Florentine est libertine.
Florentine est sauvageonne.
Florentine est plus belle que jamais.
Avec le temps, son corps s'est transformé.
Elle a gagné en centimètres.
Fine...
Musclée...
Agile...
Lorsque Pauline la coiffe le soir devant le miroir, elle admire son nouveau physique.
Ses yeux sont plus grands.
Plus profonds…
Ses pommettes sont plus prononcées.
Ses lèvres sont plus épaisses.
Ses hanches se sont élargies.
Sa poitrine ne cesse de pousser.
Les caresses intimes entre filles lui semblent aussi naturelles que de boire ou de manger.
Elle ne peut plus se passer de sa toilette de chat.
Elle apprécie la langue de sa petite amie partout entre ses plis.
Au contact de Pauline, elle savoure le sang.
Lécher des plaies…
Entailler volontairement la peau de l'autre pour s'en régaler...
Si Florentine voit une viande saignante, sa bouche salive davantage.
L'idée de lécher les blessures d'un cul fouetté, la fait mouiller.
Elle affectionne le petit goût métallique.
Elle n'en a jamais assez.
La fin de l'automne est une période de plus intense activité.
Les jours diminuent mais les tâches augmentent.
Les visites des hommes au grand château exigent plus d'efforts de préparation.
Pour Florentine, cela représente un tourbillon d'activités nouvelles.
Un jour, elle s'occupe des chevaux des dianes.
Un autre, elle aide aux saillies des étalons.
Récupérer la semence est une de ses activités préférées.
Pauline planifie, selon des ordres secrets, les saillies des sept étalons.
Elle effectue parfois des saillies naturelles, en amenant une jument préparée.
Parfois, elle use d'un artifice pour récupérer le sperme dans un réceptacle.
La récolte est ensuite emmenée au galop à la clinique par la diane noire.
Florentine se demande bien à quoi ce sperme est utilisé.
Elle ne voit jamais un éleveur de chevaux passer pour en acheter.
Elles vivent en vase clos.
Après la promenade du soir, le maniement de la dague n'est pas oublié.
Pauline rappelle volontiers à Florentine qu'elle s'est mise en danger lors du combat avec le gitan.
Le coup de lame en direction de son ventre aurait pu être fatal.
Elle doit s'assurer de sa victoire à chaque combat.
Face à une lame, mais aussi face à un pistolet...
Florentine ne peut pas imaginer une situation où elle aurait à se prémunir d'une arme à feu.
Elle écoute, néanmoins.
Elle apprend.
Pauline ne tolère aucune défaillance de son élève.
À la lumière du bougeoir, caressant le renard dans le lit de Pauline endormie, Florentine pense à son arrivée aux écuries.
La confusion…
L'ignorance...
L'inexpérience...
Ce temps semble lointain.
Quel âge a-t-elle maintenant..?
Elle a perdu le fil.
Elle ne vit que dans l'instant.
Elle pense à tout ce qu'elle a appris.
Tout ce qu'elle a fait.
Elle pense au cauchemar qu'était sa vie d'avant…
Si les orphelines vivent ainsi, depuis leurs naissances, il n'est pas étonnant qu'elles se sentent supérieures.
Florentine n'aura jamais leurs talents.
Tout ce qu'elle a pour elle, c'est cette main invisible qui semble la guider.
Qui la met en situation.
Qui la punit ou qui la récompense.
Jacqueline…
Madame...
Qui est-elle..?
D'où vient-elle..?
Quel est son passé..?
Le renard pose son museau entre les seins de Florentine.
Il la regarde.
Il est si beau.
Ses yeux sont si brillants.
À force de l'avoir dans son lit, Florentine est devenue amoureuse de cet animal.
Une communication non verbale à un niveau intime…
Elle a peur pour le renard de Pauline dès qu'il est absent.
Elle est folle de joie lorsqu'il revient.
La bête se laisse embrasser.
Florentine le laisse lécher.
Elle lui offre son con.
Elle lui caresse le ventre jusqu'à sa petite verge.
Pauline lui a montré comment le faire polluer avec les doigts ou avec la bouche.
L'animal est reconnaissant.
Le lien d'affection est puissant.
Florentine aime tous les animaux.
Elle les aime comme jamais auparavant.
Son étalon, bien entendu…
Le renard de Pauline, certainement…
Mais aussi, toutes les créatures invisibles qui grouillent dans les environs.
Les hiboux...
Les souris...
Même les grosses araignées qui hantent les recoins sombres des greniers.
Elles ne lui font plus peur.
Les filles d'écurie n'ont le droit que de retirer les vieilles toiles.
Elles doivent laisser leurs propriétaires en paix.
— Pourquoi est-ce qu'on a pas le droit de tuer les petites bêtes..? avait-elle demandé, un jour, à Angeline.
— Parce que tu ne sais pas qui est dedans…
Florentine avait posé une autre question à Pauline.
Elle voulait savoir pourquoi il n'y avait pas chats et de chiens.
— Madame n'en veut pas… Elle dit que ces deux animaux familiers sont des perversions des hommes... Ils ne sont plus naturels... Des dégénérés… Mais, si son domaine était plus grand, elle aurait certainement des loups... Hélas, les grands prédateurs sont difficiles à contrôler… Elle ne veut pas de cages, tu comprends... Les animaux sauvages ou domestiques du domaine sont tous utiles puisqu'on peut les chasser, les manger ou les mettre à la tâche... Un animal doit, comme nous toutes, travailler… Un chien est un mendiant… Un chat est un parasite...
Florentine se souvient que Clémence n'en voulait pas à la maison.
Elle argumentait que cela gênerait leurs vacances.
Pauline se tourne dans son sommeil.
Elle soupire.
Elle pose une main sur la toison de Florentine, pour caresser gentiment le poil épais.
— À quoi penses-tu en brûlant mes bougies..? lui demande Pauline, de sa voix la plus douce.
— Aux animaux… Pourquoi je me sens si proche d'eux...
— Madame dit qu'à vivre proche de la nature, on la comprend mieux… Pourquoi jouer avec des jouets de bois, si on peut jouer avec des lapins, des belettes, des fouines et des martres..? À l'orphelinat, il y a des petites bêtes partout… Elles viennent jouer avec les petites filles si elles ont envie... Un lien naturel se produit... Il faut savoir que, depuis la nuit des temps, tous les animaux de la terre aiment les petites filles... Pourquoi..? Pour la simple raison que les filles ne les chassent pas... Elles ne les torturent pas... Elles ne les massacrent pas... Ça, ce sont les petits garçons...
— J'aurais bien aimé être orpheline, comme toi…
— Je sais… Mais, tu as déjà beaucoup appris… Tu vas continuer... Jusqu'à ce que tu comprennes, ce que Rodilard veut de toi.
— Rodilard..?
— Madame… Nous sommes toutes à elle… Nous sommes ses souris... Elle nous mange... Elle nous croque... Elle nous met à l'œuvre... Elle joue avec nous… Nous ne savons jamais où elle est... En ce moment, est-elle au petit château..? À l'autre bout du monde..? New-York..? Tokyo..? Paris..? Qui peut savoir..? Alors, nous suivons les ordres… Nous marchons droit pour ne pas nous faire croquer par Rodilarus, le féroce chat… J'espère qu'une fois au grand château, tu vas améliorer ta connaissance des fables de La Fontaine... Je te défis d'en apprendre une, par cœur, par semaine… Tu le feras..?
— Je ne veux pas aller au grand château... Je veux rester avec toi...
— Tu ne m'écoutes pas, Florentine..! C'est madame qui décide… Elle décide pour toi tout comme elle a décidé pour moi.
Pauline caresse la vulve de Florentine délicatement.
— Elle a décidé quoi..?
— Après la fête de nos anniversaires, je ne serai plus diane...
— Tu seras quoi..?
— Je vais partir en Roumanie.
— Pourquoi la Roumanie..?
— Si j'ai appris la langue, ce n'est pas un hasard… Je dois y passer du temps... Probablement faire toutes mes études... Je ne sais pas encore... Mais, je pars bientôt...
— Non..!
Florentine se dresse.
Elle s'agite tant que le renard, surpris du mouvement, saute à terre.
Il file par la porte entrouverte.
— C'est quoi la fête de nos anniversaires..?
Pauline reprend les attouchements.
Florentine s'allonge de nouveau.
— Les orphelines ont toutes le même anniversaire… C'est pour simplifier, tu comprends... Pas que cela ait beaucoup d'importance... Sur un calendrier, c'est le quinze janvier… C'est aussi le jour quand le grand château ferme pour l'hiver... Il n'ouvrira alors qu'au printemps... Ce jour-là, beaucoup de filles changent de poste... Donc, tu sauras très bientôt ce que madame veut de toi... Je devine que tu ne vas pas rester fille d'écurie, trop longtemps... Mais, pas de craintes… Tu resteras au haras jusqu'à ta majorité.
— Dix-huit ans..?
— Non, vingt-et-un ans… Pour nous, c'est vingt-et-un... Madame considère que la jeunesse se termine à ce moment-là... Ensuite, nous sommes des femmes adultes... Nous quittons les Ormes Rouges... Madame aura confiance en nous, pour toujours… Nous sommes ses agents à la vie et à la mort... Nous lui sommes dévouées à cent pour cent...
— Tu n'as pas envie de décider pour toi-même..? Avoir un mari… Des enfants...
— Très trop rigolote avec tes idées dépassées… Tu ne comprends pas que nous ne sommes pas comme les autres... Nous avons de grandes choses à faire... Pas question de perdre nos vies avec des mâles idiots... Et, certainement pas avec des mouflets sur les bras… Au contraire, je veux être maîtresse de moi-même... Faire tout ce qui me plaît..!
— Au profit de madame…
— C'est elle qui m'a créée, Florentine... Je lui dois la vie… Je lui dois mon éducation... Alors, je lui donne tout mon temps et toute mon énergie... Je lui obéis aveuglement... Oui, je suis sa propriété mais, dans mon esprit… Je reste moi-même... J'ai appris qu'elle était juste et sensée... Rien n'est laissé au hasard… Chacune de nous a une mission qui profitera au haras et à l'orphelinat... Et, au-delà du domaine… Qui profitera à toutes les femmes de la terre...
— Le but étant..?
— Imagine que la planète entière soit organisée comme les Ormes Rouges… Imagine la beauté naturelle que ce serait...
— Il n'y aurait que des femmes...
— Assurément..!
Pauline embrasse Florentine amoureusement.
La jeune fille s'émoustille si facilement sous les doigts de son amie qu'elle ne peut pas résister à une dernière caresse nocturne.
Pendant le travail de la journée, les mots de Pauline résonnent dans l'esprit de Florentine.
Elle craint son départ.
Elle est tellement attachée à son amie.
Dire que les premiers jours, Pauline la terrifiait.
C'est souvent le cas avec les créatures puissantes que l'on domine.
Hydrogène, au premier instant de leur rencontre, elle en avait très peur.
Le renard, aussi…
Maintenant, ce sont les êtres les plus chers de sa vie.
Pauline va partir.
Un bouleversement de ses sentiments…
Elle en pleure secrètement.
Les orphelines sont tellement différentes.
Elles ne pleurent jamais.
Jocelyne, une diane verte qui était mal tombée de cheval dans la forêt, s'était brisé l'os de la cuisse sur une souche.
Les dianes rouges l'ont ramenée sur une charrette.
Florentine l'a vue dans cet état.
Jocelyne ne pleurait pas.
Elle ne hurlait pas.
Elle acceptait, en serrant juste des dents, ce qui devait être une douleur épouvantable.
L'os brisé qui traversait la chair de sa cuisse.
Elle a patienté un bon moment.
Finalement, elles l'ont transportée vers la clinique avec un petit véhicule électrique.
Bien des jours après, Jocelyne était de retour, réparée, sans plâtre, ni béquilles.
Comme si de rien n'était.
Cette résilience aux peines est aussi morale.
Les orphelines acceptent leur sort, quel qu'il soit.
Elles acceptent la douleur.
Elles acceptent la mort.
Les blagues sur le broyeur sont permanentes.
Elles ont appris à ordonner tout cela dans leurs esprits.
Ne pas se laisser dominer par des sentiments inventés...
Vivre uniquement la réalité du moment...
Ce n'est pas la peine de chercher à séduire.
De jouer à des jeux compliqués de sentiments.
Il suffit de demander ou d'accepter d'être une petite amie.
Les filles sont toutes en couple.
Des unités binaires…
Deux femmes, unies pour un moment, comme Pauline et Florentine.
Elles se toilettent.
Elles s'aiment.
Et puis, elles changent de cavalières.
Les couples se défont et se refont, sans drames et sans jalousies.
Il suffit de demander à la fille du groupe qui est disponible.
Elle répondra forcément oui.
Quelle importance..?
Elles sont toutes plus jolies les unes que les autres.
Filles de ferme…
Filles de cuisine...
Filles d'écurie…
Elles sont magnifiques.
Parfaites…
Ah, si la planète était ainsi...