Flavie se réveille en sursaut dans le grand lit.
Il fait jour.
Les rideaux sont tirés.
Elle est en sueur.
Le lit est trempé d'urine froide.
Elle n'a jamais vécu pareil cauchemar.
Elle en a des hauts le cœur.
Elle sent qu'elle va vomir.
Elle se précipite vers la salle de bain.
Elle se penche au-dessus de la cuvette.
Elle éructe deux fois.
Rien ne vient.
Son esprit est tout chamboulé par l'horreur qui pollue son esprit.
Pourquoi imaginer une chose pareille..?
Elle est dégoûtée de la vision.
Scandalisée du souvenir...
L'intensité...
Le réalisme…
Les sensations...
Constance…
Où est Constance..?
À la maison..?
Tranquillement, à jouer dans sa chambre..?
Ou bien, à l'école..?
Sagement, à écouter la maîtresse..?
Flavie veut absolument la voir.
Lui parler.
S'assurer que ce n'était qu'un affreux cauchemar, invention d'une imagination surexcitée.
Flavie se redresse.
Elle titube jusqu'au lavabo.
Elle se rince le visage.
Elle boit un peu d'eau.
Elle se sent sale.
Immonde...
Pisseuse...
Elle porte le déshabillé tout souillé qu'elle n'a pas quitté depuis la veille.
Elle s'en débarrasse vite, à la limite de le déchirer.
Elle retourne dans la chambre.
Le grand lit est toujours défait.
Indifférente aux relents d'urine, elle retourne sous les draps.
Sous la lourde couverture…
Elle a envie de s'y enfoncer.
De s'y étouffer...
Disparaître...
Flavie ne veut plus être au monde.
Elle veut mourir.
Pitié…
Pitié...
Elle se lamente.
Elle se flagelle.
Elle se sent responsable.
Pourquoi est-elle partie de chez elle..?
Un journal intime…
Le petit cahier rose...
Il est caché derrière sa tête de lit.
Elle le met à jour avant de s'endormir.
Elle y couche ses prières.
Elle y note ses envies.
Elle y compose sa vie.
Clémence le découvre par hasard.
Elle le lit.
Elle l’interprète.
Elle lui fait une scène dans la cuisine.
Elle la gifle.
— Tu n'es qu'une petite pute..!
Constance ricane devant son assiette de coquillettes au beurre.
Flavie monte en courant dans sa chambre.
Elle claque la porte.
Elle pleure contre son oreiller.
Elle décide de partir.
Elle doit retrouver sa mère.
Sa vraie maman…
Elle sèche ses larmes.
Elle remplit sa besace de quelques affaires.
Elle y ajoute ses économies.
Elle n'oublie pas sa carte d'identité et son précieux médaillon.
Memento Mori…
Flavie ne fait pas de latin à l'école mais elle connaît la traduction.
Souviens-toi que tu vas mourir…
La philosophie égoïste d'une mère qui l'abandonne pour prendre la vie à bras le corps.
Vivre maintenant, sans arrière pensée…
Vivre dans l'indifférence des autres, parce qu'après, il sera trop tard.
Flavie veut retrouver sa mère.
Jusqu'au bout du monde s'il le faut.
Plage ensoleillée ou métropole triste...
Libertine ou vertueuse…
Riche ou misérable...
Vivante ou morte…
Flavie griffonne le message pour son père.
Elle se faufile hors de la maison.
Elle descend la rue Lavoisier en direction de l'arrêt de bus.
Elle arrive à la gare.
Il fait nuit.
Où aller..?
A-t-elle assez d'argent pour partir loin..?
Un billet de train pour la capitale coûte cinquante euros.
Elle n'a que vingt…
Une main se pose sur son épaule.
— T'es toute seule..?
Recroquevillée sur elle-même, Flavie étouffe au fond de ce lit qui pue.
Elle a trop chaud.
Elle transpire.
Elle se sent fiévreuse.
Elle veut partir.
Elle doit s'échapper.
Ne plus rester entre ces murs de prison.
S'enfuir, à tout prix..!
C'est gravé sur son médaillon.
Il ne faut pas avoir peur de mourir.
Elle ne doit pas hésiter.
Elle saute du lit.
Au pied, elle trouve le survêtement gris et les espadrilles du premier jour.
Elle les enfile en toute hâte.
Elle se dépêche de dévaler les escaliers.
Arrivée sur le palier, elle fonce vers la porte d'entrée.
Elle tourne la poignée.
Elle tire de toutes ses forces.
La lourde porte s'ouvre facilement.
Flavie est à l'extérieur.
Le ciel est gris.
L'air est frais.
Elle respire.
Elle respire, enfin.
Elle descend les marches du perron.
Dans la cour, une bicyclette l'attend.
Sans trop penser à la présence fortuite de l'objet, elle grimpe dessus.
Elle se met à pédaler.
L'effort physique la ravive.
Elle remonte l'allée bordée d'arbres.
Elle cherche le chemin qui mène à la route.
Ne pourrait-elle pas simplement escalader la grille..?
Stopper la première voiture en faisant de grands gestes...
Appeler les secours…
1-1-2...
Pleine d'espoir, elle accélère.
Le vent souffle de plus en plus fort.
Elle lève le nez.
Le ciel est noir comme de l'encre, malgré le rayon de soleil qui la réchauffe encore un peu.
Le chemin débouche sur un carrefour.
Elle emprunte la voie de droite.
Elle traverse une allée cavalière.
Elle pense s'être trompée.
Elle ne voit toujours pas la bordure de la propriété.
Le mieux serait de revenir en arrière et d'emprunter l'autre direction.
Les grands arbres du parc se ressemblent tous.
Pas de panneaux indicateurs…
Pas de repères...
Flavie pédale plus vite, avec plus de détermination.
Un bâtiment s'élève devant elle.
Une chapelle ancienne, ornée d'un petit clocher…
Flavie ralentit.
Au loin, le tonnerre gronde.
Le soleil est caché.
Le vent redouble de force.
Des tourbillons de feuilles mortes...
Que faire..?
Elle pédale en direction de l'abri.
Elle freine.
L'adolescente distingue une silhouette debout sur le parvis.
Celle-ci ne voit pas Flavie.
Elle regarde dans la direction opposée.
Une nonne…
Une bonne sœur vêtue d'une robe de bure grise et coiffée d'une cornette.
Une main posée sur sa coiffe à cause du vent, elle semble attendre quelqu'une.
Sortie d'un bosquet, une deuxième nonne apparaît.
Flavie retient son souffle.
Les deux femmes se hâtent d'entrer dans la petite église.
Flavie n'a pas été vue.
Une première goutte d'eau s'écrase sur sa joue.
Une seconde…
La pluie se met à tomber.
Flavie pédale.
Sur le qui-vive, elle guette le moindre danger.
Elle pose son vélo contre le mur de l'enclos.
La chapelle est entourée d'herbes hautes.
Elle semble abandonnée.
L'adolescente approche.
Telle un chat à l'affût, elle se colle contre le mur.
La pluie commence à la tremper.
L'orage n'est pas loin.
Le battant droit de la grande porte de bois est resté ouvert.
L'averse l'aveugle.
Flavie se dépêche d'entrer, sans se montrer.
Cachée derrière une colonne, masquée par l'obscurité, Flavie voit les deux nonnes.
Elles se tiennent debout devant le maître-autel.
La chapelle, suffisamment grande pour accueillir une trentaine de croyants, est richement décorée.
Des dorures...
Des angelots…
De grands tableaux pieux...
Une fresque religieuse, peinte au plafond...
Flavie garde les yeux rivés sur les femmes.
Leurs coiffes l'empêchent de deviner leurs traits.
Les femmes chuchotent un moment avant de se caresser de gestes sensuels.
Flavie est choquée.
À l'extérieur, le tonnerre gronde.
La pluie drue bat le toit et les vitraux.
La lumière tombe brutalement si bien que la chapelle est presque dans la nuit.
Flavie examine les vitraux.
Des scènes religieuses d'une autre époque...
Un saint sacrifie un agneau rituellement…
Une sainte verse de l'eau d'une cruche dans une autre...
L'adolescente regarde de nouveau les femmes.
Elles se sont séparées.
L'une allume tous les cierges des candélabres ainsi que les grosses bougies placées autour de l'autel.
La seconde se déshabille.
Elle défait sa robe de bure qui tombe lourdement à ses pieds.
Elle ôte sa cornette.
Elle ne porte que le bonnet fin de sa coiffe, ses bas blancs et ses souliers.
Flavie découvre le corps d'une jeune femme d'une trentaine d'années, grêle, à la poitrine volumineuse.
Elles échangent maintenant leurs rôles.
La nonne nue continue d'allumer les bougies pendant que la seconde se déshabille.
Elle est plus jeune, la vingtaine, mais sa beauté est indéniable.
L'aînée revient, en déclarant...
— Approche, douce Rosalie… Viens m'offrir ton con.
Debout devant l'autel, la plus jeune écarte ses cuisses pour présenter ses lèvres intimes.
À genoux comme pour une prière, la femme y colle sa bouche.
Rosalie se pâme de sensualité.
— Oui… Oui, ma Lolotte… Fais-moi foutre… J'en meurs d'envie...
Flavie est fascinée par la scène lubrique.
L'orage...
L'éclairage...
Le lieu...
L'ambiance complète intensifie le caractère licencieux.
— Ton cul... Je veux ton cul..., réclame Lolotte, en retournant Rosalie.
La jeune femme se penche en avant, en écartant les globes de ses fesses.
Flavie sent une douleur vive à l'oreille droite.
Une troisième nonne, qu'elle n'a absolument pas senti approcher, lui pince l'oreille en la tirant d'une main ferme et brutale.
Flavie laisse échapper un petit cri de douleur.
La jeune femme, comparable en taille à Rosalie, l'entraîne méchamment vers la travée.
L'agitation imprévue fait cesser les deux nonnes libertines.
— Regardez-moi qui se cachait près du bénitier...
Flavie est malmenée en direction de l'autel.
— Aïe… aïe… aïe… Je suis désolée... Je voulais m'abriter de la pluie..., se défend-elle.
— Quelle petite menteuse...
La sœur lâche son oreille.
Flavie se retrouve entourée des trois nonnes.
Deux nues, la dernière habillée...
— Quelle beauté..., commente Rosalie.
— Quel joli petit cul..., ajoute Lolotte.
Elles n'hésitent pas à la toucher et à l'effleurer.
— Si on donnait à notre petite voyeuse, une leçon de choses..? propose la troisième.
— Excellente idée, Sidonie..., déclare Lolotte.
— Déshabillons-là..., ordonne Rosalie.
— Non..., supplie Flavie. Je ne veux pas… Non... Non...
Les trois femmes ne veulent rien entendre.
Tenant ses bras de force, elles parviennent, en un rien de temps, à mettre Flavie nue.
Honteuse, l'adolescente cache son intimité du mieux qu'elle peut.
— Quel amour..., confirme Sidonie.
— Regarde-moi, cet adorable petit cul..., déclare Lolotte, en pinçant les fesses de Flavie.
— Aïe... Non, pitié… Je vous en supplie... Laissez-moi partir...