ma mémoire et de mon esprit masculin à visualiser en trois dimensions, je trouve, sans me tromper, la porte de la salle de bain.
J’allume.
Je ferme la porte derrière moi.
J'enclenche le loquet.
Tout comme le salon, la pièce est un champ de bataille.
Je n’ai jamais vu autant de flacons de produits de beauté.
Les petites étagères, déjà surchargées, ne suffisent plus.
Il y en a partout autour des deux vasques de lavabo et sur les petits meubles.
Le couvercle de la cuvette est recouvert d’une petite moquette rose.
Je le soulève en me rappelant, mentalement, que je ne dois pas oublier de le refermer.
J’ai mon pénis dans la main lorsque j’ai l’idée que ce serait peut-être plus poli de m’asseoir pour ne pas asperger.
Julie est toujours après moi pour le faire à la maison.
Décidé à honorer le précepte féminin, je baisse mon pantalon.
Je m’installe sur mon séant.
La vessie pleine de bière, je suis content de me soulager.
Je regarde autour de moi pour voir s’il n’y a pas quelque chose d’intéressant.
Peut-être un autre magazine de cul?
Ben, non.
Rien…
Faut pas rêver.
J’en suis à secouer les dernières gouttes lorsque je le vois.
Bon sang de bonsoir, je n’y avais même pas pensé…
Dans le coin, à gauche de la baignoire, trône un immense panier à linge.
Le panier de linge sale!
C’est Byzance…
Non, c’est carrément Fort Knox, mais avec le trousseau de clés sur la serrure.
Vite, je remonte mon slip et mon pantalon.
Je fais la chasse d’eau.
Je me précipite.
Écartant le couvercle en osier, je la vois, là, sur le dessus.
J’ai le sentiment qu’elle m’attendait…
Une petite culotte!
Une petite culotte de Chloé.
Je la prends délicatement entre mes doigts.
Elle est en coton blanc avec un motif de chatons noirs et un petit nœud assorti à la ceinture.
Une vraie merveille!
Tremblant, je l’inspecte de plus près.
Oui, elle est dans le même état que la première.
J'estime même qu’elle a été portée plus longtemps.
Aussitôt, je me la colle sous le nez.
Puis, tel un accroc à la cocaïne, je renifle profondément.
Putain, la vache!
Je crois que mon cerveau va éclater.
Cette culotte est bien plus intime que la première et, en plus, elle a une petite arrière senteur de…
Oui, une trace du parfum que je lui ai offert pour son anniversaire.
Ô de Lancôme…
Elle se parfume avec.
Elle parfume ses petites culottes avec mon eau de toilette.
Je réalise que je bande comme un étalon un jour d’arrivage de juments vertes.
Mais, je suis chez Valérie…
Je suis au cœur du temple sacré.
Tant pis, je ne peux pas ressortir dans cet état.
Je retourne vers la cuvette.
Je baisse mon pantalon.
Je prends mes aises.
Le nez dans la petite culotte merveilleuse de Chloé, je m’astique la queue comme un collégien s’entraînant pour les Jeux Olympiques d’Onan...
Curieusement, peut-être du fait d’un environnement étranger, je mets plus de temps que d’habitude.
Je dois y mêler plus d’images mentales.
Chloé en train de me sucer.
Non, ça n’aide pas…
De la savoir dans une pièce à côté, ça me bloque.
Valérie, alors?
Sur son divan jaune, les jambes bien écartées, en train de chanter Pomme…
Non, vraiment pas!
C’est alors que je me mets à penser à Julie chez mes parents.
Son gros cul gonflé…
La manière dont elle écarte des doigts les lèvres de sa chatte trempée pour bien me montrer son trou.
Oui, Julie ma grosse salope…
Si belle…
Si généreuse…
Ma grosse salope!
Je jouis dans la cuvette, si violemment, qu’un jet de mon sperme s’écrase sur le sol carrelé.
Je prends néanmoins grand soin de ne laisser aucune trace.
Malgré ce soulagement immédiat, mon sexe ne veut pas débander.
J’ai encore besoin de quelques minutes.
Pour m’occuper l’esprit, je me mets à lire les étiquettes sur les emballages et les atomiseurs.
Pendant mon inventaire, je tombe sur le flacon d'Ô...
En fait, je n’ai jamais réalisé que ce Ô représente tout simplement un sexe de femme.
Le O, c’est une vulve grande ouverte.
L’accent circonflexe, c’est le capuchon du clitoris.
Je n’ai jamais imaginé que le nom était aussi sexuel.
Merde!
Offrir un truc pareil à une petite fille…
À quoi pensait la mère?
À quoi pensait la maison Lancôme?
Mes réflexions commerciales sont suffisantes pour me ramener à un état normal.
Je me lave les mains.
Je jette un dernier coup d’œil à la scène du crime.
J’ai laissé la petite culotte sur le couvercle de la cuvette des vécés.
Que faire?
La remettre à sa place?
Non, ça jamais!
Elle est trop sublime…
En passionné, je la plie délicatement en quatre.
Je l’enfonce au plus profond de la poche de mon pantalon.
Valérie est bien trop bordélique pour ne jamais s'en rendre compte.