— La tyrannie de la beauté, Florentine… Laisse-moi t'expliquer... Aujourd'hui, après le déjeuner, j'ai voulu faire un tour du domaine à cheval. Je suis d'ailleurs un des seuls de notre groupe à savoir monter... Les autres, à mon avis, sont de parfaits imbéciles… Bref, tout est organisé pour moi... J'ai un cheval... Magnifique, d'ailleurs… Sellé... Tout est prêt... Pour m'accompagner… Parce qu'on ne fait jamais rien tout seul, chez madame Moreau… J'ai une compagne en habit noir...
Florentine tend l'oreille.
— Tu vois..., poursuit l'homme. Tu es très jolie Florentine, vraiment… Mais, la beauté de cette femme, à cet instant précis, m'a bouleversé… J'étais obnubilé... Par tout ce qu'elle présentait... Maintien, certes… Mais surtout son physique… Tu vois, c'est bien cela, la tyrannie de la nature… Cette nature qui crée pareille beauté... Car, vois-tu, c'est un leurre… Pas ici, naturellement, parce que je sais que les femmes sont intouchables… Pas la peine de perdre son temps à séduire... Pour satisfaire ma luxure, tu es ma catin désignée… Que j’apprécie beaucoup, d'ailleurs...
Florentine soupire un peu de déception.
Elle devine qu'elle ne va rien apprendre d'intéressant.
— Je te parle du réel… Derrière ces murs, dans le véritable monde où moi j'habite… Il y a, de temps en temps, une femme d'une beauté comparable... J'en croise… Surtout dans mon milieu... Mais, si je me lance après… Si je mords à l'hameçon… Je suis fait..! Car toutes les femmes, belles ou moches, veulent toujours quelque chose… Une sécurité… Une position... Une famille... Des avoirs… Un capital... En échange de quoi..? De leur beauté, justement… C'est un leurre, Florentine… Un danger..! Vois-tu, une fois tombé dans le piège, il n'y a plus moyen d'en échapper... La femelle aura ses crocs plantés dans mon patrimoine… Ses rejetons, fruits de ma semence trop vite éjaculée, vont me saigner… Comme tu me vois, aujourd'hui… Eh bien, je suis un vieil esturgeon… J'ai eu la sagesse de ne pas mordre à ces hameçons là… Hier, je te parlais des femmes que je déçois… Je veux ajouter que je les veux toutes moches… Je choisis celles qui ont le moins d'attraits physiques... Car, les très belles femmes sont absolument redoutables… Pas facile de s'en défaire et leur beauté leur ouvrira toujours de nouvelles portes... Elles trouveront des ressources chez d'autres, quitte à se vendre, sans hésiter… Par contre, les femmes que la nature a ignorées… Elles sont faciles à manipuler et à décevoir... C'est moi, le piège… L'esturgeon qui va croquer l'hameçon, la ligne et la pêcheuse… Je les entraîne vers le fond... Tu comprends ce que je veux dire..? La beauté, pour l'homme, est dangereuse… Mais, pourtant… Et aujourd'hui, je m'en rendais tellement compte… On se laisse prendre… On se laisse séduire... La cavalière de cet après-midi… Elle s'appelait Célestine, je crois… Je ne peux plus l'arracher de mes pensées… Nous étions proches d'une petite chapelle lorsque…
— Vous avez vu la chapelle..?
La question quitte spontanément la bouche de Florentine.
Elle ne réalise pas l'effet de son interruption.
L'homme est déstabilisé dans sa pensée.
Il est énervé.
— Euh, oui… Il y a une chapelle dans le domaine... Je n'y suis pas entré… Elle m'a semblé abandonnée... Mais, peu importe le lieu… La beauté à mes côtés, à cet instant très précis, m'a tant fait chavirer… Que j'en suis encore obsédé… Heureusement, que je t'ai ce soir, pour me changer les idées... Madame Moreau fait bien les choses, tu ne trouves pas..?
— Oui, monsieur...
L'homme s'essuie la bouche de façon démonstrative.
Le souper fin est terminé.
Ils sont les derniers dans la salle à manger.
Comme il n'y a pas de loterie la seconde nuit, un changement de costume n'est pas nécessaire.
L'homme se lève difficilement.
Il se frotte le ventre.
Il a trop bu.
Il a trop mangé.
Florentine se lève après lui.
Elle suit l'homme qui titube en chemin.
Florentine est un peu jalouse des autres qui semblent mieux s'amuser.
Il semble qu'une partie de cache-cache érotique a été improvisée dans la bibliothèque.
Le vieux barbon n'a pas l'air de s'y intéresser.
— Le mariage, Florentine… Voilà bien la pire invention de l'homme... La pire..! Pire que les fers des esclaves… Tu me diras, il existe le divorce… Non, le divorce ne change rien… Un lien a été établi entre deux étrangers... Un lien à la vie, à la mort… Rien ne peut le trancher. On aura toute sa vie à traîner ce boulet... Qui nous suit jusque dans les documents administratifs… Le seul moyen de corriger l'erreur, c'est de recommencer… De se marier, une seconde fois… Non, je dis… Déchirons ces lois..! Libérons nos citoyens..! Si l'homme naît libre qu'il le demeure… C'est à la femme, seule, de décider si elle garde l'enfant ou pas… Et encore, nous sommes beaucoup trop nombreux… Je connais un peu l'œuvre admirable de madame Moreau... Je l'encourage… Je la félicite... Avortons..! Avortons..! Avortons tous ces rejetons, en usant des griffes les plus pointues… Des lames les plus acérées... Ils sont inutiles tous ces mioches… Ils gâchent la vie des autres..!
Tout en argumentant dans le vent, l'homme monte vers l'étage.
Florentine, plus esclave que jamais, le suit tête baissée.
Elle soupire en entendant les rires et les cris excités qui s'échappent du Salon des Messieurs.
— L'homme est un loup solitaire… Qu'il aille donc de conquête en conquête, sans se tracasser du lendemain... Seul son plaisir compte... Et les femmes… Libérées de tout ce jeu affreux qu'impose la société… Les femmes seraient plus à même d'accepter la réalité... Pas la peine de se préserver dans l'attente d'un mari hypothétique… Déjà, tu le vois bien, les deux côtés se réjouissent… De toutes les femmes au monde, seule la putain comme toi, ma chère Florentine… Seule la putain est admirable… Elle se comporte comme la nature le souhaite... Pas de liens… Pas de chaînes... La putain est libre comme le vent… Son commerce, qui n'est pas différent de celui d'acheter du pain ou une bouteille de vin, se fait sans contraintes… Sans remords… Sans regrets... Sans pièges… Le mariage pousse à la duplicité... Les femmes se présentent sous des jours trompeurs. Elles jouent de leurs attraits jusqu'à l'alliance au doigt... Ensuite, c'est terminé… Le pauvre homme ne commande plus chez lui... La beauté se flétrit en quelques mois… D'abord, par une grossesse que personne ne souhaite vraiment… Ensuite, par des abus alimentaires… Madame se gorge de sucre et de gras... Elle n'en a plus rien à foutre...
— Qui va s'occuper des enfants..? demande Florentine, timidement.
— Mais, personne… Donc, tout le monde..! Une femme, qui vient d'accoucher, gardera l'enfant sur son sein juste le temps qu’il faudra… En gros, jusqu'à ce qu'il sache marcher... Quatorze mois… Ensuite, la mère a terminé avec lui... Elle l'abandonne... Il suffit alors de les regrouper... Des crèches-écoles... Logés et nourris par l'État, ils apprennent la vie comme des orphelins… Sans l'influence néfaste de leurs géniteurs ineptes… La voilà, la véritable égalité des classes... Tout le monde à la même enseigne… Ça, c'est de la justice sociale..!
L'homme pousse la porte de la chambre XXI.
Florentine le suit.
Après un ménage minutieux des filles de chambre, tout est en ordre.
La pièce sent bon.
L'homme avance vers le plateau d'alcool comme s'il était chez lui.
— Que font ces enfants dans mes écoles du peuple..? Eh bien, ils sont mélangés… Ils sont à tout le monde... Que l'envie te vient de jouer avec ces petits… Tu passes un moment à l'institution publique, à pouponner… Ou à dorloter… Ou à caresser... Nous aimons tous tenir un nourrisson dans nos bras… C'est un sentiment naturel… S'ils sont tous brassés, on ne peut plus savoir qui est le père… Qui est la mère... Du coup, nous les aimons tous, assurément...
L'homme s'écroule lourdement dans un fauteuil.
Florentine ne sait trop quoi faire.
Il avale une gorgée d'alcool.
Il la fixe.
Son regard change.
Il passe de la normalité à la cruauté.
— Retire tout, sauf le corset… Que j'admire ta taille de guêpe... Ton petit con d'enfant… J'ai hâte de voir comment tu réagiras avec ma verge plantée dans ton vagin… Je sais… Je me contredis... Mais, cette vision d’aujourd’hui me hante... Cette reine sur son cheval… Je vais imaginer que je suis en elle… Que je lui fais un enfant... Que nous avorterons ensemble, comme de bons parents...
Florentine commence à se déshabiller.
Ne portant plus que le corset, elle se place debout, devant l'homme.
— Habille-moi d'un préservatif… Puis, viens me sucer... J'ai encore quelque chose à confesser…
Florentine obéit.
L'homme a baissé son pantalon.
Il porte un slip kangourou démodé.
Elle se retrouve à genoux devant lui.
Elle l'aide à le baisser.
Elle enfile le préservatif sur sa verge en érection.
Elle le met dans sa bouche.
Elle s'applique à sucer le bout avec délicatesse.
— J'ai une dernière confession, Florentine... Encore un peu de patience et ce sera terminé... Je veux te dire… Un secret… Un secret dont je dois me libérer... Il y a quelques mois, j'ai été contacté par une femme que je n'avais pas vue depuis des années… Une vraie lame de fond, remontée de mon passé... Cette femme était une jeune assistante lorsque je faisais mes débuts à la télévision... Je n'étais pas encore le monstre que je suis devenu... Encore jeune et naïf… Gonflé d’illusions… C'était une véritable relation… Est-ce que je peux utiliser le mot d'amour..? Peut-être… Pour elle, certainement… Nous habitions ensemble... Un petit studio dans le septième arrondissement… Nous avions cette fougue de la jeunesse... Des projets communs… J'étais encore très inexpérimenté... Un provincial à Paris… Heureusement, une femme plus âgée m'a pris, peu après, sous sa coupe… Elle m'a désigné le chemin du succès... Des nouvelles soirées… Des gens de qualité… Pour embrasser le succès, je ne pouvais pas rester avec cette compagne trop ordinaire… J'ai brisé notre couple... Elle était dévastée... Une scène affreuse… La première fois de ma vie où je bandais en torturant une femme moralement… Ses sanglots incessants... Ce visage déformé par le chagrin... Tu sens, Florentine… Ma verge dans ta bouche… Encore aujourd'hui, je réagis convenablement à ce souvenir délicieux...
En effet, Florentine, qui rêvassait de son côté, sent la verge de l'homme pulser momentanément.
— Ensuite, je ne l'ai plus revue… Je m'étais arrangé pour qu'elle soit licenciée… Bref, des années passèrent... Pas un mot d'elle... Et puis, il y a trois mois de cela… Après tant d'années sans nouvelles, elle me contacte… Curieux de savoir ce qu'elle veut de moi, je l'invite à déjeuner dans un restaurant de luxe… J'aime bien étaler mon succès... Nous nous racontons nos vies... Surtout la sienne, parce que mes réussites sont de notoriété publique… Elle a eu une existence très pénible... Des sous-emplois… Des mauvaises rencontres… C'est qu'elle traînait un boulet... Elle avait une enfant… Elle ne m'avait jamais rien dit… Tu vois, lorsque nous nous sommes séparés… Elle était enceinte de moi… Comme je refusais de la voir ou même de lui parler, elle a décidé d'élever sa fille, toute seule, sans rien me dire… Quelle révélation..! Mère-célibataire, sa vie n'a pas été aisée… Elle a travaillé là où elle pouvait... Au début, dans des bureaux… Mais, elle avait souvent des appels en urgence de la crèche… Car, vois-tu Florentine… La petite fille était handicapée... Trisomique… J'ai mis au monde une petite dégénérée… Quelle histoire de folie..! Tout en l'écoutant me raconter ça, je feins celui qui comprend… Je compatis... Quel effort de sa part... Toutes ces années passées, sans demander mon aide… Aujourd'hui, ma fille est adulte… Elle vit dans un foyer pour ce genre de monstruosités... Un endroit abominable… L'horreur sur terre, ma pauvre Florentine... Tu n'as pas idée… Je décide d'aller la voir, avec elle… D'aller voir ma fille… C'est alors que j'apprends la cause de sa prise de contact avec moi… La fille qui est adulte… Qui est d’ailleurs d'une laideur, absolument rebutante… Ma fille est gravement malade… Elle a besoin d'une greffe de moelle osseuse.
Florentine écoute d'une oreille.
Elle est concentrée à enfoncer la verge loin dans sa bouche sans s’étouffer.
Encouer les filles, est très à la mode.
Elle veut être entraînée.
— Je suis un candidat potentiel, tu comprends… Je pourrais être celui qui la sauve après cette intervention… Je joue alors ma pièce de théâtre… Je suis bouleversé... Oui, je veux aider ma fille qui a été punie par le destin… Et puis, elles viendront toutes les deux chez moi… Habiter dans mon château… Au grand air… Nous pourrions… Nous pourrions recommencer, à nouveau… Quelle excitation de voir tout ce bonheur que je distribue à volonté... Elles sont ravies… Les médecins aussi... Pour le directeur du foyer, je suis un homme exemplaire… Un saint..! Alors, tout se met en place... Je vais aussi loin que possible… Tu devines pourtant la fin, ma petite Florentine… À la veille de l'intervention chirurgicale, je disparais… J'ordonne à mon avocat d'intervenir... J'ai changé d'avis… Je ne vais rien faire... La mère est folle de rage… Elle vient me voir, chez moi… Je lui dis alors ses quatre vérités… Elle est révoltée... Écœurée… Elle est prête à tout, elle qui s'est tant sacrifiée... Elle me supplie… Elle est prête à devenir mon esclave si je le lui demande… Mais, je lui dis, en final, que je souhaite que sa fille meurt… Et, qu'elle meurt, elle aussi, dans la foulée..! Et, c'est exactement ce qui se passe, Florentine… Ma fille dégénérée, à la nouvelle que la greffe n'aura pas lieu, voit sa condition s'aggraver… Elle meurt, peu de temps après... Elle meurt par manque d’un donneur… Tu vois, ce que j'ai fait ensuite… Je suis allé à l'enterrement… Je suis venu me branler sur la tombe de mon enfant... Sa mère m'a regardé faire… Ah, ça y est… Je pollue, enfin…
Florentine sent la verge de l'homme se contracter.
Il râle un peu.
Le réservoir du préservatif se remplit.
Le moment passé, Florentine s'applique à le lui ôter.
Elle s'en débarrasse méthodiquement comme la veille.
— Merci, Florentine… C'était très bon... Tu as de l'avenir dans ton métier. La prochaine fois, lèche un peu les couilles de ton client, c'est une zone qui est également appréciée...
L'homme se déshabille complètement.
— Que tu es jeune et belle… Regarde-moi, je suis vieux et moche… Tu sais, je lis les opinions qu'ont les gens de moi… Sur les réseaux sociaux, essentiellement… Ma gloire est ternie... Je reçois, maintenant, beaucoup de quolibets… Heureusement, il y a les femmes… Les femmes qui ne me connaissent que de loin… Elles m'apprécient encore un peu... J'ai mes fans, comme on dit… Celles qui me connaissent bien, elles me détestent, comme tu le sais… Peu importe… Viens… Je veux commencer par ton cul… Garde un ou deux préservatifs sous la main... J'ai avalé une pilule pendant le souper... Une pilule pour vieux messieurs… Je compte bien passer cette dernière nuit aux Ormes Rouges à t'honorer de mes vices les plus honteux.