Lorsque je reviens au salon, je sens que l’agacement de Julie culmine.
Depuis le début de la soirée, elle me crible de regards à tuer.
Une vraie Nuit de la Saint Valentin…
Je m'en réjouis.
Pourtant, à observer les deux femmes bavarder, je les trouve plutôt détendues.
Je note qu’elles en sont à leur deuxième cocktail.
Les petits canapés sont déjà bien entamés.
Je me demande si l'animosité de Julie envers moi n'est pas contre-productive.
C'est Valérie qu'elle doit détester.
Lorsque je reprends ma place, j’ai le droit à un nouveau regard de récrimination.
Je joue au candide, en usant d’une grimace explicative, genre…
Quand faut y aller, faut y aller.
Évidemment, sans savoir ce que j’ai fabriqué si longtemps dans la salle de bain, Julie imagine mes besoins.
Valérie a l’air de s’en ficher.
Déchaussée, elle a replié ses jambes sous elle et semble particulièrement à son aise dans son étrange domicile.
— Ah, Louis… Julie me racontait que vos parents habitaient la Touraine. Je connais un peu le coin.
— Vous êtes de quelle région, Valérie?
— Moi? Du Nord…
Le Nord!
De toutes les régions de France c’est celle qui jette immédiatement un froid.
Le Nord!
Personne ne va au Nord.
Personne ne visite le Nord.
On imagine trop facilement des grandes plaines froides et des bords de mer inhospitaliers.
Puis, les gens du Nord passent pour une sacrée bande de tarés.
Dès qu’il y a un crime crapuleux, une mère infanticide ou un gang de pédophiles…
Ouais, bon…
C’est pas un coin où j’ai envie de m’arrêter.
— Où vous êtes vous mariée? je demande, content d’aborder enfin des sujets qui m’intéressent.
— Pardon?
— Votre mariage…
Julie m’écrase le pied gauche comme pour me signaler que le terrain est miné.
Valérie hésite comme si elle ne savait plus très bien quoi raconter, comme si elle avait besoin de temps pour inventer.
— Dans le Nord aussi… Une petite ville, sûrement que vous ne connaissez pas.
— C’était, il y a longtemps?
Re-écrasement de pied de Julie.
Quoi?
J’ai le droit d’être curieux, non?
— Douze ans…
— Comme Chloé, alors!
— Oui, j’étais enceinte de six mois, à la mairie… Nous avons divorcé, mon mari et moi, quatre ans plus tard… Il est remarié. Je vous ai dit qu’il habitait à l’étranger?
Je jette de nouveau un coup d’œil au salon.
C’est ça…
Pas de photos!
Pas une seule photo personnelle.
Même pas de sa fille.
Elle préfère une espèce d’Elvis Presley hideux plutôt qu’une photo du passé.
Peut-être qu’il n’est pas si rose?
Je sens bien que ce n’est pas son sujet préféré.
— J’ai encore des bières dans le réfrigérateur, si vous voulez, informe Valérie, m’invitant clairement à changer de sujet.
— Merci, mais il faut que je mange un peu, je réponds, en avalant un canapé au saumon.
— Faites comme chez vous, Louis, ajoute-t-elle, en souriant.
Ouais, ben…
Je ne me suis pas gêné en piquant directement dans son panier à linge sale.
— Peut-être que vous préférez quelque chose d’un peu plus corsé. J’ai du whisky et un peu de gin, je crois.
Valérie pointe vers trois bouteilles, un peu solitaires, posées sur un coin de meuble.
Des marques de supermarché.
Assurément, elle ne boit pas d’alcool fort.
Par contre, les cocktails de vin blanc et d'Obao descendent allègrement.
Elle prépare justement un troisième pour Julie qui doit sérieusement commencer à sentir les effets.
L’avantage des voisins de palier c'est que la conduite automobile est éliminée.
Tous peuvent profiter de la soirée.
Alors, pourquoi se priver…
— Je crois que je vais en rester à la bière.
Du coup, Valérie se lève.
Elle se dirige vers le couloir et lance à la dérobée:
— Ça va, ma chérie, tu n’as besoin de rien?
La petite voix de Chloé répond du fond du couloir que tout va bien.
Valérie en profite pour fermer la porte du salon à double battants.
Son geste m’étonne sur le moment.
— Elle joue avec son ordinateur, nous rassure Valérie, comme si nous avions besoin d’être rassurés.
— Elle a un ordinateur dans sa chambre? s'inquiète Julie, sur le coup.
— Oui.
— J’ai lu que c’était très dangereux pour les enfants, surtout avec l’internet… Avec tous ces pervers qui rôdent sur la toile.
— Comme toutes choses dans la vie… C’est une question d’éducation. Chloé a accès à tout. Elle fait tout ce qu’elle veut parce que, avant de s’y lancer, je lui ai parlé de tout ce qui existait, de tout ce qu’on pouvait y voir.
— Ah, bon? Même de sexe?
— Surtout de sexe! C’est hyper important pour les filles d’être très bien informées. On doit leur parler des pièges si on ne veut pas qu’elles tombent dedans. Elles doivent surtout apprendre comment se comporter si elles rencontrent quelqu’un de bizarre…
Pas de doute, Valérie me regarde en terminant sa phrase.
Du coup, je pique du nez.
Je crois sentir les effets de l’alcool.
Mes joues se mettent à brûler.
— On peut devenir traumatisé si on voit certaines choses quand on est trop jeune, s'inquiète Julie.
— Une image ou un film? Non, ça n’a jamais traumatisé personne… Ça porte plutôt à réfléchir… Voir un sexe d’homme dressé sur un écran porte toujours à la réflexion, ricane Valérie. Un traumatisme, par contre, ne peut provenir que d’une expérience vécue… Un traumatisme est le résultat d'une violence.
— Tout de même, ajoute Julie, je ne crois pas que j’aurais pu voir tout ça quand j’étais jeune.
— Et vous, Louis, quand pensez-vous?
Je me racle la gorge, en cherchant ma pensée.
— Je crois que vous avez raison, Valérie… Je crois qu’une image ou un film, ce n’est pas assez pour créer un traumatisme. Le degré de séparation est trop grand.
Julie se tourne vers moi, furieuse de m'entendre contredire son opinion.
— Mais enfin, Louis… Rien que l’autre soir, tu me disais que la société était beaucoup trop permissive avec internet… Surtout depuis que tout le monde a un portable.
— C’est sûr que ça a apporté beaucoup de problèmes chez les gens, je réponds, en ménageant la chèvre et le chou.
— Ou peut-être que ça ouvre simplement le débat, argumente Valérie. Je crois qu’il y avait les mêmes problèmes dans le passé, mais c’était plus caché… On n'en parlait pas. Alors, c’était encore plus difficile pour les jeunes de savoir comment se comporter. Avec plus d’informations, sur plus de sujets… En sachant de quoi sont capables les adultes, on peut mieux se défendre.
— Se défendre comment? s’énerve Julie. Si le père tripote sa gamine, c’est quand même pas elle qui va… Qui va se rebiffer!
La transpiration ruisselle dans mon dos.
Merde, j’aurais dû accepter la troisième bière.
— Si la gamine ne sait rien de toutes ces choses, argumente Valérie, elle va croire que c’est normal. Elle va se laisser faire… Et, même se sentir coupable, après. Par contre, si elle sait d’avance que des gens font ça… Qu’il y a beaucoup d'hommes qui s’excitent à l'idée de caresser des petites filles. Alors, elle est mieux armée pour dire non. Pour élever la voix! Même si c’est son papa…
— Oui, vous avez peut-être raison, accepte Julie. Et puis, vous avez un enfant à la maison. Vous devez bien savoir… Pourtant, je ne sais pas si je suis aussi décontractée que vous sur ce sujet.
— Dans le monde d’aujourd’hui, il faut l’être. Pas la peine d’être trop collet monté. D’ailleurs, je voulais vous demander si…
Valérie marque un temps d’hésitation avant de demander:
— Si vous fumiez?
J’écarquille les yeux sans vraiment comprendre ce qu’elle veut.
— Louis?
Valérie me fixe.
Elle a un regard intense dans le genre fakir de vaudeville, capable d’entrer dans votre tête pour vous faire dire n'importe quoi.
— Non, j’ai arrêté de fumer depuis, quoi… Ça doit faire treize ans maintenant. Julie n’a jamais fumé.
— Non, pas des cigarettes…
Valérie ouvre la grande boîte à cigares au centre de la table basse.
Elle est vide, sauf un compartiment où une dizaine de joints attendent.
— Ah, ça! Non… Non, on ne fume pas.
Valérie prend le premier dans la main.
— Ça vous dérange?
En venant chez elle, je m’attendais vraiment à tout mais pas à ça.
Et puis, je n’ai pas fumé de pétard depuis l'école d'ingénieurs.
Je n’avais pas du tout aimé.
Ni le goût.
Ni les effets.
Ni la connerie généralisée des gens qui participaient.
Depuis, je tiens un discours très anti-drogue.
Je répète les croyances populaires.
Dépendance…
Crime…
Problèmes sociaux.
J’ai un frère, à citer en exemple.
Alors, de là à imaginer que Valérie est adepte?
— Julie, ça vous dérange si je fume un peu?
Julie secoue la tête négativement.
Je ne l’ai jamais vue fumer du tabac.
Elle n’en parle jamais.
Lorsque Valérie allume son joint de cannabis, nous sommes, l’un et l’autre, complètement fascinés.
Une fumée âcre et acidulée attaque nos narines.
— Et votre fille? s'inquiète Julie, décidément très tracassée par la petite.
— Elle sait que, lorsque je ferme la porte du salon, c’est un moment privé… À chacun ses petits intermèdes secrets.
Valérie avale une grosse bouffée qu’elle expectore avec délice.
Arrive alors un événement des plus extraordinaires...
Valérie tend le joint à Julie qui demande, hésitante:
— C’est quoi exactement?
— C’est du cannabis mélangé à un peu de tabac blond.
Et là, dans un geste qui m’en fait tomber les bras, ma femme s’empare du joint.
Elle le colle à ses lèvres.
Elle aspire avec précaution.
— Tu fumes?! je m’exclame, spontanément.
Je suis complètement abasourdi.
Je suis sidéré.
Je suis…
Julie recrache un long nuage de fumée.
Elle n’a même pas toussé.
Puis, se tournant vers moi, précise avec un peu d’agressivité:
— Tu penses vraiment que je suis née le jour où tu m’as épousée… Que je n’existais pas avant… Que je n’avais jamais rien fait.
Julie tend le pétard à Valérie qui nous laisse discuter.
— Je… Je… Je ne savais pas… Je pensais que…
— Tu pensais quoi, Louis? Que je vivais sous cloche chez mes parents? Que j’étais sagement dans ma chambre, les bras croisés, à t’attendre?
— T’as déjà fumé?
— Ça t’étonne?
— Plutôt, oui! Je veux dire que tu ne m’en as jamais parlé…
— Tu ne me l’as jamais demandé… Et puis, toi non plus tu n’en parles jamais, sauf pour dire que t’es contre. Alors… C’est tout… C’est juste un truc que j’ai déjà fait.
Julie reprend le joint.
Cette fois-ci, elle avale une bouffée plus longue qu’elle conserve, un temps, au fond de ses poumons.
Je ne veux pas en rester là…
— T’as fumé pendant ton BTS?
— Au collège…
— Au collège! T’avais quel âge?
— Treize, je crois.
— Treize ans?!
— La première fois, c’était avec une copine… Un plan plutôt ringard… Elle me dit de venir chez des gens parce qu’elle ne voulait pas y aller toute seule. C’était un jeune couple dans un H.L.M., en bordure de notre quartier. Je ne sais plus d’où elle les connaissait. On est monté à l’étage… Le type était tout seul, sur le canapé, en sous-vêtements, à boire une bière… Au début, j’avais un peu peur mais on a juste parlé. Après une demi-heure, sa femme est arrivée. Il a sorti un joint. On a tous fumé…
— Et? Qu’est-ce qui s’est passé?
— Rien… C’est tout. On a rigolé. Le type n’arrêtait pas de sortir des blagues. Ils étaient super sympas.
— T’as fait ça souvent?
— Tu t’imagines quoi? Que j’étais droguée? Non, c’était pas trop souvent… Mais, de temps en temps. On fumait, c’est tout. Juste pour se sentir bien. Juste pour rigoler.
— Et t’as fait ça, longtemps?
— Quand tu m’as connu, je ne fumais plus, Louis… C’est ça qui compte, non?
En fait, je ne sais pas tant de choses sur la vie de ma femme avant notre mariage.
Je connais les grandes lignes mais je ne suis jamais vraiment entré dans les détails.
Je sais qu’elle n’a pas fait d’études parce qu’elle devait aider ses parents.
C’est sa sœur qui obtient une licence d'histoire et passe son Capes.
Priorité à l'aînée.
Je sais que Julie, simple caissière de supermarché, a pas mal gratté pour son BTS de secrétariat, en formation du soir.
D’ailleurs, on s’est rencontré à la première usine où je travaillais.
Ma petite dactylo, chérie…
J’aimais bien la narguer.
Et sa vie privée?
Elle m’a parlé de quelques aventures.
Quelques vagues garçons pendant sa formation.
Même de sa première fois avec…
Avec qui?
En fait, je ne sais pas.
C’est un sujet qu’elle évite comme si le passé n’avait rien d’intéressant.
De mon côté, lorsque je la rencontre, tout ce que je veux c’est la baiser.
Je la revois encore, derrière son petit bureau, à taper des dossiers.
Elle porte des cols roulés fins qui moulent sa belle poitrine.
Elle est plus mince à l'époque, plus féminine.
Je tourne autour d'elle comme un gros bourdon, intéressé par sa fleur encore fermée.
Julie est très réservée.
Elle sait dire non, surtout lorsque ma main explore dans l'obscurité d'une salle de cinéma.
Alors, quoi faire?
Je n’ai plus qu’à l’épouser…
De toute façon, le moment est venu.
Ma formation pratique est finalement terminée.
Ma carrière débute.
Me trouver une femme, c'est la suite logique.
J’ai jeté mon dévolu sur Julie parce qu'elle était devant moi.
Parce qu'elle me faisait bander…
Lorsque je lui demande sa main en mariage, elle accepte immédiatement.
Je me fiche pas mal de son passé.
Et puis, une fois mariés, nous sommes assez occupés à nous installer.
Plus la peine d'y penser…
— Allons, Louis… Vous n’êtes pas tenté?
Valérie me présente le joint, en affichant un grand sourire charmeur.
— J’espère que ça ne va pas me donner envie de reprendre la cigarette.
— Ça n’a rien à voir… Un pétard, c‘est pour se détendre, lors d’une bonne soirée entre amis. Pour faire vraiment connaissance…
— Je risque de tousser parce que je n’ai plus l’habitude, je précise, en m’emparant de l’engin.
J’aspire avec grande précaution.
La fumée me semble moins forte que dans mon souvenir.
— C’est… C'est pas du mauvais, je déclare, en souriant, pour faire cool et initié.
— Évidemment, lorsque nous étions au lycée, la qualité n'était souvent pas terrible… Mais, j’ai un fournisseur, ici en ville, qui sait faire la différence… Si vous voulez, je vous donnerais ses coordonnées.
— Nous? Non, je ne crois pas…
Je tends le joint à Valérie mais c’est Julie qui me le prend des doigts.
— Bonne idée, me contredit-elle. Je crois qu’un peu d’herbe de temps en temps, ça nous ferait du bien.
— Tu crois?
— Oui, je crois que ça nous redonnerait un petit coup de jeunesse.
— C’est super dans les moments d’intimité, instruit Valérie, avec un éclat coquin dans les yeux. Ça aide à se libérer… On exprime mieux ses désirs.
Julie me fixe de façon étrange.
Je sens l’effet de la drogue.
Le joint calme d'un coup la tension nerveuse qui ne m’avait pas quittée depuis notre arrivée.
Je me laisse glisser au fond du canapé.
— C’est super sympa chez vous, Valérie… Où avez-vous trouvé tous ces objets?
— Je n’achète jamais du neuf. Que de l’occasion… Je fais les brocantes. Les marchés aux puces. C’est mon passe-temps… Même mes habits.
— Pas vos sous-vêtements, tout de même?
Le cannabis me fait dire n’importe quoi.
Valérie rigole fortement.
— Non, pas mes sous-vêtements, Louis…
— Vous me rassurez, je déclare, en pouffant de rire. En même temps, c’est pas con… Je veux dire, c’est pas bête… D’acheter d’occasion. Ça fait faire des économies, surtout avec un gros loyer comme ici.
— Mon appartement? Non… Je l’ai acheté.
— Vous avez acheté? Je croyais que vous louiez aux Montigny.
— C’est eux qui me l’ont vendu.
— C’est chic de ton mari, de t’avoir aidé, commente Julie.
— J’ai payé l’appartement toute seule, se défend Valérie. Enfin, presque… J’ai encore un petit crédit mais rien de dramatique. C’est vrai que je fais des économies… Avec Chloé, on fait très attention… Par exemple, on ne part jamais en vacances.
Valérie écrase le bout du pétard dans le cendrier.
Elle remplit son verre de vin.
Je fronce des sourcils à sa dernière remarque parce que la photo de Chloé vient clairement d’un bord de mer ensoleillé.
— Chloé va en vacances chez son papa? s’imagine Julie, en concordance avec ma pensée.
— Non… En fait, je vous dois la vérité. Je suis désolée d’avoir menti tout à l’heure mais… En réalité, je n’ai jamais été mariée.
— Ah, bon? s’étonne Julie.
— Je raconte ça parce que c’est plus facile… Aujourd’hui, c’est ce qu’attendent les gens. Une femme divorcée a curieusement pas mal de statut. Ça passe mieux dans les soirées de parents d’élèves. Les gens s’attendent à ce qu’il y ait un ex, quelque part… Qui aide… Qui soit présent… Même occasionnellement.
— Le père est étranger? insiste Julie.
— Non, plus.
Valérie marque une pause avant d’ajouter, un peu gênée:
— Je ne sais pas qui est le père de Chloé.
La réponse me tombe dessus un peu comme un piano à queue dans un dessin animé.
Un grand crac avec plein de petits morceaux qui volent de tous les côtés.
Comment ne pas savoir qui est le père de sa propre fille?
Mais, oui…
J’y suis!
Évidemment…
Valérie est une ancienne pute.
Non, pas ancienne…
Encore, en service…
Mais, pas une pute de trottoir…
Valérie est call-girl.
Une escorte.
Une pute de luxe, quoi!
Tout s’explique, à présent…
Le string…
La morale relâchée…
La couverture de vendeuse en parfumerie…
Schéma classique.
Merde, alors…
J’ai une pute de luxe qui vit juste à côté de chez moi.
— Et votre fille, elle ne pose pas de questions? s’étonne Julie qui, clairement, n’a pas assez d'informations pour, comme moi, trouver la solution évidente.
— C’est comme pour l’internet, poursuit Valérie. Je dois bien lui dire la vérité… C'est la vie… Même si parfois, elle n’est pas idéale… C’est pas toujours un conte de fées. C’est pour cette raison que ça lui fait du bien de vous voir de près. De voir un couple normal… Un couple équilibré.
Julie pose une main sur la mienne.
Je ne sais pas si Valérie se moque de moi ou si elle est complètement dingue.
Trop de fumette, ça doit être ça!
Je me lève d’un bond.
— Tu vas où? s’étonne Julie.
— Je vais me prendre une bière.
— Elles sont dans le réfrigérateur. Pendant que vous y êtes, Louis… Il y a une bouteille de vin blanc dans la porte. Vous pouvez nous l’amener?
Valérie le dit juste à l’instant où je passe près d’elle.
Sa main effleure la mienne.
C’est un geste doux, presque intime.
Un peu comme si elle touchait un mari ou un amant.
Troublant…
— Pas de problème, je lui réponds, en quittant le salon.
Alors que je prends soin de refermer la porte derrière moi, je vois Valérie qui allume un second joint.
Le fantasme épouse imperceptiblement la réalité.
Un vrai délire…
Combien peut coûter une pute de luxe?
Cinquante, la pipe?
Cinq cents, l’amour?