Jacqueline avance le véhicule devant l'entrée principale du château.
Elle descend.
Flavie la suit en admirant l'imposante architecture.
L'intérieur est encore plus magnifique.
Du marbre partout...
Des boiseries peintes...
Des grands miroirs...
Des dorures...
L'entrée évoque un hôtel de grand luxe.
Un palace, hors catégorie...
Deux jeunes femmes, vêtues de livrées démodées à dominantes vertes, tiennent l'accueil.
Voyant Jacqueline approcher, elles arrêtent de bouger.
Elles baissent le nez.
— C'est calme aujourd'hui parce qu'il n'y a pas de visiteurs...
— C'est un hôtel..?
— C'est tout d'abord un club sportif... Piscine... Tennis... Équitation... C'est surtout plein le week-end, en saison... Les clients viennent du monde entier... Il y a même un terrain pour les hélicoptères privés...
— C'est magnifique..!
Jacqueline se dirige vers la grande salle mitoyenne.
Des grands fauteuils en cuir...
Un billard français...
Un long bar et des tabourets...
Une jeune femme, également en livrée à dominante verte, range quelques bouteilles.
À la vue de Jacqueline, elle arrête immédiatement ce qu'elle fait.
Elle se tient droite derrière le comptoir comme si elle était au garde-à-vous, puis baisse le nez pour les saluer.
— Bonjour..., dit Jacqueline.
— Bonjour, madame… Bonjour, mademoiselle...
— Deux verres d'eau de la source...
— Tout de suite, madame.
La jeune serveuse s'éloigne.
Jacqueline grimpe sur un tabouret.
Flavie l'imite.
Le nez levé vers le plafond, elle découvre qu'il est entièrement peint.
La fresque représente une scène antique de bacchanale.
Beaucoup de femmes très rondes aux poitrines dénudées.
Des satyres...
Des centaures...
Des chérubins...
L'ensemble est très érotique.
La voyant admirer, Jacqueline précise...
— Le plafond a été peint par François Boucher... Enfin, surtout son équipe… Disons que, quand il est venu ici pour le terminer, le pauvre homme avait bien du mal à lever son pinceau... Si tu vois ce que je veux dire… Mais, j'en ai d'autres de lui, plus petits... Plus amusants, surtout...
La serveuse dépose deux grands verres d'eau.
Jacqueline prend le sien sans la remercier.
La jeune femme reprend sa place, pareille à une statue, le nez baissé.
Flavie boit son verre à grandes gorgées.
Elle avait très soif.
— Il y a une source naturelle sur le terrain..., informe Jacqueline. Une eau pleine de qualités… Elle répare le corps et donne envie de se lécher...
Elle se penche vers Flavie pour un nouveau baiser.
L'adolescente se laisse embrasser après avoir jeté un petit coup d'œil inquiet en direction de la jeune serveuse qui n'a pas bougé.
Cette fois, Jacqueline glisse une main sous le haut du vêtement de Flavie pour caresser son sein droit.
Elle fait rouler le mamelon sous son doigt.
— Que j'aime ta poitrine… Quand je pense à tout ce qu'on va faire, tout à l'heure...
Flavie est rouge comme une pivoine.
Jacqueline arrête l'attouchement.
— Souviens-toi de ce que je t'ai dis sur la pudeur, Flavie... C'est quelque chose qui n'existe pas... Surtout ici... Regarde…
Se tournant vers la serveuse, elle demande...
— Comment t'appelles-tu..?
— Capucine, madame.
— Capucine… Oui, je me souviens maintenant... Montre-nous tes seins, Capucine...
Flavie est choquée.
Sans hésiter, Capucine déboutonne le gilet de sa livrée.
Elle défait sa chemise blanche à jabot.
Elle dégrafe son soutien-gorge à balconnet qui s'ouvre par le devant.
Elle expose une poitrine généreuse.
Flavie est complètement perplexe.
— Magnifiques, Capucine... Tes seins sont magnifiques...
— Merci, madame.
— Tu vois, Flavie... Pas de pudeur… Nous sommes toutes faites de la même façon... La beauté ne doit jamais avoir peur de se montrer...
Jacqueline termine son verre d'eau.
— Viens, on va jeter un coup d'œil à la cour...
Jacqueline s'éloigne du bar.
Avant de la suivre, Flavie jette un regard vers la jeune serveuse, impassible, malgré sa poitrine exposée.
...
Flavie et Jacqueline traversent le hall d'entrée pour, cette fois-ci, sortir à l'extérieur, par l'autre côté.
L'adolescente réalise que le château forme un carré.
Un étage plus bas, la cour intérieure est pavée.
La section du fond est utilisée pour les attelages, entreposés derrière des lourdes portes peintes en blanc.
Au centre, un passage voûté traverse le bâtiment et permet d'accéder aux jardins à la française.
Jacqueline emprunte le grand escalier extérieur.
Elle avance d'un pas décidé.
Flavie fait tout son possible pour la suivre.
— Tu as peut-être déjà remarqué…
— Quoi..?
— Il n'y a que des femmes, ici...
— Vraiment..?
— Partout… Sur tout le domaine… Que ce soit au laboratoire de recherche, à la clinique ou au haras... Tout mon personnel est féminin... Les seuls mâles sur la propriété sont des animaux...
Attaché à l'anneau d'un piquet, un cheval brun, attelé à un buggy à dominante carmin, attend patiemment.
— Il n'y a jamais d'hommes..?
— Il y a des hommes qui viennent au club sportif, mais ils ne sont pas permanents… Ce sont mes invités...
Arrivée à hauteur de l'attelage, Jacqueline caresse le cheval.
Flavie garde ses distances.
Jacqueline murmure quelques paroles à l'animal.
Elle embrasse le nez du cheval avant de continuer.
Sous l'arche, elles croisent quatre jeunes femmes qui se dirigent vers la cour carrée.
Elles sont habillées pour l'équitation.
Seules leurs vestes sont de couleurs différentes.
Une noire, deux rouges et une vert foncé...
Aucune n'ose parler à Jacqueline.
Lorsque celle-ci approche, elles arrêtent de bouger.
Elles se rangent sur le côté.
Elles se décoiffent.
Elles inclinent la tête respectueusement.
Flavie est impressionnée par leur déférence.
Sans les saluer, Jacqueline avance sous la grande arche où s'arrêtent les pavés.
À la grande surprise de Flavie, quelqu'une a déplacé leur véhicule électrique de ce côté du château.
Jacqueline s'installe derrière le volant.
Flavie reprend sa place.
Elles redémarrent.
— C'était un aperçu rapide… J'espère que tu verras plus, la prochaine fois...
— C'est très impressionnant...
— C'est tellement plus que cela, ma Flavie… Presque trois cent ans d'efforts… Est-ce que ça te plaît..?
— Beaucoup...
— Alors, qu'est-ce qu'on fait de toi, mon petit chaton..? Est-ce qu'on te retourne chez tes parents..?
Flavie sourcille.
— Je te redonne à ta belle-mère..? insiste Jacqueline.
— Jamais..! s'insurge Flavie.
— Bravo..! Alors, tu es l'une des nôtres, maintenant... Tu es à l'école des libertines… Tu es prête à t'instruire pour devenir une femme d'exception... Une femme, maîtresse de ses plaisirs physiques... Une femme, riche en esprit... En imagination... Une femme parfaite, quoi… Allons vite chez moi… J'ai très envie de ton corps... J'ai envie de faire avec toi des choses impensables... Es-tu prête, ma petite chérie..?
— Vous n'allez pas me faire du mal..?
— Du mal..? Bien le contraire… Tu es un vaisseau de volupté... Tu es, chère Flavie, l'incarnation de l'innocence et de la beauté... Tu es tout ce que je désire, tout le temps… Le monde est laid, tu sais… Affreusement laid..! Et, il s'enlaidit chaque jour... Beaucoup de jeunes femmes de nos jours choisissent cette facilité... Nous sommes à l'époque du voyou dominant... Les gitons ont pris la main... Ils pensent voler de leurs propres ailes... La musique rap… La drogue... L'ostentation... Le mauvais goût est omniprésent... Ces jeunes femmes qui s'agitent devant leurs mecs, avec leurs attraits artificiellement gonflés… Leurs corps encrés d'idéogrammes obscènes… Elles incarnent la décadence totale... L'apologie du laid… Tout ce que je déteste..! Tout ce que je veux anéantir..! Le libertinage est complètement à l'opposé… Ce n'est pas la glorification de l'artificiel... De la matière plastique… Le libertinage fait l'éloge de la nature... Du beau... De l'authentique… Rien n'est factice avec nous... Rien n'est fabriqué… Tout est en nous, Flavie... La beauté, comprends-tu, est toujours naturelle...
— Qu'auriez-vous fait de moi si j'avais un tatouage, un piercing ou quelque chose de laid..?
— Tu te serais réveillée dans une allée de la ville… Pas très loin de la gare, justement... C'est là que végètent une vingtaine de vagabonds ignobles... Des mendiants dégénérés… Des pervers abjects... Ils t'auraient dépouillée... Abusée... Violée à répétition... Injectée par tous tes orifices de leurs maladies vénériennes les plus abominables.
— Vraiment..?
— Tu vis entre deux mondes, Flavie... Le monde du réel et le monde de l'esprit… L'esprit est beaucoup plus vaste que le réel... Tout y est possible... Nous pouvons tout imaginer... Le libertinage, c'est quoi..? C'est voyager d'un monde à l'autre... Emmener l'esprit vers le réel... Pas un esprit abruti par l'imbécilité et les drogues... Un esprit lucide… Un esprit excité par tout ce que la nature offre comme voluptés... Voilà, l'acte libérateur… Lorsque ton esprit te dit que tout est possible...
Conduisant machinalement, Jacqueline caresse le visage de Flavie.
— C'est de cette idée que je veux jouir… Je veux du foutre, ma Flavie... Je veux qu'il coule de moi, sans arrêt... Je veux qu'il coule de toutes les créatures qui m'entourent... Mais, je ne veux pas de laideur physique… Je ne supporte pas la déchéance systématique... Je n'accepte la turpitude que si c'est moi qui l'ordonne... Je n'accepte l'infamie que si la nature l'impose… La maladie..? Oui..! La misère..? Oui..! L'ignominie..? Oui, encore… Parce qu'elles font partie de la nature… La dégradation volontaire, par contre… Je n'en veux pas... Je l'abhorre..! Je l'exècre..!
Jacqueline ramène sa main sur le volant.
Elle fixe le chemin devant elle.
— Je sais que tu es pucelle, Flavie… Tant mieux pour toi… Mais, oublie la sotte rumeur... Perdre un pucelage ne fait jamais mal… Au contraire, la petite gêne est vite oubliée car mille plaisirs suivent, tout de suite après… Mais, ce n'est pas ce que je veux pour le moment… Aujourd'hui, ton con est protégé... Nous trouverons bien un autre moment… Pour l'instant, je veux que tu avances plus loin dans mon esprit… Tout comme j'espère pénétrer le tien... Que tu vois, tout ce que je t'offre en termes de volupté... Tout comme, je désire me pâmer des plaisirs que tu vas bientôt m'offrir… J'ai beaucoup aussi à t'expliquer... Tu es là pour apprendre... Mais, regarde… On arrive déjà chez moi... La soirée sera longue... La nuit, encore plus… Rien ne sert de se hâter... Allons nous reposer...